Une Sainte-Alliance anti-laïque avance masquée en Europe

Un cartel des religions étend son influence en Europe, depuis 2012 à partir de Vienne, sur un front anti-laïque, en masquant sa véritable nature.

 

Lors d’une rencontre exceptionnelle avec le pape Benoit XVI en 2007, le roi Abdallah d’Arabie saoudite lançait un projet d’institution internationale de dialogue inter-religieux. Cinq ans plus tard, le 26 novembre 2012, vit solennellement le jour au palais d’Hofburg de Vienne, le  « Centre international pour le dialogue interreligieux et interculturel  Abdullah Bin Abdulaziz », le KAICIID, en présence du Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, et sous la triple égide des Etats fondateurs,  l’Arabie saoudite, l’Autriche et l’Espagne.

Dans un communiqué diffusé lors de son ouverture, il était précisé que ce Centre vise à « encourager le dialogue entre les adeptes des différentes religions et cultures du monde entier. » Il est financé sur un budget de 15 millions d’euros pour ses trois premières années d’existence, par le souverain d’Arabie saoudite qui a également acheté, à titre privé, le palais viennois qui abrite les locaux. Il a obtenu en échange un statut d’organisation internationale, avec immunité et exemptions fiscales.

Ce Centre international- qui ne fait pas partie du système des Nations unies- est régie par un « Conseil des parties » composé de neuf représentants de « cinq grandes religions du monde », à savoir, est-il précisé : judaïsme, christianisme, islam, hindouisme et bouddhisme.

L’islam y est représenté par le saoudien Hamad Al-Majed, professeur à l’Université « Imam Muhammad bin Saud » de Riyad , et président d’une « Commission nationale pour les Droits de l’Homme du Royaume saoudien » (sic). Le secrétaire général de l’institution est le saoudien, Faysal bin Abderrahmane bin Mouammar. Au sein de son conseil d’administration l’islam chiite est représenté par  le Sayed Ataollah Mohajerani, ancien ministre iranien de la Culture et de l’Orientation islamique dans le gouvernement Khatami (1996-200), issu de l’Université Tarbiat  Modarres de Téhéran. Parmi les invités d’honneur présents à la cérémonie de création à Vienne, on notait la présence du président de la Ligue islamique mondiale, basée à La Mecque.

Pour une influence politique

Le KAICIID se définie, dans son texte fondateur, comme étant un moyen d’action pour « un carrefour facilitant le dialogue et la compréhension interreligieuse et interculturelle afin de renforcer la coopération, le respect de la diversité, la justice et la paix ». Il précise qu’il entend intervenir et prendre position sur des sujets d’actualité, comme par exemple à propos des caricatures de Mahomet. Son secrétaire général, Fayçal ben Abderrahmane el Mouammar, ancien vice-ministre saoudien de l’Education, ne cache pas que : « Nous ne voulons pas seulement réagir comme une entité politique ». Il cherche, selon ses propres termes à « réunir les chefs religieux et les décideurs politiques dans un large front (…) pour développer des moyens de soutenir la diversité culturelle et religieuse. »

Ainsi le premier objectif des programmes mis en place est « d’améliorer la présence et les idées des différentes religions auprès des décideurs politiques » de pays concernés, particulièrement en Europe, en citant la circoncision ou l’abattage rituel, deux sujets qui ont fait l’objet de débats en Allemagne ou en France. Ces actions sont présentées comme devant permettre  de « prévenir et résoudre les conflits, renforcer la compréhension et la coopération ». En un mot, ces religions tentent, en s’unissant,  d’obtenir  un statut de partenaire plein et entier dans la gestion politique de pays qui ne sont pas des théocraties, en y imposant leurs « lois religieuses », comme par exemple en donnant plein exercice à la Chariaa.

Pour améliorer l’image des religions

Le deuxième objectif  vise à intervenir sur les opinions publiques car, constate le site du KAICIID sous le chapitre  « Image de l’Autre » : «  Les médias façonnent notre compréhension des cultures et de la religion ». Ainsi, il entend intervenir auprès « des associations de journalisme professionnel, des organisations de développement des médias, des propriétaires des médias et des journalistes eux-mêmes, y compris sur l’Internet, pour obtenir une couverture plus précise et plus fréquente des expertises interreligieuses, dans leur contribution à l’obtention de la cohésion sociale. » Il est également prévu d’agir auprès des médias pour « changer l’état d’esprit selon lequel la religion est une cause de conflit », et  « contrebalancer ainsi les points de vue extrémistes. » Dans son objectif de contrôle et d’influence des médias, le KAICIID ne cache pas qu’il « vise à promouvoir une représentation plus exacte de la religion et des communautés religieuses dans les medias et en ligne (…) en répondant aux discours de haine et de fausses déclarations, afin de réveiller la conscience critique de ceux-ci et de modifier la perception des sources d’information.»

Dès ses débuts, le Centre annonce une série de conférences sur « l’image de l’Autre », destinées à « améliorer la perception » des religions. Il est en particulier prévu « d’aider les pays à ré examiner leurs programmes et à réviser leurs politiques dans le but d’améliorer la représentation des gens de foi et les membres de différentes cultures. »

L’intention de modifier l’information au profit des religions, et d’améliorer leur image transparait dans cet objectif premier, au moment où les extrémismes religieux occupent le haut du pavé de par le monde.

Pour intervenir dans l’enseignement et l’éducation

Le troisième objectif exposé sur le site officiel porte sur l’enseignement et l’éducation, et en particulier « l’enseignement interreligieux.»

Pour ce faire, il a été créé un « Policy Network » « réunissant des universitaires et des décideurs politiques pour un renforcement des programmes d’enseignement à tous les niveaux de l’éducation, y compris l’éducation formelle et non formelle et l’apprentissage continu.»

Parmi les programmes lancés dans ce domaine, dès l’installation de ce Centre, est annoncé une « collaboration interreligieuse pour la survie et le bien-être des enfants », visant « à responsabiliser  les chefs religieux et les institutions religieuses dans plusieurs pays prioritaires ». Il est de même prévu de financer des bourses d’études pour de futurs enseignants en religion ou responsables religieux. » La responsabilité de ce chapitre est confiée à l’Organisation de la coopération islamique (OCI- anciennement Organisation de la conférence islamique). Créée en septembre 1969, l’OCI, dont le siège est à Djeddah,  réunie aujourd’hui 57 Etats avec des objectifs non seulement religieux, mais également politiques, économiques, sociaux et culturels, tels que la sauvegarde des Lieux saints ou le « soutien à la lutte du peuple palestinien. »

Des universités au Canada et en Espagne bénéficient ainsi d’interventions « d’experts du patrimoine religieux dans l’éducation », mis à disposition par ce Centre.

Le projet d’une immixtion concertée dans l’éducation des jeunes est clairement affirmé ici, en totale contradiction avec la neutralité de l’éducation nationale, et du respect des non-croyants. Il s’agit d’une remise en cause de la laïcité de l’école, une tentative de mise en échec de Tocqueville (L’Esprit des Lois), et de Jean-Jacques Rousseaux (Le Contrat social), pour qui « c’est l’éducation qui doit donner aux âmes la forme nationale », c’est-à-dire la citoyenneté.

Enfin, le Centre de Vienne qui proclame qu’il «  a pour but la promotion des droits de l’Homme, de la justice, de la paix et de la réconciliation », s’est doté de structures permanentes, telle qu’un Conseil des Parties, et un Conseil d’administration.

Ce Centre vient s’ajouter à plusieurs initiatives semblables existantes dont :

**La Conférence pour le dialogue interreligieux, active en Europe, créée à l’initiative du Qatar ;

**L’Institut royal pour les études interreligieuses  (RIIFS),  promu par le prince jordanien El Hassan bin Talal ;

**L’Alliance des civilisations, créée en 2004 à l’initiative de la Turquie et de l’Espagne, qui a organisé des forums à Madrid en 2007 et 2008, Doha (Qatar) en 2011, et Istanbul en 2012. Elle donnait naissance, en 2005 à une Alliance des civilisations, patronnée par l’ONU.

**Le « Projet Saladin – Connaitre la religion des Autres» destiné en particulier à l’ élaboration d’un livre pour la formation  des jeunes imams, prêtres, pasteurs et rabbins, sur des questions de société (éthique et bioéthique, place de la femme, éducation des enfants , famille.)

Un Conseil judéo-musulman européen.

 

Le « Centre international Roi Abdullah bin Abdulaziz pour le dialogue interreligieux et interculturel » donnait naissance, le 27 aout 2015 à Vienne, à un Conseil judéo-musulman européen  (MJLC- Muslim-Jewish Leadership Council).

 Celui-ci se présente officiellement comme étant la « première plate-forme européenne de dialogue entre dirigeants musulmans et autorités religieuses juives, toutes deux minoritaires, pour la protection de la liberté religieuse en Europe.»

Selon le site « Katibîn », le MJLC a été mis en place pour faire face dores et déjà à « une triple menace » qui pèserait sur les musulmans et les juifs d’Europe, à savoir : « L’interdiction française du foulard, la polémique autour de la circoncision en Allemagne en 2012, (ou encore) l’actuel embourbement belge à propos de l’étourdissement des animaux avant l’abattage rituel.»

Pour nombre d’observateurs et de défenseurs de la laïcité, c’est une véritable déclaration d’interventionnisme qui était ainsi lancée contre la souveraineté des Etats, la démocratie et les décisions des  parlements respectifs.

Dès sa création, ce Conseil judéo-musulman  prenait une première position politique liée à l’actualité en déclarant dans un communiqué sur l’afflux des réfugiés en Europe: « Les réfugiés qui arrivent en Europe  ont un besoin urgent de protection et d’appui. Nous félicitons les nombreuses initiatives prises par des individus privés, des communautés religieuses et d’autres groupes qui ont activement apporté une aide sociale à ces réfugiés ». Il ajoutait : « Pour sa part, le MJLC assurera la coordination et apportera des moyens au sein de ses réseaux pour offrir une assistance aux réfugiés en Europe. Nous exhortons les décideurs politiques européens à mobiliser tous leurs efforts pour assurer la sécurité de ces réfugiés.»

Ainsi, pour cette institution européenne judéo-musulmane, aux Etats reviendrait la sécurité, et aux religions la solidarité et la justice sociale. De plus, outre le fait qu’un nombre important de ces demandeurs d’asile sont des chrétiens d’Orient chassés d’Irak et de Syrie, lorsqu’ils ne sont pas interdits en Arabie saoudite,  les représentants de ces deux cultes semblent se réserver l’action d’entre-aide sociale en faveur des sunnites, puisque parmi ces réfugiés il n’y aurait pas de juifs. Le champ social est ainsi réinvesti par les religions, au détriment de l’Etat qui, dans une République laïque comme la France, en a la charge.

Les partenaires islamiques

La partie musulmane y est représentée par Tahir Salié, président du Secours islamique mondial  ainsi que par son ancien président,  Ibrahim El Zayat qui estimait qu’ « il est urgent de mettre fin aux tentatives répétées de réduire les libertés religieuses de certaines minorités ». Il ajoutait : « Lorsque nous réunissons nos efforts, nous pouvons préserver nos droits. Lors que nous restons isolés, nous perdons le droit de pratiquer pleinement notre foi. »

Le Centre islamique pour la République fédérale d’Allemagne est également partie prenante dans ce Conseil judéo-musulman.

Outre la présence de l’OCI, le Conseil  MJLC inclue une ONG, le Secours islamique mondial (Islamic Relief Wordwide)  qui se présente comme « un organisme de bienfaisance de droit britannique qui joue un rôle de catalyseur et de coordinateur pour de nombreux projets d’assistance à travers le monde, auquel collabore les membres de la famille islamique de secours des organismes de bienfaisance. Il s’inspire des principes humanitaires islamiques pour venir en aide aux personnes dans le besoin ». Là encore, il s’agit d’une forme de clientélisme auprès de communautés religieuses européennes, contraires aux principes laïques.

Lors de la création à Vienne du Conseil judéo-musulman, l’un de ses fondateurs, Ibrahim El-Zayat, ancien président de l’Organisation internationale de secours islamique, déclarait qu’ « il est urgent que le MJLC fasse échec aux tentatives répétées de réduire les libertés religieuses. Comme croyants, nous devons soutenir les libertés religieuses des communautés minoritaires. L’histoire nous apprend que lorsque les droits d’une communauté sont restreints, d’autres communautés devront faire face à des restrictions semblables. En nous défendant ensemble, nous pourrons préserver nos droits. Lorsque nous restons isolés, nous perdons le droit de pratiquer pleinement notre foi ». Il est symptomatique de constater la confusion entretenue entre la liberté de croire ou de ne pas croire en une transcendance, qui n’est nulle part remise en cause en Europe, et les pratiques des cultes dans l’espace public qui sont encadrées par la loi, conformément aux principes de la laïcité.

Il apparait également que l’islam qui n’a pas de tradition de religion minoritaire hors de la Oumma, cherche à conserver en Europe le même statut qu’il a dans les pays islamiques (Chariaa), avec le soutien d’autres religions minoritaires comme le judaïsme. Cette alliance est d’autant plus hasardeuse que les Juifs avaient et ont toujours un statut spécifique en pays majoritairement musulman, celui de Dhimmi (Reddition), c’est-à-dire de « minorité soumise et protégée ». Ce régime juridique, issu du « Pacte d’Umar », soumet les « Gens du Livre » à des impôts spécifiques – de capitation (Jizya) et foncier (Kharâ), à un exercice de culte restreint, à une discrimination devant les tribunaux islamiques, à des activités professionnelles réservées et même dans l’histoire, à des costumes distinctifs.

Le MJLC se fixe de plus pour objectif de « soutenir l’éducation religieuse, d’échanger des informations et de coordonner des réponses rapides face à des problèmes qui se posent au niveau local, national ou européen», ce qui reviendrait à des alliances de circonstance entre musulmans et juifs, sur des bases religieuses.

Que sont en réalité Ibrahim Farouk El-Zayat, et le « Secours islamique mondial » ?

Outre qu’il fut président de la Communauté islamique d’Allemagne (IGD) entre 2002 et 2010, proche de l’organisme musulman turc- Millî Görüs,  Ibrahim El-Zayat, allemand d’origine égyptienne,  a été le représentant européen de l’Assemblée mondiale de la jeunesse musulmane (WAMY), réseau mondial de jeunes saoudiens financé par l’Arabie saoudite, dont le siège est à Riyad. Il a été également le fondateur et le directeur de la Fédération des organisations islamiques en Europe (FOIE), ainsi que l’administrateur de l’Institut Européen des Sciences Humaines (IESH). Cet Institut créé à Saint-Léger-de-Fougeret, près de Château-Chinon (58-Nièvre-France), avec des antennes à Saint-Denis puis à Paris, est en réalité un centre de formation d’imams. Il fut créé initialement pas le Conseil européen de la fatwa de Londres, puis géré par l’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF), dans la mouvance des Frères musulmans[1].

Parmi les 9 membres du bureau exécutif du Conseil de la fatwa de France, on retrouve plusieurs responsables de la branche française des Frères Musulmans, également responsables de l’Institut Européen des Sciences Humaines (IESH), parmi lesquels son directeur à Château-Chinon, Larabi Becheri, son directeur de Saint-Denis,  Ahmed Jaballah, ainsi que ses enseignants Nawal Zine ou Ounis Guergah. Les liens avec les Frères musulmans sont très étroits.

L’emprise des Frères musulmans

L’implantation des Frères musulmans en Europe a suivi les différentes vagues de répression subies dans l’histoire contemporaine, dans Egypte de Nasser, mais aussi en Irak (1971), en Libye (1980-90), en Tunisie (1981,1987), et en Arabie saoudite (années 1995). Cet extrémisme islamique s’est manifesté conjointement par un entrisme politique dans les pays musulmans et par des excroissances armées (Jamaat Islamiyya et Juihad, en Egypte). Ses représentants officiels en Europe sont aujourd’hui Hani Ramadan et Youssouf Al-Qaradâwî. Ce dernier a déclaré que « l’islam va retourner en Europe en conquérant et en vainqueur après en avoir été expulsé à deux reprises. Cette fois-ci, je maintiens que la reconquête ne se fera pas par l’épée, mais en recourant à la parole et à l’idéologie. » Les financements proviennent de l’organisme saoudien,  la Ligue islamique mondiale.

L’islamologue Brigitte Maréchal[2] souligne qu’en Europe, les Frères musulmans ont créé des associations estudiantines, organisé des camps de vacances, créé des organisations de scoutisme, des écoles islamiques, puis ils ont unifié ces groupes au niveau national. Ils ont tenté  des opérations monopolistiques d’encadrement des musulmans européens, afin de parler en leur nom. Dans les années 1960, ils ont mis en circulation des publications et revues. Dans les années 1990 ils ont établi des institutions privées de formation de niveau supérieur, comme « l’Institut européen des sciences humaines ». Ils fonctionnent comme un réseau fortement connecté, et bien moins sous la forme d’associations traditionnelles. Pour Brigitte Maréchal, les objectifs-cadres des Frères musulmans en Europe restent les mêmes que dans les pays musulmans, à savoir : d’une part « la réforme des individus en vue d’établir un ordre moral fondé sur l’islam dans la société » et, d’autre part, « la constitution d’une élite capable d’éduquer et de mobiliser les masses. »

Brigitte Maréchal souligne, par exemple que le « Conseil européen de la fatwa et de la recherche », présidé par l’imam extrémiste Al-Qaradawi, veut « se positionner en tant qu’instance de guidance pour les musulmans européens, fondée sur la tradition, étrangère au débat et au pluralisme, marquée de condescendance. » Pour eux « l’Islam est pensé comme alternative idéologique et mode de vie total seul capable de sauver l’Occident de sa situation de décadence », note Patrick Haenni, chercheur à l’Institut Religioscope.

Depuis leur implantation en Europe, les Frères musulmans tentent d’écarter d’autres groupes islamiques afin d’être reconnus comme interlocuteurs privilégiés des gouvernements européens, et sous-traitants officiels des affaires islamiques. Ils cherchent à se positionner comme étant modérés au regard de leurs concurrents, salafistes ou tablighs, tout en jetant des ponts vers eux, y compris avec les wahhabites, dans certaines circonstances. Toutes les occasions sont saisies pour manifester leur présence sur le terrain.

Le Conseil européen de la Fatwa.

Les Frères musulmans ont mis en place, en Grande Bretagne (mars 1997 à Londres), puis en France, un Conseil européen de la fatwa et de la recherche, défini officiellement comme « une organisation islamique, spécialisée et indépendante »  chargée d’émettre « des fatwas qui répondent aux musulmans d’Europe, règlent leurs problèmes et régissent leurs échanges avec les communautés d’Europe, le tout conformément aux règles et aux objectifs de la Chariaa. » Son objectif est de guider les musulmans dans « un programme de vie parfaite pour l’individu, la famille, la société et l’Etat », selon la formulation employée par le fondateur des Frères musulmans Hassan al-Banna. Ce Conseil est financé par l’organisation Al Maktoun, dirigée par le cheik Hamdan Al Maktoun, ministre des Finances et de l’Industrie des Emirats arabes unis[3]. On retrouve parmi les membres de ce Conseil de la fatwa, des personnages clés de l’UOIF, tels  que Djaballah ou Ounis Qourqah ; de l’Institut européen des sciences humaines, tel que al Arabi al Bichri, ou de l’Union des organisations islamiques européennes (UOIE), comme al Rawi.

Ce « Dar al-Fatwa » prend des positions conformes  à la loi islamique, particulièrement sur des questions familiales, mais  incompatibles avec les valeurs ou le droit européens, comme par exemple lorsqu’il s’agit des violences domestiques et de l’égalité des sexes. Ainsi, une fatwa applicable aux musulmans en Europe, prône qu’une femme doit obtenir la permission de son mari avant de se faire couper les cheveux chez son coiffeur si cette coupe « est susceptible de complètement modifier son apparence »[4]. Une autre fatwa permet au mari d’empêcher son épouse de rendre visite à une autre femme –même si elle est musulmane- « s’il considère que cette relation aura un effet négatif sur son épouse, ses enfants ou sa vie conjugale en général. »

Pour Al-Qaradawi, « l’homme est le seigneur de la maison et le chef de la famille ». Il soutient que lorsque l’épouse montre « des signes de fierté et d’insubordination », son mari peut la punir en la frappant, mais… « avec modération en évitant le visage »[5]. Dans ses prêches à destination des musulmans d’Europe, il répète  que la polygamie est  un droit que tous les hommes musulmans devraient pouvoir exercer « à la condition de respecter certaines règles.»

Autres dispositions qui tombent sous le coup du droit pénal européen, les mariages pratiqués selon le rite islamique (Nikah) qui se substituent parmi nombre de musulmans européens au mariage civil. Dès lors, en cas de conflits matrimoniaux, c’est le Conseil européen de la fatwa qui s’érigera en tribunal religieux, comme c’est déjà le cas en Grande Bretagne.

L’islamologue Lorenzo Vidino souligne que « en dépit de son engagement à se concentrer sur les questions qui concernent la vie quotidienne des musulmans d’Europe, certaines fatwas du Conseil sont extrêmement politiques. Elles trahissent la présence de membres radicaux en son sein. » Ainsi, au cours d’une réunion du Conseil qui se tenait à Stockholm, en juillet 2003, Al-Qaradawi distingua cinq catégories de « terrorisme » parmi lesquelles « le terrorisme permis par la loi islamique », et les « opérations martyrs ». Faisant allusion aux attaques contre Israël Al-Qaradawi déclarait que « ceux qui s’opposent aux opérations martyrs en prétendant qu’il s’agit de suicides commettent une grave erreur. »[6] C’est également l’opinion de Mawlawi, vice-président du Conseil de la fatwa, qui dans une fatwa interdisant aux pays arabes de coopérer avec les Etats-Unis dans leur « guerre contre le terrorisme », avançait que ce que Washington appelle du terrorisme est, la plupart du temps, un « djihad légitime », telles ces « opérations de résistance menées en Palestine, en Irak et en Afghanistan. »  Ces déclarations politiques, sous couvert de l’islam, transmises sur le web, font des ravages dans les esprits de certains jeunes musulmans en Europe.

Al-Qaradawi préside  de manière quasi absolue le Conseil de la fatwa, outre son émission hebdomadaire  « La Chariaa et la vie » diffusée sur la télévision al Jazeera. Selon une note interne du British Home Office (14 juillet 2005), il est considéré comme « la principale et la plus influente autorité de l’islam au Proche-Orient et de plus en plus en Europe, où il bénéficie d’une très grande popularité. » Selon les Services britanniques cités par l’islamologue Lorenzo Vidino[7] Al-Qaradawi a fréquemment défendu le recours aux « islamikazes » pour attaquer la population israélienne ou les forces américaines en Irak. Il a apporté son appui à des organisations terroristes comme le Hamas ou le Jihad islamique palestinien. Il a qualifié le processus de paix au Proche-Orient de « conspiration visant à étouffer la résistance palestinienne », et  proclamé à maintes reprises que « toute la nation musulmane doit mener le djihad pour libérer la Palestine, Jérusalem et la mosquée al-Aqsa. »[8]

Les Frères musulmans, dans leur « conquête » de l’Europe ne cachent pas que c’est dans les régions à grande densité de population musulmane que leurs objectifs sont susceptibles de se réaliser, dans ce que Al-Qaradawi appelle « les ghettos musulmans ». On en est bien loin, même si plusieurs sondages révèlent qu’un nombre grandissant de musulmans d’Europe semblent favoriser l’introduction de la religion dans la conduite des affaires publiques : Ainsi, en Grande –Bretagne, 4 musulmans sur 10 souhaitent l’introduction de la Chariaa dans le pays[9]. En Allemagne un sondage mené par un institut musulman révèle que 21% des  musulmans du pays interrogés considèrent que la Constitution allemande est incompatible avec les prescriptions du Coran[10].

Pour Lorenzo Vidino : « Alors que les salafistes et autres extrémistes religieux demandent l’introduction  de la Chariaa d’une façon très agressive et contreproductive, les Frères musulmans, plus rusés politiquement utilisent une autres stratégie pour atteindre le même but », en particulier en insistant pour « une mise sur pied de centres islamiques en Occident » progressivement, estimant que « le dialogue, les signes d’ouverture et la modération constituent de meilleurs atouts.»

Les partenaires chrétiens et juifs

**Au sein du « Centre international pour le dialogue interreligieux et interculturel » le Vatican a un statut « d’observateur fondateur ». Il est représenté par le père Miguel Ayuso, secrétaire du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, spécialiste du dialogue avec l’islam dans le cadre de l’Institut pontifical pour les études arabes et islamiques (PICAI), qui fut en poste au Caire et au Soudan.

Le judaïsme y est représenté par le rabbin David Rosen, président de la Conférence mondiale des religions pour la paix, directeur international des affaires interreligieuses de l’American Jewish Committee, et conseiller pour les affaires religieuses du Grand rabbinat d’Israël.

**Au Conseil judéo-musulman européen, la partie juive est représentée par   le Grand rabbin de Moscou, Pinhas Goldschmidt, président de la Conférence des rabbins européens, réunissant 600 rabbins du continent ; par le Grand rabbin du Danemark, Jaïr Melchior ; par le rabbin Shlomo Hofneister, représentant la communauté juive de Vienne et par le rabbin français,  Moshe Lewin, directeur exécutif de la Conférence des rabbins européens, conseiller spécial du Grand rabbin de France, et rabbin du Raincy (banlieue parisienne).

La Conférence des rabbins européens (CER), fondée en 1956, siège toujours à Londres. Elle a milité contre la résolution de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe définissant la « circoncision des garçons pour motifs religieux » -également pratiquée par l’islam- comme « une violation de l’intégrité physique des enfants », tout comme l’excision des filles dans certains pays musulmans. Moshé Lewin a par ailleurs organisé à Paris une réunion des rabbins européens portant sur l’abattage rituel, afin  d’adopter un logo unique et reconnu sur tout le continent européen, pour authentifier l’alimentation « casher » dans les circuits de grande distribution. Il se défend d’être un « super-lobbyiste », selon Jean-Marie Guénois.

Le Grand rabbin Goldschmidt, co-fondateur de l’institution  et membre de son Conseil d’administration,  précisait que cet organe avait pour mission de «  fournir les informations de référence  juridique sur nos pratiques religieuses ». Il ajoutait : « Nous pouvons développer des approches novatrices et créatives afin de pratiquer durablement nos valeurs religieuses. Par la sensibilisation et l’argumentation, le Conseil  s’efforcera de gagner la confiance et le soutien des jeunes, et de leur offrir une perspective religieuse qui leur permettra de se développer en Europe et de mener une vie épanouie dans la foi. »

Le rabbin Moshe Lewin déclarait pour sa part à l’AFP : « C’est la première structure mêlant juifs et musulmans au niveau européen. Notre vocation, c’est la coopération, pas seulement le dialogue», ajoutant qu’il s’agissait également de la « lutte contre l’antisémitisme, l’islamophobie et l’extrémisme religieux. »

Le CER, affirmait le 21 octobre 2015, sur son site  que « des milliers de Juifs français ont déménagé à Londres, et d’autres villes britanniques, au cours des deux dernières années. Beaucoup ont été attirés par le succès économique de la Grande Bretagne et par l’image qu’elle donne comme étant un refuge sûr pour la foi (…) Plusieurs rabbins du CER ont déclaré que les attaques et l’opprobre dirigé comme les juifs français au cours de la dernière quinzaine pourraient encourager un plus grand nombre à traverser la Manche cette année. (…) 4 000 à 5 000 sont arrivés au cours des deux dernières années». Les autorités religieuses juives de France n’ont jamais mentionné de telles statistiques.

De sérieux doutes

L’Arabie saoudite, qui a pris l’initiative de la création, du financement et du fonctionnement du Centre international pour le dialogue interreligieux, lui a donné le nom de son roi défunt Abdullah bin Abdulaziz, « Gardien des deux Saintes Mosquées » (Charif de La Mecque et de Médine). Elle adhère donc aux statuts qui précisent que « le KAICIID soutient la Déclaration universelle des droits de l’Homme (ONU), en particulier le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Le Centre combat également toutes les formes de discrimination fondée sur la culture, la religion ou la conviction. »

En matière d’égalité des droits,  l’Arabie saoudite vient de permettre aux femmes de voter et se porter candidates aux élections municipales du 12 décembre 2015, seules élections ouvertes aux citoyens, mais à condition que cette égalité se place…« dans le cadre des lois islamiques » : Ainsi, les électrices devront se rendre aux urnes « loin des regards des hommes », précise Abdallah Al-Askar, président du comité exécutif des élections municipales, 424 bureaux de vote leur étant réservés, sur 1 263. Quant aux éventuelles candidates sur les listes des conseils municipaux, elles ne pourront s’exprimer prendre directement la parole devant leurs électeurs ou leurs collègues, que par le truchement d’hommes parlant en leur nom.

Les engagements pris par l’Arabie Saoudite au sein du KAICIID sont d’autant plus paradoxaux qu’au royaume wahhabite, le culte chrétien  a d’énormes difficultés à se pratiquer, que le culte israélite est jugé indésirable, que l’apostasie est passible de mort, et qu’on ne peut y construire ni églises ni synagogues. Ainsi, Riyad demande des ouvertures religieuses dans les pays européens, qu’elle refuse sur son propre territoire.

La liberté  d’expression y compris religieuse demandée par l’Arabie saoudite dans le cadre des deux centres qu’elle patronne est d’autant plus incongrue que, dans le même temps, Riyad, après avoir condamné  Raif Badawi à 1 000 coups de fouet  pour avoir « insulté l’islam », étant un athée et un défenseur des Droits de l’Homme,   vient de condamner à mort le jeune saoudien Ali Al-Nimr,  pour avoir participé en 2012 à une manifestation dans le cadre des « Printemps arabes » alors qu’il était mineur. Aujourd’hui âgé de 21 ans, il sera décapité et son corps ensuite crucifié. Au cours de ses années d’emprisonnement, il a subi la torture. Il faut rappeler qu’au moins 2 208 personnes ont été exécutées dans le royaume wahhabite entre janvier 1985 et juin 2015, dont 134 pour la seule année 2015 en cours, un record dans les annales pénales saoudiennes.

Il n’y aurait pas d’ambigüité dans la démarche de l’Arabie saoudite, estime Fatiha Dazi-Héni[11], car son attitude « s’inscrit dans la suite logique du 11 septembre et la volonté de rayonnement mise en œuvre depuis lors, étant soucieuse d’apparaitre comme un pays plus « clean ».

Un haut fonctionnaire du ministère français des Affaires étrangères ajoute pour sa part que « le Centre de Vienne est une tentative pour redorer le blason de l’islam, comme religion du débat et de la rencontre.» Il ajoute qu’il est également  « possible de considérer que ce Centre est une vitrine, mais étant donné la place particulière qu’occupe l’Arabie Saoudite dans le monde musulman, cette initiative est significative.»

Il faut rappeler que le roi actuellement en exercice, Salmane bin Abdullaziz Al Saud a été totalement silencieux lors de l’exode des chrétiens de Syrie et d’Irak. A Vienne, devant la presse dubitative, le ministre des Affaires étrangères saoudien, le prince Fayçal Al-Saoud avait lancé : «  Je peux vous assurer que ce Centre sera un point de départ vers le changement ». Mais de quel changement s’agit-il ? Des positions des autres cultes, catholicisme, église anglicane, orthodoxie, judaïsme, bouddhisme ou hindouisme ? De l’attitude des gouvernements et des opinions publiques européennes au regard de l’islam ? D’une meilleure compréhension entre les branches sunnite et chiite de l’islam ? Ou des relations entre les cultes et le wahhabisme en Arabie Saoudite. Il ne l’a pas précisé.

Les réserves des protagonistes.

Les ambiguïtés de ces initiatives inter religieuses sont soulignées par les principaux protagonistes eux-mêmes, à savoir le Vatican, le Judaïsme, et même par le pays hôte européen, l’Autriche.

Le Vatican : Le cardinal Jean-Louis Tauran, chargé auprès du pape  du dialogue interreligieux déclarait déjà, dès l’inauguration du KAICIID à Vienne : « Nous sommes observés. Tout le monde attend de ce Centre honnêteté, vision et crédibilité. Ce Centre représente une occasion de dialoguer sur tant de sujets (…) y compris ceux concernant les Droits fondamentaux de l’Homme, en particulier de la liberté religieuse dans tous ses aspects, pour chacun, pour chaque communauté, partout. » Le cardinal Tauran ajoutait que « le Saint-Siège serait « particulièrement attentif au sort des communautés chrétiennes dans des pays où cette liberté ne leur est pas garantie. » Il appelait au respect de la liberté religieuse « dans toutes les sociétés, partout… » Fallait-il bien comprendre : A Vienne comme à Riyad ?

Pour sa part, le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, directeur du Bureau de presse, soulignait que « le Saint-Siège ne manquera pas naturellement d’exprimer ses préoccupations quant au respect authentique des droits fondamentaux des chrétiens qui vivent dans des pays à majorité musulmane.»

Il faisait écho à une supplique de l’archevêque de Mossoul, Mgr Amel qui, dès novembre 2014, lançait : « J’ai perdu mon diocèse. Le siège de mon archevêché et de mon apostolat a été occupé par des islamistes radicaux qui veulent que nous nous convertissions ou que nous mourrions (…) Vous pensez que tous les hommes sont égaux, mais ce n’est pas vrai : l’islam ne dit pas que tous les hommes sont égaux. Vos valeurs ne sont pas leurs valeurs.»

En somme, à Vienne, le Vatican fait un pari sur un éventuel changement de la doctrine islamiste et plus particulièrement wahhabite.

Il faut rappeler qu’alors que, depuis le concile Vatican II (1962-1965), l’Eglise catholique fait avec constance référence à la liberté religieuse, à la suite de la rencontre entre le roi Abdullah et le pape Benoit XVI (2007), la déclaration finale de la rencontre interreligieuse de Madrid de juillet 2008,  tout en affirmant « l’unicité du genre humain, le refus du choc des civilisations, le rôle fondamental de la famille … » ne faisait aucune référence à la liberté religieuse, à la demande de l’Arabie Saoudite.

Le Judaïsme : Certains rabbins européens ont laissé entendre qu’ils s’étaient engagés « avec la bénédiction du ministère des Affaires étrangères d’Israël. » Le rabbin David Rosen, représentant l’American Jewish Committee annonçait pour sa part qu’il démissionnerait du directoire du Centre de Vienne, ajoutant : « et je ne serai pas le seul », en cas de « régression » religieuse ou de persécution en Arabie Saoudite.

En Autriche : Le chancelier Werner Faymann  a suggéré de quitter le Centre KAICIID, estimant qu’il « ne remplit aucunement son mandat de dialogue, et demeure silencieux sur des questions de base en matière de Droits de l’Homme. Nous ne tolérerons pas cela. Il est clair pour moi que nous devrions le quitter. »[12]

Dans l’entourage du ministre des Affaires étrangères, le vice-chancelier conservateur Michael Spindelegger, catholique engagé pour le sauvetage des chrétiens d’Orient,  déclare vouloir encore « donner une chance » au Centre. Pour sa part, la directrice adjointe du Centre, Claudia Bandion-Ortner, ancienne ministre de la Justice d’Autriche,  a annoncé à l’agence APA News qu’elle démissionnerait prochainement de son poste. Le ministère des Affaires étrangères avait officiellement protesté auprès de l’ambassadeur saoudien à Vienne, immédiatement après de la première séance de fouet dont a été victime le jeune saoudien Raif Badawi.

En Allemagne : Une analyse du gouvernement allemand consacrée aux tactiques des groupes islamiques opérant sur son territoire estime que le dialogue prôné par le Frères musulmans  est loin d’être sincère[13]. Il est ainsi estimé que « ces dernières années le Milli Görüs (turc) désirait que ses membres s’intègrent à la société allemande et qu’ils adhèrent à la société allemande et à la Constitution. Ce genre de déclaration découle d’un calcul tactique plutôt que d’un véritable changement de philosophie. » Ce rapport estime que la contribution  des organisations associées aux Frères musulmans d’Europe à l’éducation et à la radicalisation des extrémistes violents est indéniable. La renonciation par les Frères musulmans à la violence en Europe semble plus opportuniste que sincère, puisque leurs membres européens n’hésitent pas à recourir aux propos les plus incendiaires quand il s’agit d’endosser des opérations terroristes au Proche-Orient, relève Lorenzo Vidino.

En  conclusion

Prolongeant la confrontation proche-orientale entre sunnites et chiites auprès des populations musulmanes d’Europe, la théocratie wahhabite s’efforce de s’implanter dans le paysage religieux européen, en s’appuyant en particulier sur les cultes chrétien et juif, au détriment des principes fondateurs de la laïcité, dans une démarche voilée.

Pour nombre d’islamologue, il s’agit d’une initiative de mise en œuvre de la stratégie de l’Ikhtilaf, c’est-à-dire de « la dissimulation dans un conflit » qui permet, selon la tradition, d’avancer masqué, afin de tromper l’ennemi pour parvenir à ses buts. Cette dissimulation prend plusieurs autres noms comme Tawriya, Kirman ou Muruna.

D’autres évoquent la doctrine de la Taqîya car, pour l’exégète Abu Hamid Ghazali (1058-1111) : « Il est permis de mentir si le but à atteindre est louable »[14] , ou selon l’inspirateur du Salafisme, Ibn Kathir (cadi et historien ;1301-1373)  qui prône aux musulmans : « Sachez sourire à ces personnes (les non-musulmans) alors que votre cœur les maudit », ou pour le spécialiste de l’islam, Raymond Ibrahim qui affirme : « La Taqîya est en réalité une tromperie du musulman à l’égard du non-musulman.»

La question est aujourd’hui de savoir si les autres religions ont accepté sciemment de « jouer le jeu » du contournement de la laïcité, ou si elles ont été bernées.

Gérard FELLOUS

15 octobre 2015



[1] Voir « A la recherche d’un islam de France », de Gérard Fellous – L’Harmattan. 2015

[2] Voir Brigitte Maréchal,  Université catholique de Louvain : “Les Frères musulmans en Europe. Racines et discours » Paris, PUF, 2009

[3] Cité par le site du Centre culturel islamique de Dublin- Irlande.

[4] Voir « Fatwas – First Collection » traduction de Anas Osama Altikriti. Edition « European Council for Fatwa and Research »

[5] Voir dans le traité de droit islamique « Le licite et l’illicite dans l’islam » Paris ; Editions  al Qalam-1992.

[6] Selon MEMRI, déclaration au cours d’une conférence donnée en Suède, 24 juillet 2003

[7] Spécialiste de la Sécurité intérieure, dans “The New Muslim Brother-hoad  in the West” Université Columbia 2010.

[8] Cité par l’Institut MEMRI, 18 décembre 2005

[9] Sondage présenté par Channel 4, le 19 février 2006.

[10] Sondage du “Zentralinstituts Islam-Archiv-Deutschlandin – 7 janvier 2006

[11] Maitre de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris, auteure de « Monarchies et sociétés d’Arabie » 2006- Presses Sciences Po.

[12] Dans une déclaration au journal Der Standard du 17/1/2015

[13] Rapport annuel de l’Office de protection de la Constitution

[14] Ahmad ibn Naqib al-Misri « The Reliance of the Traveller: A Classic Manual of Islamic Sacred Law » 1997-Bltsville, MD. Amana.