OIL- Burqa – POSITION SUR LE VOILE INTEGRAL

Au moment où le Parlement examine une résolution et où le gouvernement s’apprête à proposer une loi portant sur le voile intégral, l’Observatoire international de la laïcité se déclare favorable à une législation interdisant le port du voile intégral dans tous les espaces accessibles au public.

Nous estimons qu’une décision politique consensuelle doit être prise, sans tarder, marquant clairement la ligne rouge au-delà de laquelle la laïcité française est bafouée d’un triple point de vue, philosophique, sociologique et juridique.

Nous tenons à souligner que le port du voile intégral est contraire, en bien des points, à ce que l’on appelle l’esprit laïque, à une façon de concevoir les rapports avec autrui dans un modèle républicain. Le voile intégral est en ce sens bien plus qu’un signe religieux et bien plus qu’un masque. Il n’est pas seulement une remise en question de la sécurité publique. Il n’est pas seulement le symbole intolérable de la soumission des femmes  qui bafoue la liberté et l’égalité. Il est contraire à la fraternité républicaine qui est une forme de civilité. Il n’affecte pas seulement celles qui le portent, il a pour effet de rejeter l’autre à une distance infinie. Il ne s’agit pas d’un quant-à-soi : c’est une façon de signifier que toute relation avec autrui est une « souillure », que l’autre est, par principe, indésirable et qu’il doit donc être exclu. Il s’agit nettement d’un refus du « vivre ensemble ».

Plus qu’un masque, le voile intégral est un effacement de la société française. Ce vêtement ne se contente pas de celer la singularité d’une personne en faisant obstacle à son identification, car, à la différence d’un uniforme, il rend la personne totalement indiscernable, y compris par rapport à toutes celles qui porteraient également ce vêtement. Il signifie alors que celles qui le portent n’ont pas droit à la singularité la plus élémentaire et la plus personnelle, celle du visage, en dehors de l’espace intime, à l’abri du regard d’autrui, de la société.

Nous considérons que le port du voile intégral est un refus de l’esprit laïque qui rend les citoyens français si sensibles à tout ce qui stigmatise une portion de l’humanité, en particulier lorsque cela se manifeste par des marques visibles. Contrairement à une idée répandue, cette sensibilité n’est nullement un signe d’intolérance, mais au contraire un signe de profond attachement à la liberté et à l’égalité des individus.

D’un point de vue sociologique, le port du voile intégral constitue une déclaration séparatrice qui conteste même la notion de civilité républicaine et vise à instaurer une forme de communautarisme. Plus encore, il crée, de façon visible, une caste d’intouchables à proprement parler. Il est plus qu’un simple signe car en même temps qu’il fait savoir le refus de la civilité, il le met en acte.

Enfin, d’un point de vue juridique, il n’est nullement acquis que le bannissement du voile intégral de la sphère publique  puisse être contraire au principe constitutionnel de laïcité. Quant à l’avis du Conseil d’Etat, il faut remarquer que la jurisprudence de celui-ci a constamment évolué au cours des années et que, disant la loi, il ne la fait pas – prérogative de la représentation nationale. Rappelons que l’adoption, le 15 mars 2004, de la loi interdisant, dans les établissements scolaires, le port de signes manifestant une appartenance religieuse, s’était faite sans tenir compte de l’avis contraire du Conseil d’Etat.

L’Observatoire international de la laïcité estime, pour ces raisons, qu’une législation d’interdiction totale du voile intégral ne peut être qu’une bonne chose pour la laïcité en général.

 

Le bureau de l’Observatoire international de la laïcité, contre les dérives communautaires :

Jean-Michel QUILLARDET ; Antoine SFEIR ; Fabien TAIEB ; Patrick KESSEL ; Alain VIVIEN ;

Catherine KINTZLER ; Gérard FELLOUS ; Pascal LALMY; Didier DOUCET ; Jean-Daniel GODET.

Paris, le 17Mai 2010.