Palestine : Le champ limité du statut d’ « État non membre observateur », à l’ONU

Par Gérard FELLOUS

 

Au-delà des incantations et des gesticulations sur la scène multilatérale onusienne, et à Ramallah, si l’on veut bien sortir des approximations, qu’en est-il des prérogatives du nouveau statut onusien d’ « État non membre observateur » dont bénéficie à présent  l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas ? Et plus particulièrement de la faculté de trainer Israël devant des juridictions internationales ?

 

 Sur la nature de ce statut accordé par l’Assemblée générale des Nations Unies :

Il faut se souvenir que la Charte de l’ONU stipule que l’Organisation n’est pas habilitée à reconnaitre un État ou un gouvernement. L’ONU est une association d’États indépendants. Peuvent devenir membres de l’ONU « tous États pacifiques qui acceptent les obligations (…) de la Charte, et sont capables de les remplir ». La procédure d’admission exige un accord préalable du Conseil de Sécurité, avant un vote de confirmation de l’Assemblée générale. Ce ne fut pas le cas, à ce jour, de la Palestine, qualifiée d’ « État non membre ». Il est donc juridiquement erroné d’affirmer qu’elle serait devenue le 134e. État membre des Nations Unies. La résolution de l’Assemblée générale du 29 novembre 2012 se borne à exprimer l’espoir que le Conseil de sécurité revienne sur son refus du 23 septembre 2011, et examine à l’avenir la demande de la Palestine de « devenir membre de plein droit de l’Organisation des Nations Unies ».

Ajoutons que le statut que vient de lui accorder, par défaut, cette Assemblée générale, pas plus que celui d’entité observatrice qu’elle avait jusque-là, n’a de fondement juridique dans la Charte de l’ONU. Ces statuts relèvent en réalité de l’usage, car aucune disposition n’en fait mention dans les textes constitutifs onusiens. Le statut d’observateur est apparu en 1946, lorsque le Secrétaire générale en exercice prit l’initiative d’accepter que le gouvernement suisse devienne « observateur permanent ». Il fallut attendre le 10 septembre 2002 avant que la Confédération helvétique bénéficie du rang d’Etat-membre.

Selon l’usage, les « Observateurs permanents » ont le droit d’assister à la plupart des réunions, en particulier aux travaux de l’Assemblée générale, et d’en consulter la documentation, sans toutefois participer aux votes. De plus, ils peuvent entretenir une mission permanente d’observation au siège de l’ONU à New York, avec rang diplomatique.

Concernant les juridictions internationales, il ne faut pas confondre la Cour internationale de justice (CIJ), et la Cour Pénale internationale (CPI) :

–La première, qui fait partie intégrante des six organes principaux des Nations Unies, a été établie par la Charte (article 92) comme « l’organe judiciaire principal des Nations Unies », à compétence universelle.  Son activité juridictionnelle reste tributaire du consentement des États. Elle  règle les conflits juridiques soumis par les États. Il appartient à la CIJ de juger de sa compétence dans un litige qui lui est soumis. La jurisprudence de décembre 2004  à propos de la plainte de la Serbie-Monténégro suite à des bombardements subis en 1999, montre que la Cour s’est déclarée incompétente pour se prononcer sur la licéité de l’usage de la force contre la Serbie-Monténégro, au motif principal que ce pays n’était pas membre de l’ONU à la date où il a formé le recours. La compétence contentieuse de la CIJ est donc limitée aux États membres, ce qui n’est pas le cas de la Palestine.

Mais, lorsque l’Assemble générale ou le Conseil de sécurité lui adressent des questions,  la CIJ peut avoir une « compétence consultative » sur des points de droit international. Ses avis sont sans effet juridique et donc ne possèdent pas de portée obligatoire. Ce fut par exemple le cas, le 9 juillet 2004, lorsque l’Assemblée générale lui demanda un avis consultatif sur « les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé ». Cat avis statuait que cette »clôture de sécurité » était « contraire au droit international », et qu’Israël était « tenu de cesser immédiatement les travaux d’édification du mur ». Ces travaux de consolidation se sont poursuivis dans les huit années suivantes.

Il faut souligner que la Charte des Nations Unies favorise des moyens de règlement des différends, autres que ceux offerts par la Cour internationale de justice en précisant, dans son article 33 : « Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par la voie de négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage (…) ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix ». Cette voie s’appliquerait parfaitement au différend israélo-palestinien.

–Pour ce qui est du recours à la Cour pénale internationale, cette juridiction permanente, totalement indépendante des Nations Unies,  est chargée de juger les personnes – et non pas les États- accusés de génocide, de crime contre l’humanité et de crime de guerre. Elle est régie par le Statut de Rome. Seuls les États qui ont signé et ratifié ce statut (121 sur les 193 de l’ONU, en 2012)  peuvent saisir le TPI. Des États comme la Russie, les États-Unis d’Amérique, la Chine, l’Inde ou Israël ne l’on pas fait. Le TPI ne peut exercer sa compétence que lorsque les juridictions nationales ne sont pas en mesure de juger de tels crimes, comme ce fut le cas en Ouganda, au Darfour ou en Libye.

Ainsi, le succès diplomatique de Mahmoud Abbas sur la scène internationale est-il un décor en trompe-l’œil, une illusion d’optique qui risque de renvoyer la négociation bilatérale de paix avec Israël aux calendes grecques.