Séminaire U.E. – Skopje (Macédoine)

Dans le cadre de l’assistance au Médiateur de la République de Macédoine jumelé aux institutions de médiation de France et d’Espagne, sous l’autorité de l’Union européenne, une table-ronde était organisée le 9 octobre 2012 au Centre d’information de l’Union européenne de Skopje.  Sur le thème de « La liberté d’expression ».

Ce séminaire, confié par le ministère français des Affaires étrangères et par l’Union européenne à l’expert Gérard Fellous, a réuni une quinzaine de représentants de la presse audio-visuelle et écrite, de deux syndicats de journalistes et d’une ONG de Macédoine.

  •  8 octobre 2010

 

LES NORMES UNIVERSELLES DE

LA LIBERTE D’EXPRESSION

 

Jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme concernant la France 

Par Gérard FELLOUS, expert 

 

 

Introduction : Le contexte de la Macédoine

 

I/ La liberté d’opinion et d’expression

 

-          Définition

-          Historique

-          Protection par le droit international

-          Des cas spécifiques : Internet – Les religions

 

II/ Les limitations admissibles

 

            – L’encadrement des libertés par la loi

            – Le cas du journalisme

 

III/ Les jurisprudences

 

-          Législation française

-          Décisions de la Cour européenne des droits de l’homme

concernant la France

 

Conclusion :

skopje-fellousIntroduction

Si nous désirons traiter aujourd’hui avec vous de « la liberté d’opinion et d’expression » c’est pour deux raisons importantes : la première est qu’il s’agit d’un droit fondamental des droits de l’homme auquel l’Europe est fortement attachée; la seconde est que la question est d’actualité en République de Macédoine.

 

La Constitution de l’ex République yougoslave de Macédoine, adoptée le 17 novembre 1991, et modifiée pour la dernière fois le 12 avril 2001, garantit, dans son article 16, la liberté d’expression : « La liberté d’opinion, de conscience, de pensée et d’exprimer ses convictions en public est garantie », de même que le libre accès à l’information, en précisant : « La liberté d’expression, de s’exprimer en public et de créer des organes d’information publique est garantie ». Par ailleurs, l’article 20 garantit la liberté d’association, et l’article 29 dispose que les ressortissants étrangers jouissent des libertés et des droits garantis par la Constitution. Il faut ajouter qu’en vertu de l’article 118, les accords internationaux ratifiés conformément à la Constitution font partie intégrante du droit interne et ne peuvent être modifiés par la loi.

Il n’en demeure pas moins que déjà en décembre 2002, une déclaration conjointe du rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’expression, ainsi que du représentant pour la liberté des médias de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) avait condamné la qualification pénale de la diffamation comme une restriction injustifiable à la liberté d’expression. Pour certains observateurs, la loi sur la diffamation modifiée en mai 2006, qui prévoit la suppression des peines d’emprisonnement, ne serait pas pleinement mise en œuvre. Amnesty International a demandé que, dans le cadre de l’application de cette loi,  les autorités protègent les journalistes contre toute intimidation, citant le cas d’un journaliste de l’hebdomadaire Bulevar poursuivi pour « insulte » dans le cadre de ses enquêtes.

I: La liberté d’opinion et d’expression:

  1. 1.     Définition du principe :

La liberté d’opinion s’accompagne de quatre autres libertés:

  • La liberté d’expression, qui s’exerce par tous les supports : presse écrite et audio-visuelle, livres, films, internet, etc. Cette liberté vaut non seulement pour les « informations ou « idées » considérées comme consensuelles, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent certains destinataires.
  • La liberté d’association, qui permet de se réunir en partageant les mêmes opinions, par exemple dans le cadre d’un parti politique;
  • La liberté de réunion qui permet à plusieurs personnes de se rencontrer librement pour partager des idées ou soutenir une cause;
  •  La liberté de manifestation qui permet de s’exprimer dans l’espace public, donc dans la rue.

Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels, il n’est pas de « société démocratique ».

  1. 2.       Historique:

 

Les origines de la liberté d’expression dans le monde occidental relèvent d’une tradition laïque, républicaine et démocratique qui remonte à la fin du XVIIe. siècle. Elle était jusque-là réservée aux autorités royales, seigneuriales ou religieuses.

La liberté d’expression est, pour les premières fois, inscrite dans deux constitutions:

         – celle des Etats unis d’Amérique de 1776, modifiée en 1789, avec le Premier amendement :

« Le Congrès ne fera aucune loi (…) restreignant la liberté d’expression, la liberté de la presse ou le droit des citoyens à se réunir pacifiquement (…) »

 

-celle de la France, dans la veine de la Révolution française, avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Elle précise en son article 11 :

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme: tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

 

  1. Protection par le droit international:

 

Il faut attendre le XXe siècle, la fin de la Seconde guerre mondiale, et la création de l’ONU pour que la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) de 1948 en fasse un droit universel. En  1950, le Conseil de l’Europe  défend la liberté d’expression dans l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

En 1966, le Pacte relatif aux droits civils et politiques de l’ONU reprend les termes de la Convention européenne pour leur donner une portée universelle.

Dans la DUDH, l’article 19 précise:

« Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ».

 

Si cette déclaration ne fixe aucune restriction à cette liberté, un certain nombre d’instruments onusiens postérieurs la limite en interdisant, par exemple, l’incitation à la haine raciale, nationale ou religieuse, en condamnant l’appel au meurtre, tous délits inscrits dans la loi démocratique.

Le Pacte relatif aux droits civils et politiques- dont les dispositions sont contraignantes pour les pays qui l’ont signé et ratifié- précise en son article 19 que:

« 1- Nul ne peut être inquiété pour ses opinons.

2- Toute personne  a droit à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre les informations et les idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix. »

 

La protection par les instruments régionaux européens est prévue dans deux instruments :

* la Convention européenne des droits de l’homme du Conseil de l’Europe, qui précise en son article 10:

« Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir et de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière ».

 

                   * la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui stipule dans son article 11 dédié à la liberté d’expression et d’information que:

«  Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières.

La liberté des médias et leur pluralisme sont respectés ».

 

  1. Les cas spécifiques de l’Internet, et de la religion:

 

Le rôle nouveau de l’Internet – considéré par la Cour Suprême des Etats-Unis comme étant une « conversation mondiale sans fin » entre individus, organisations, sociétés et autorités- est perçu par les ONG de défense des droits de l’homme comme étant un nouveau moyen important pour la liberté d’expression, et pour la promotion des droits de l’homme. Depuis son développement partout dans le monde, il n’y a pratiquement plus de « frontières opaques » dans lesquelles les violations peuvent se développer à l’abri du regard de la communauté internationale. Pour certains gouvernements autoritaires ou dictatoriaux c’est un « ennemi » qu’il faut interdire pour « réguler » le flot des informations. Toutefois ils sont incapables de contrôler totalement cette dynamique. Cela fait dire à certains que l’Internet permet aujourd’hui une véritable liberté d’expression universelle, un demi-siècle après la proclamation de la DUDH.

Par ailleurs, la liberté d’expression a été et continue à être combattue par certains, dans les instances onusiennes, au nom du « relativisme culturel et religieux » qui veut donner aux dictatures, aux régimes autoritaires et théocratiques le pouvoir de la limiter.

Au cours des dernières années, les écrits de Salman Rushdie, des caricatures de Mahomet dans des pays nordiques, puis en France, et récemment une vidéo sur le prophète Mahomet en ligne sur le web, ont provoqué de fortes tensions et de multiples tentatives de limiter la liberté d’expression dans les textes internationaux.

II: Les limitations admissibles

 

1-    La théorie de l’abus de droit. L’encadrement des libertés par la loi:

 

Il est entendu qu’un droit fondamental peut n’être pas absolu, il peut être encadré par les textes internationaux et par la loi nationale dans le cadre d’une démocratie.

Ainsi, par exemple, la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de 1789, précise-t-elle dans son article 4:

« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui: ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la société le jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi ».

 

La théorie  de l’abus de droit, ou de la limitation admissible s’est développée au cours du XIXe. siècle

Si la DUDH (article 19) n’explicite aucune limitation,  le Pacte international relatif aux droits civils et politique stipule (art 19, para 3) que l’exercice de la liberté d’expression

« …comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires:

a/ au respect des droits ou de la réputation d’autrui,

b/ à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques ».

Un article 20 de ce même Pacte fixe d’autres limites à cette liberté d’expression en ces termes:

«  – Toute propagande en faveur de la guerre est interdite par la loi;

    – Tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité  ou à la violence est interdit par la loi »

De même des limitations sont internationalement admises en matière de droit de réunion (art.21), et de droit d’association (art.22).

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales prévoit également  un encadrement par la loi.

On relèvera en particulier que la CEDH indique que la liberté d’expression prévue dans son article 10,

« …N’empêche par les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations ».

Ce même article indique que cette liberté comporte des « formalités, conditions, restrictions prévues par la loi, dans les cas suivants:

« de mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ».

 

 

La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne précise également que la liberté d’expression est le prolongement nécessaire de la liberté de pensée, de conscience et de religion inscrite dans son article 10.

L’article 11 de la Charte doit s’entendre avec les seules limites  énoncées par l’article 10.2 de la Convention européenne des droits de l’homme, cité plus haut.

Le droit de l’Union européenne en la matière est précisé par une série de directives prises depuis 1989, de résolutions, de décisions et d’initiatives politiques, particulièrement en matière d’Internet.

On peut diviser les exceptions au principe de la liberté d’expression en deux groupes:

1) La protection des personnes, des groupes et des valeurs démocratiques. Elle comprend :

-La diffamation, et l’atteinte à la réputation;

-La pornographie, surtout enfantine;

-La propagande haineuse.

2) La protection de l’Etat. Elle incluse :

-La sécurité publique,

-La sécurité politique,

-La sécurité nationale.

Si ces protections doivent être assurées et validées par les tribunaux nationaux, en cas de conflit ou de litige, au plan international, et particulièrement en ce qui concerne l’Internet, il n’existe pas de garde-fou.

De nombreuses tentatives sont faites pour réguler la liberté d’expression sur l’Internet. En France, par exemple, le Conseil d’Etat a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’avoir des dispositions spécifiques, les règles et lois applicables à d’autres médias, comme la presse écrite,  restent valables pour celui-ci.

Par ailleurs des dispositions spécifiques ont été prises en France. On peut citer, en matière de négationnisme la loi Gayssot de 1990, portant sur la contestation des crimes contre l’humanité; ainsi qu’en matière de protection de l’enfance ; de défense du droit de propriété intellectuelle ; ou de « propos discriminatoires ». Il en est de même de la propagande ou de la publicité en faveur de produits ou de méthodes préconisées comme moyens de se donner la mort, ainsi que de l’atteinte au secret professionnel, à la diffamation et l’injure, au droit à l’image, et à la vie privée

En dehors des restrictions prévues par la Loi, toute atteinte à la liberté d’expression, particulièrement dans le journalisme, est qualifiée de « censure » mal supportée par la société démocratique. Restent des zones incertaines qui font débats, comme par exemple le sexe ou la violence, ainsi que la critique des religions.

2-    Le cas du journalisme:

 

Des limitations démocratiques à la liberté de l’information sont possibles. Ainsi, les Etats peuvent, selon la Convention européenne des droits de l’homme de 1950 (article 10-2), « soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisation », et que l’exercice de ces libertés « comportant des devoirs et des responsabilités », peuvent être réglementée démocratiquement.

 

Il faut également citer le concept de « présomption d’innocence » auquel sont soumis les journalistes qui ne peuvent faire état d’une culpabilité tant qu’un tribunal n’a pas prononcé de condamnation envers une personne. Ce principe fondamental se trouve dans la DUDH (article 11), ainsi qu’en France dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et dans une loi de 2000.

 

Par ailleurs, selon l’article 16 de la Convention européenne, les Etats membres peuvent « imposer des restrictions à l’activité politique des étrangers ».

 

Il faut citer le concept juridique de « présomption d’innocence » auquel sont soumis les journalistes qui font état d’une culpabilité tant qu’un tribunal de s’est pas prononcé. Ce principe fondamental se trouve dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (art. 11),  et dans la Convention européenne, ainsi, qu’en France, dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et dans une loi de 2 000.

Les codes de déontologie:

La profession de journalistes a édicté, dans de nombreux pays, des codes de déontologie qui précisent les limitations et précautions que la profession décide de s’imposer volontairement à elle-même. Ces codes de déontologie peuvent varier d’un organe de presse à un autre, en fonction de sa nature ou de ses spécificités. Seuls les usagers seront juges de leur application.

La médiation :

De nombreux grands organes de presse, en France et en Europe ont créé un poste interne de « médiateur », tenu en général par un journaliste de la rédaction, chargé de rassembler les lettres de protestation et les commentaires des usagers, et de leur répondre publiquement, y compris en faisant des mea culpa, lorsque les informations ou commentaires données sont pris à défaut.

Reste bien entendu que le Médiateur ou Ombudsman national peut aussi être saisi lorsque sa compétence le lui permet.

III/ Les jurisprudences

 

         -Législation française.

Un cas de limitation de la liberté d’expression est donné en France par la loi sur le négationnisme de l’extermination des juifs par le régime nazi. Cette loi du 13 juillet 1990 (90-615, dite « loi Gayssot ») interdit toute expression, ainsi que tout acte, raciste, antisémite ou xénophobe.

Les tribunaux français ont appliqué cette loi à de nombreuses reprises, par exemple envers Jean-Marie Le Pen, fondateur du Front national, qui a été lourdement condamné en 1991, par la cour d’appel de Versailles, pour avoir déclaré publiquement que l’existence des chambres à gaz dans les camps d’extermination nazis était «  un détail de l’histoire de la seconde guerre mondiale ».

Catherine Mégret, maire de Vitrolles (Bouches-du-Rhône) a été condamné pour complicité de provocation à la haine raciste, après des propos anti-immigrés tenus dans un journal allemand.

         -Décisions de la Commission européenne des droits de l’homme concernant la France

Par ailleurs la Cour européenne des droits de l’homme a développé au cours des dernières années une jurisprudence fournie qui balise tant la liberté d’expression que la liberté d’opinion et de conviction ou la liberté de réunion et d’association.

Je laisse le soin à notre collègue Madame Nikolovska de traiter de ce sujet plus loin.

Je veux simplement rappeler que la doctrine de la Cour européenne a été précisée, dès décembre 1976 (affaire Handyside c/.Royaume-Uni) lorsqu’elle précise son rôle de surveillance qui lui commande « de prêter une extrême attention aux principes propres à une société démocratique ». Dans cette décision la cour pose le principe que la liberté d’expression « vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiète l’Etat ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture, sans lesquels il n’est pas de société démocratique ».

Pour ma part, je me bornerai à donner quelques exemples de décisions de la Cour européenne ayant porté sur des jugements de tribunaux français en la matière.

  • A propos de l’application de la loi française de 1990 sur l’apologie des crimes de guerre nazis, la cour européenne  a sanctionné (23 septembre 1998) une décision de la cour d’appel de Paris (affaire Lehideux et Isorni).

Le tribunal français avait condamné pénalement, pour apologie de crimes ou délit de collaboration, la parution dans le journal « Le Monde » d’une page de publicité en faveur du maréchal Philippe Pétain.

La CEDH a estimé, à propos de la politique de collaboration du maréchal Pétain avec le nazisme, qu’il ne lui revient pas d’arbitrer des débats d’historiens, lorsque les faits ne sont pas clairement établis. Elle ajoute que ce ne serait pas le cas pour « l’Holocauste, dont la négation ou la révision se verrait soustraite, par l’article 17, à la protection de l’article 10 », et serait donc passible de sanction.

  • A propos de la divulgation dans la presse d’informations confidentielles, la Cour européenne a cassé (21 janvier 1999, affaire Fressoz et Roire c/ France)  une condamnation de la cour d’appel de Paris (10 mars 1993) du journal satirique « Le Canard enchainé ».

Celui-ci avait publié (septembre 1989)  les feuilles d’impôt du directeur du constructeur automobile Peugeot,  dénonçant une augmentation de salaire trop élevée. Pour la cour européenne la condamnation du tribunal français, a violé l’article 10, en précisant que la liberté journalistique « comprend aussi le recours possible à une certaine dose d’exagération, voire même de provocation », étant entendu que la restriction à cette liberté doit être toujours proportionnée au but légitime poursuivi.

  • A propos de la liberté d’expression politique, la cour européenne a désapprouvé, à l’unanimité (affaire Brasilier, 11 avril 2006), la décision de la cour d’appel de Paris de condamner un candidat aux élections législatives de 1997 pour diffamation, sans preuves, du maire du Ve arrondissement de Paris.

Le candidat Brasilier accusait le maire  d’avoir fait disparaitre ses bulletins de vote des bureaux de vote de cet arrondissement, l’accusant de fraude et de vols.

La cour européenne a jugé qu’elle « accorde la plus haute importance à la liberté d’expression dans le contexte du débat politique et considère qu’on ne saurait restreindre le discours politique sans raisons impérieuses. Elle rappelle « qu’un adversaire des idées et positions officielles doit avoir la possibilité de discuter de la régularité d’une élection, et que, dans le contexte d’une compétition électorale, la vivacité des propos est plus tolérable qu’en d’autres circonstances ».

Conclusion

Nous avons tenté de mettre en évidence aussi bien l’étendu du champ d’application de l’article 10 de la Convention européenne, que l’application exigeante qu’en a la CEDH. La liberté d’expression et d’opinion est l’un des piliers fondamentaux des droits de l’Homme et de la démocratie, dont la défense et la promotion sont à la charge du gouvernement et des autorités administratives, comme de chaque citoyen.