1Bamako, Mali- 5eme congrès de l’AOMF

La bonne gouvernance démocratique.

 

Les engagements de la Francophonie

à promouvoir et à faire respecter

les critères de la gouvernance politique et économique.

 

Par Gérard FELLOUS

Expert de la Francophonie

Dans le cadre du cinquième congrès de l’Association des Ombudsmans et Médiateurs de la Francophonie qui s’est tenu du 11 au 13 décembre 2007 à Bamako (Mali), sur le thème : Le Médiateur, garant de l’équilibre entre droits collectifs et droits individuels » Gérard Fellous, expert de la Francophonie, a animé un séminaire de formation, dont on trouvera ci-dessous l’intervention introductive.

Le congrès était ouvert par le président du Mali, Amadou Touami Touré, et par la présidente de l’AOMF, Diakité Fatoumata N’Diaye, en présence de Ibrahima Fall, représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la région des Grands Lacs.

La mission était complétée par un séjour d’information  dans le nord du Mali, particulièrement à Tombouctou et dans les territoires des Touarègues ainsi que  dans le territoire des Dogons.

Introduction :

 

Dans la perspective de la XII° Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage qui se tiendra en octobre 2008 au Québec (Canada), nous proposons une analyse sur l’évolution du concept de gouvernance, ses définitions ainsi qu’une approche de l’acception qu’en ferait la Francophonie aujourd’hui.

Le concept de « gouvernance » est ancien et a pris historiquement des significations diverses qu’il faut reconstituer. Il a évolué dans le temps répondant à différentes définitions au gré de contextes politique, économique et sociologique. Ses mutations sémantiques – on a parlé par exemple, de « bonne gouvernance », puis de «  gouvernance démocratique », montrent qu’il s’agit d’un concept vivant.  Il a été porté, défini et utilisé par quasiment toutes les grandes institutions internationales. La Francophonie l’a très fréquemment évoqué, en particulier dans ses déclarations solennelles issues de ses Sommets organisés ces dernières années.

Aujourd’hui, un contexte international marqué par la mondialisation donne à la « gouvernance » un nouveau sens et un contenu renouvelé.

La Francophonie peut en avoir une acception spécifique pour peu que cette  gouvernance réponde à ses valeurs communes, ainsi qu’à ses convictions. Alors il serait possible d’ébaucher des indicateurs de la gouvernance, des critères édictés par la Francophonie, afin que tous les pays membres qui y répondent fassent pleinement partie de cette même famille.

I : Les évolutions

 

Les définitions de la « Gouvernance »:

         Evolutions de la « bonne gouvernance » à la « Gouvernance démocratique ».

Le concept.

Le concept  de Gouvernance connaît depuis plusieurs années un usage multiformes et un succès certain qui tient probablement à différentes acceptions et à une réappropriation par  des théoriciens et des acteurs venus d’horizons divers qui lui ont donné des contenus de circonstance. Cependant et malgré la multiplicité des applications, il existe une dynamique commune dans l’usage de ce terme. Chez la plupart de ceux qui, dans le secteur public comme dans le secteur privé, emploient le terme de gouvernance, celui-ci désigne communément un mouvement de «  décentrement » de la prise de décision, avec une diversité des lieux et des acteurs impliqués dans cette décision.

                                               Etymologie

Linguistiquement le terme a une origine grecque (Kubernân).Il est passé au latin (gubernare), puis fut employé en ancien français du XIII° siècle (art ou manière de gouverner), comme synonyme de gouvernement ou de gouverne, signifiant «  l’action de piloter quelque chose », en lien avec la métaphore du gouvernail d’un navire C’est au XIVe siècle qu’il est passé dans la langue anglaise (governance), en même temps qu’il est tombé en désuétude en français A partir du XVI° siècle, et des réflexions de Machiavel sur l’Etat et de Jean Bodin sur  la souveraineté absolue s’est progressivement autonomiser la notion de gouvernement par rapport à celle de gouvernance. La gouvernance est alors prise dans le sens de la science du gouvernement, c’est-à-dire la manière de gérer adéquatement la chose publique indépendamment de la question du pouvoir. Le terme est revenu dans la langue française à partir des années 1990, par le biais du mot anglais utilisé en particulier aux Etats-Unis.

 Ce concept a pour constance de vouloir appréhender des évolutions et des transformations de l’action publique et des organisations étatiques qui traverseraient une crise de légitimité. Il est de même utilisé lorsqu’il s’agit d’acteurs privés, en butte à des problèmes d’organisation interne et de management. Cette notion peut s’appliquer à toute organisation, groupe ou système confrontés aux défis d’un environnement mondial complexe et instable. Mais elle peut également désigner l’élaboration de modes de gouvernement dans lesquels la frontière entre les secteurs public et privé tend à s’estomper. Lorsque ce concept s’applique à l’action publique, il se propose de rendre compte aussi bien des nouvelles formes de régulation locale, qu’étatique, internationale ou mondiale. Pour certains, la gouvernance vise à rechercher une articulation entre ces différentes échelles. Entre 1995 et 1998, de nombreux auteurs comme Gaudin, Stoker, Merlant, Paquet, Le Gales, Andrew et Goldsmith, Merrien, Smouts ou Valaskakis ont donné un contenu théorique à ce concept.

Dans les sociétés occidentales régies par la démocratie libérale, la gouvernance renvoie aux interactions entre l’Etat et la société ; c’est-à-dire aux systèmes de coalition d’acteurs publics et privés, dans le but de rendre l’action publique plus efficace et les sociétés plus facilement gouvernables. C’est pourquoi la gouvernance a été abondamment utilisée par les théoriciens de l’action publique, les politologues et les sociologues.

Les théories

Pour les anglophones, le concept de « governance » désigne la capacité « à gérer efficacement toute forme d’organisations et d’activités, comme un processus de décision politique qui implique la recherche du consentement nécessaire à une action collective au regard d’intérêts particulier ».  Pour Cynthia Hewit de Alcantara, aujourd’hui les  termes de « gouvernance » ou de « bonne gouvernance » recouvrent des acceptions assez différentes relevant de logiques diverses. Pour certains ces termes, utilisés dans un contexte plus technique que politique, servent une volonté de banalisation du rôle de l’Etat. D’autres,  moins désireux d’amoindrir les capacités d’action des pouvoirs publics, les utilisent pour traiter de compétences ne relevant pas uniquement du domaine de l’Etat tant au niveau local que supranational. (Revue internationale des sciences sociales-mars 1998)

Pour François Xavier Merrien (1998), la notion de gouvernance répond à une triple ambition : descriptive, c’est-à-dire rendre compte des transformations réelles des modes de gouvernement ; analytique, c’est-à-dire proposer une grille d’interprétation des relations entre des réseaux institués et non institués ; et enfin normative, c’est-à-dire  soutenir et faire advenir des transformations perçues comme positives ainsi que l’illustre, à sa façon, le concept de « Good governance » anglo-saxon , largement utilisé par les institutions financières internationales. Claudette Lafaye  met l’accent pour sa part sur une nouvelle évolution de la notion de gouvernance qui permet d’y intégrer la question de la démocratie, ainsi que l’avait suggéré Gérard Paquet dès 1998.

Dès la fin des années 1970, les experts des organisations internationales, telle que l’OCDE, préconisent l’amaigrissement de l’Etat, le ciblage des bénéficiaires des politiques sociales, la privatisation des services publics. Ils prônent alors une bonne gouvernance, soit une nouvelle gestion publique fondée sur une logique entrepreneuriale, fait remarquer M. Allemand (2000).

Le sommet France-Afrique de la Baule de juin 1990, l’assemblée générale de la Banque mondiale et du FMI de septembre 1999, l’Accord de Cotonou signé le 23 juin 2000 ont mis un accent particulier sur le nouveau concept de « bonne gouvernance », et sur son lien causal avec le développement.

Selon Yaho Assogba (2000), la gouvernance  représente un processus de prise de décision politique qui implique un consensus nécessaire à une action collective au regard d’intérêts particuliers. La notion de gouvernance réapparait au début des années 1990, avec un contenu visant à réviser les processus classiques de prise de décision politique, en tenant compte de la multiplicité croissante des acteurs au sein d’un monde en pleine transformation. Pour Expert Iconzi, Gisèle Belem et Corinne Gendron (in Conditionnalité, gouvernance démocratique et développement), avec la mondialisation des échanges et l’accroissement des flux financiers et commerciaux induits par la dérèglementation, il semble que l’Etat national ait perdu son caractère central dans l’action politique et économique, recul qui se manifeste  autant dans les relations internationales que dans les régulations économiques et le rapport aux pouvoirs locaux.

Pour Jean-Pierre Gaudin (2002), le concept de gouvernance est aujourd’hui utilisé afin de légitimer de nouveaux rapports entre la politique et l’économie. Ce concept conduit donc à repenser les relations entre les différents acteurs économiques, sociaux et politiques sur le mode d’une interaction se fondant sur le principe de «  la relativisation de la puissance publique à différents niveaux, local, national et international. ».

Pour Raphaël Canet (2004), dans un contexte de néolibéralisme triomphant qui prône la réforme de l’Etat ( que l’on appelle au Québec la réingénierie), alors que tendent à se multiplier les niveaux de responsabilité partagée et que la frontière entre secteur privé et domaine public, entre intérêt général et intérêt particulier, s’efface progressivement, le concept de gouvernance suppose l’instauration de nouveaux modes d’élaboration des politiques publiques, centrés sur la négociation, tout comme de nouvelles manières de les mettre en œuvre, notamment par le biais de partenariats.

Concernant la manière de gouverner et le rapport entre l’Etat et la société, Ali Kazancigil (2002)  estime que la gouvernance favorise les interactions Etat-société en offrant un mode de coordination horizontal entre partenaires intéressés par l’enjeu –autorité publique, entreprises, groupe de pression, experts, mouvements de citoyens, associations de consommateurs- pour rendre l’action publique plus efficace. Elle privilégie l’élaboration non hiérarchisée des politiques publiques, par rapport à la prise de décision verticale, imposée par le haut, propre aux gouvernements traditionnels.

Les institutions internationales en ont également donné des définitions théoriques :

L’OCDE définit en 1996 la gouvernance comme l’exercice de l’autorité publique, économique et administrative dans le cadre de la gestion des affaires d’un pays à tous les niveaux. La notion prend en compte tous les mécanismes, relations et institutions au moyen desquels les citoyens et les groupes sociaux articulent leurs intérêts, exercent leurs droits et assument leurs obligations, et auxquels ils s’adressent afin de régler leurs différents.

Dans le système onusien, le concept de gouvernance apparait dans plusieurs contextes parmi lesquels : – la conception de la paix  comme construction permanente ;- la conception multilatérale de la démocratie, associant à égalité trois pôles : le monde dans sa totalité, les Etats et les individus, chacun des trois se trouvant sous le contrôle des deux autres ;-la situation à mi-chemin entre la démocratie et la puissance, entre un idéal égalitaire et universaliste et un monde fait d’Etat souverains et inégaux ;- l’impératif de la survie de l’humanité comme question politique globale

 

La pertinence du concept de gouvernance, et les champs et mécanismes de la coopération dans le domaine de la gouvernance ont été mis en lumière au cours du Séminaire régional « La gouvernance au Sud » organisé en juillet 2002 à Cotonou par l’OFPA (Observatoire des Fonctions Publiques Africaines). Passant en revue le rôle de la Francophonie dans le renforcement de la gouvernance en Afrique, ce Séminaire a estimé que, même si le concept de gouvernance pose un problème de contenu, surtout pour des personnes de culture administrative francophone, il a été admis qu’il pouvait être porteur d’un renouvellement des conceptions en vigueur, compte tenu de fortes demandes de participation des populations dans les décisions et la gestion publiques. Il a été également constaté que les Etats étaient maintenant ouverts à l’observation d’autres Etats, y compris les Etats africains eux-mêmes, comme le prévoit le mécanisme de revue des pairs du NEPAD, ou celui du suivi des pratiques démocratiques, des droits de l’homme et des libertés dans l’espace francophone.

La « bonne gouvernance » : développement et conditionnalité.

Au cours des années 1990, décideurs et experts du développement ont utilisé l’expression de « bonne gouvernance » comme étant le « chaînon manquant » entre croissance équilibrée et réformes économiques, dans les pays en développement, l’attention s’étant alors presque exclusivement concentrée sur les processus économiques et l’efficience administrative.

L’Union européenne fait remarquer que la définition officielle de la bonne gouvernance s’avère très éloignée de la réalité dans bon nombre de nations. Elle précise que la bonne gouvernance présente huit caractéristiques majeures : elle repose sur la participation, recherche le consensus, se montre responsable, transparente, réactive, effective et efficace, équitable et inclusive et respecte l’Etat de droit. Définie de la sorte la bonne gouvernance peut sembler un idéal lointain inatteignable. Cependant, qu’elle soit idéaliste ou réaliste, une chose est certaine, la bonne gouvernance est indispensable pour le développement durable, estime l’UE.

Le message central du Rapport  mondial sur le développement humain 2002, présenté par le PNUD fut de dire que l’efficacité de la gouvernance est la clé du développement humain et que, pour trouver des solutions durables, il faut s’affranchir des visions étroites pour s’enraciner résolument dans la politique démocratique au sens le plus large. La démocratie est alors comprise comme un ensemble de principes et de valeurs essentielles permettant aux pauvres d’avoir, par la participation, prise sur la situation, tout en étant protégés des agissements arbitraires et irresponsables de l’Etat, des multinationales et d’autres forces à l’œuvre dans la société.

                        Condition du développement.

Face à la difficulté pour les pays du Sud de relever les défis de la pauvreté et de l’exclusion, les institutions financières internationales avaient prôné, dès 1990, l’instauration et le respect de règles de bonne gouvernance. La reconnaissance implicite du primat du politique et la remise en question des modalités d’allocation et de répartition de l’aide publique au développement ont été deux évolutions majeures, souligne Malika Berak.

La démocratie, la croissance économique et le progrès social vont de pair, se renforçant mutuellement. La gouvernance sera bonne ou mauvaise en fonction de la capacité des gouvernements et des administrations à respecter des principes qui favorisent l’adhésion et la participation de l’ensemble des citoyens aux politiques qui les concernent.

Sur le plan théorique, le lien entre gouvernance et développement a notamment été conceptualisé par Sen (2000) qui estime que la gouvernance s’inscrit dans un processus de réinterprétation du développement. Le raisonnement est que la gouvernance est garante des droits et libertés politiques qui constituent un moyen d’accéder au progrès économique. Parallèlement, le développement s’accompagne de l’expansion des libertés fondamentales qui en sont les éléments constitutifs. De ce fait, la gouvernance a un rôle constitutif et instrumental pour le développement, ce qui en fait respectivement une fin et un moyen.

Ainsi dans la pratique, le terme de gouvernance, ou de «  bonne gouvernance » s’emploie de plus en plus en parallèle avec celui de développement.

Selon Arnaud Zacharie (2003), le concept de bonne gouvernance est apparu dans les usages courants à la fin des années 1990, à la faveur des nouvelles conditionnalités de l’aide octroyée aux pays en développement par les institutions financières internationales. Elles s’appuient sur des études de ces institutions indiquant que l’insuffisance de la gouvernance est responsable de l’enracinement de la pauvreté et des retards pris par le développement.

Dans le cas de l’Union européenne, la référence à la bonne gouvernance comme condition juridique de la coopération économique est apparue pour la première fois dans la Convention de Lomé IV.L’article 5 de cette convention fait du respect des principes démocratiques ainsi que du respect des droits de l’homme, le fondement des liens de coopération économique.

Pour les institutions financières internationales et les bailleurs de fonds bilatéraux, la bonne gouvernance permet alors d’aborder des problèmes politiques au regard du développement économique, en termes généraux et techniques, évitant ainsi des affrontements trop brutaux avec les gouvernements aidés. Dans la pratique, le concept général de gouvernance permet de substituer à la question de la réforme de l’Etat celle d’aménagements institutionnels. Alors il ne s’agit pas de remettre en cause le libéralisme économique, mais au contraire, de définir les contours institutionnels de son accomplissement.

En interprétant le concept de gouvernance comme une exigence économique, certains ont estimé que le rôle de l’Etat était minimisé, tout en favorisant la prise de contrôle de l’activité économique par les transnationales.

                        Libéralisme économique.

Après l’Etat interventionniste, au sens d’Etat entrepreneur ou d’Etat providence qui répondait aux besoins de développement des pays du Sud au cours des premières décennies de leur indépendance, et la complète inversion de perspective, à partir de 1980 qui orienta ces pays vers la libéralisation de l’économie, on en est arrivé à une lecture purement économique du concept de gouvernance, souligne le professeur Jacques Mariel Nzouankeu ( Séminaire régional OFPA- Cotonou-juillet 2002).  Celui- ci estime qu’après avoir constaté les limites de cette approche économique, une conception managériale des réformes et des mutations de l’Etat s’est développée, ajoutant que ce n’est plus le rôle économique de l’Etat qui est déterminant, mais la gouvernance, c’est-à-dire la manière dont il assume ses fonctions, sa capacité de régulation et d’impulsion , son aptitude à piloter la société.

Pour la Banque mondiale, dont la stratégie des années 1980 de libéralisation des pays placés sous ajustements structurels ne procura que des résultats très mitigés sur le plan économique, mais qui, par contre, commençait à susciter de plus en plus de critiques de la part des populations et des organisations non gouvernementales, la notion de gouvernance est apparu comme le moyen de redonner de la légitimité à ses interventions estime Bonnie Campbell (2000).

Selon un rapport de la Banque Mondiale, il apparait que les programmes financés, dans les années 1990, au titre de la «  bonne gouvernance », ont été principalement consacrés à la rationalisation du secteur public. Ils concernent notamment les méthodes de gestion, la décentralisation des services publics, les institutions judiciaires, et ils avaient pour principal objectif de les rendre compatibles avec  le développement des entreprises privées.

Pour sa part, Jean-Pierre Gaudin estime que la Banque mondiale a usé de la gouvernance afin de mettre ensemble le souhait de travailler directement avec  les organisations sociales ou des responsables politiques de proximité et la volonté de mettre les bureaucraties administratives à l’école du management. Soit, tout à la fois, la rigueur gestionnaire et le supplément d’âme participatif. Cynthia Hewit souligne que, dans leur esprit, ces réformes doivent favoriser l’initiative privée et renforcer l’autonomie des individus pour permettre aux sociétés civiles « libérées » d’imposer un « lien d’évidence » entre les réformes économiques, la « bonne gouvernance », la démocratie et la société civile.

Pour autant, la bonne gouvernance au service d’un libéralisme économique ne semble pas pouvoir, à elle seule, produire tous les effets escomptés, tant pour les populations que pour les bailleurs internationaux. En se penchant sur les pays de l’Afrique francophone subsaharienne, Yao Assogba (1996) constate que les effets produits par l’imposition  du concept de « good governance » s’avèrent très éloigné des attentes des institutions internationales. Il souligne que les exigences imposées en matière de démocratisation ont été très souvent détournées, digérées, pervertis par des régimes autoritaires en place

La « gouvernance démocratique » :

 

Evolution d’un concept.

De par sa polysémie, le concept de « gouvernance démocratique » est complexe et sa définition varie selon l’identité de son utilisateur, fait remarquer le Haut conseil français à la coopération internationale (HCCI-Avis de septembre-2002). N’étant pas identique au Nord et au Sud, il est donc utile de le clarifier. Le HCCI relève qu’en 2002, les bailleurs de fonds ne disposaient, autour de cette notion de gouvernance, d’aucune doctrine claire présentant un corps de règles fixes et préétablies qui permettent de trancher l’interprétation de situations concrètes, de manière prévisible et indiscutable.

Il est significatif de relever la position que l’UNESCO a prise en janvier 2001, dans le cadre du Forum Social Mondial de Porto Alegre (Brésil).  L’UNESCO estime que l’un des grands défis pour le XXI e. siècle est d’assurer une gouvernance démocratique, au plan national comme sur la scène internationale, fondée sur des principes librement consentis par les acteurs concernés, étatiques ou non. La table ronde de l’UNESCO intitulée «  Démocratie et gouvernance mondiale : quelles régulations pour le XXI e siècle ? », affirme dans ses conclusions que la « gouvernance démocratique » dont les contours politiques et institutionnels restent à définir, est la meilleure voie pour renforcer les capacités nationales à mettre en œuvre des stratégies de développement social, éducatif, culturel et scientifique, face aux conséquences adverses de la mondialisation. Il s’agit là d’une question à la fois pratique et éthique, dont l’issue est cruciale pour un développement socialement plus équitable et écologiquement plus équilibré, ajoute l’UNESCO.

Pour sa part, le Rapport mondial sur le développement humain 2002 du PNUD est centré sur l’idée que la réussite du développement est autant une affaire de politique que d’économie. Il estime que le meilleur moyen d’y parvenir sans perdre de vue les objectifs du développement humain consiste à mettre en place des modes de gouvernance démocratique solides et profondément enracinés, à tous les niveaux de la société. En 2002, le PNUD constate néanmoins que la gouvernance démocratique n’est manifestement pas encore une réalité. Il exprime fortement une crainte selon laquelle les jeunes démocraties, et même certaines démocraties anciennes, sont de plus en plus nombreuses à renouer avec des pratiques autoritaires : leurs dirigeants modifiant la constitution, bridant un pouvoir législatif et judiciaire déjà faible ou manipulant ouvertement des scrutins, ce qui a souvent des effets dévastateurs sur le développement humain.

C’est alors que sont remises en cause certaines politiques de développement. Les administrations de la plupart des Etats les moins avancés ne sont pas plus performantes au début des années 2000 qu’elles ne l’étaient au début de leur indépendance, en dépit des investissements quelquefois importants en assistance technique, en équipement et en financements, sous forme de subventions, d’ajustement structurel et de remises de dettes. Ce constat est valable pour les indices de développement humain qui n’enregistrent guère de progrès significatifs. Désormais toutes les grandes rencontres internationales s’interrogent sur les raisons de ces bilans décevants, fait remarquer un document d’orientation de la politique de coopération française intitulé «  Pour une gouvernance démocratique » (2003).

                        Le retour du politique.

 La communauté internationale redécouvre ainsi dès 2002 le primat du «  politique » et l’implication croissante des acteurs de la société civile dans les débats internationaux. Une nouvelle gouvernance mondiale prenant en compte des  dimensions autres qu’économiques du développement humain est esquissée, souligne dans un avis de septembre 2002 le HCCI .Cet avis promeut le concept de gouvernance démocratique, avec l’ambition de nourrir son contenu éthique et politique. Ainsi, il pourrait être porteur d’une nouvelle approche des conditionnalités politiques, en permettant de travailler d’une façon nouvelle et plus efficace à la consolidation du triptyque Etat de droit/ Démocratie/ Droits de l’homme.

Sur le plan théorique, les tenants de la conditionnalité du développement à la bonne gouvernance conviennent que le développement s’avère impossible dans un contexte politique dépourvu des libertés individuelles, de système d’imputabilité où la gestion des mandataires publics n’est pas soumise à l’évaluation  de la population à travers des élections démocratiques, et où il n’existe pas de société civile active qui influe sur le mode de gouvernement. Il n’en demeure pas moins que, autant que le développement, la gouvernance démocratique est un processus plutôt qu’un «  prêt-à-porter », ce qui suppose une construction à long terme, qui implique un changement plus ou moins lent des structures mentales et organisationnelles de la société. C’est dans la mise en pratique réelle de ce concept que la question devient complexe (Iconzi ; Belem ; Gendron-2002)

Désireuses de redonner un sens politique à leurs actions de développement et conscientes des limites des fonctions de régulation du seul marché, les institutions financières internationales ont introduit la notion d’environnement institutionnel propice au développement économique. La gouvernance permet alors d’aborder des problèmes politiques au regard du développement économique, en termes généraux et techniques, évitant ainsi les affrontements trop brutaux avec les gouvernements en place tout en se conformant aux obligations statutaires. Dans la pratique, le concept général de gouvernance permet de substituer à la délicate question de la   « réforme de l’Etat »celle, plus policée «  d’aménagements institutionnels » (Cynthia Hewit de Alcantara).

L’Union Européenne par exemple a pris l’engagement de faire de la notion de gouvernance démocratique une réalité et à contribuer de cette manière aux objectifs du Millénaire pour le développement. Selon l’UE, la gouvernance démocratique est un concept qui doit s’appliquer aux sphères sociale, économique, environnementale et politique d’un pays. Pour elle, dans une approche large, la gouvernance démocratique comprend des problématiques aussi diverses que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’accès pour tous à la justice, l’accès aux services sociaux de base, la promotion de la croissance économique et de la cohésion sociale dans un climat favorisant l’investissement privé.

Le lien étroit entre les aspects économiques et politiques de la gouvernance est particulièrement mis en exergue dans les règlements des programmes d’aide géographiés de la Commission européenne. On relève dans la plupart de ces règlements européens que la nécessité de prendre en compte les droits de l’homme et les principes démocratiques constitue une conditionnalité forte et qu’une clause de non-exécution est généralement prévue en cas d’atteinte à ces principes purement politiques, relève un document d’orientation du ministère français des Affaires étrangères. L’accord de  partenariat entre les membres du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, et la Commission européenne et ses Etats membres, qui fut signé à Cotonou le 23 juin 2000, préconise l’intégration des acteurs de la société civile dans les processus d’éradication de la pauvreté et de développement durable (article 19). Et cet accord d’ajouter que le développement ne peut, en effet, se construire qu’à travers l’établissement de relations apaisées et stables entre les acteurs d’une société. Le dialogue politique est, par  conséquent, un élément clé d’un nouveau partenariat qu’il convient d’instaurer aux niveaux local, national et international.

Dans son Rapport sur la gouvernance en Afrique (2005) la Commission Economique Africaine-ONU écrit, à propos de la gouvernance politique, que les politiques et pratiques démocratiques ont sensiblement progressé en Afrique ces deux dernières décennies. La démocratie multipartite et pluraliste a été instaurée dans de nombreux pays africains. L’espace politique a été progressivement libéralisé mais, malgré ces avancées, de nombreux problèmes de gouvernance politique demeurent dans beaucoup de pays. Le processus démocratique y est souvent fragile, inégal et peu solide. Il souffre de lacunes et d’un manque d’institutionnalisation.

                        Légitimité et pratiques autoritaires.

Les rapports entre gouvernance et démocratie posent la problématique de la légitimité du pouvoir, de la transparence et de la réduction de la corruption, soulignait le Séminaire régional de Cotonou (OFPA-Juillet 2002). Pour certains la légitimité du pouvoir est au confluent de trois vecteurs : la légalité, la démocratie et l’opinion internationale. Que l’un de ces vecteurs vienne à manquer, et l’on sort de la légitimité. Pour d’autre, la légitimité réside avant tout dans la capacité de la puissance publique à apporter des solutions aux problèmes des populations. Un Etat légal, démocratique et reconnu par la communauté internationale, mais qui n’apporterait pas de solutions aux problèmes des citoyens serait considéré comme étant illégitime. Le dilemme ainsi posé n’est pas tranché : qu’est-ce qui prévaut  pour fonder la légitimité?  Des procédures formelles qui établissent des indicateurs de gouvernance, ou le seul consentement des populations ?

                        La gouvernance globale.

La globalisation des échanges et l’internationalisation des systèmes de production et de communication amènent à poser la question d’une gouvernance à l’échelle de la planète.

La mondialisation conduit tout naturellement à s’interroger sur des formes institutionnelles supranationales créatives, adaptées aux difficultés dépassant à la fois les compétences et les capacités des Etats-Nations. Qu’il s’agisse des problèmes liés à la dérèglementation des marchés mondiaux, à la promotion et à la défense des droits de l’homme ou à la gestion des conflits et des crises, des initiatives planétaires apparaissent comme étant inévitables.

A la gouvernance démocratique vient s’ajouter une autre approche, celle par les biens publics mondiaux, qui vise également à sortir durablement les pays en développement de la dépendance économique, en demandant pour tous un accès équitable à ces biens. Problématique de l’action collective autour de sujets communs, elle renvoie à des débats plus généraux sur la mondialisation, tant du côté des compétences respectives des Etats et des institutions internationales  que de répartition entre organisations internationales s’articulant ainsi avec celle de la gouvernance. (Avis du HCCI- Septembre 2002)

Le concept de « gouvernance globale », est de plus en plus utilisé pour définir ce besoin. La bonne gouvernance à l’échelle d’un Etat ne saurait avoir de sens dans le temps sans qu’il n’existe de «  gouvernance globale » au niveau international, estime Cynthia Hewit.

Les positions des grandes institutions internationales.

 

Les instances internationales ont successivement porté et défendu les concepts de bonne gouvernance, ou de gouvernance démocratique en leur donnant des contenus sensiblement différents qui ont évolué dans le temps, montrant soit des éclairages nouveaux, soit des engagements différents qu’il serait intéressant de passer en revue.

* Les Objectifs du Millénaire pour le Développement, adoptés par les Nations unies ont fixé pour l’année 2015 un ensemble d’objectifs qui ne pourraient être atteints que si tous les acteurs y apportent leur contribution. Les pays pauvres se sont engagés à mieux gouverner et à investir dans leurs populations par le biais de la santé et de l’éducation. Les pays riches sont engagés à les appuyer par le biais de l’aide, de l’allègement de leurs dettes et d’un commerce plus juste.

* Pour le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement –Mme. Linda Maguire- Groupe gouvernance démocratique), la gouvernance est un concept neutre comprenant les mécanismes, processus, relations et institutions complexes à travers desquels les citoyens et les groupes articulent leurs intérêts, exercent leurs droits et obligations, et gèrent leurs différents.

Le PNUD estime que la «  bonne gouvernance » permet l’allocation et la gestion des ressources pour répondre aux problèmes collectifs ; elle est caractérisée par des principes de participation, de transparence, de responsabilité de l’Etat de droit, d’efficience, d’équité et de vision stratégique.  Ces principes incluent également les garanties offertes par les droits de l’homme et l’Etat de droit, et des institutions transparentes et responsables.

Le PNUD ajoute que «  la bonne gouvernance » ou la «  governance démocratique », existe aussi là  où les autorités gouvernementales s’appuient sur la volonté du peuple et sont responsables devant la loi. Cette gouvernance existe là où des institutions transparentes et démocratiques permettent la pleine participation dans les affaires publiques, et là où la protection des droits de l’homme garantit le droit d’expression, d’association et de contestation. Elle existe enfin là où le gouvernement et ses institutions défendent les pauvres et les plus vulnérables, et promeuvent le développement humain de tous les citoyens.

Un pays qui respecte les droits de l’homme et qui promeut la tolérance encourt moins de risques de voir des frustrations de ses citoyens atteindre un degré tel que le recours à la violence devienne un moyen de résoudre leurs problèmes, souligne le PNUD.

* La Banque Mondiale conçoit la gouvernance comme étant la manière dont le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques et sociales du pays. Paul Wolfowitz, président de la Banque Mondiale déclarait à Jakarta, (avril 2006) : « En un demi-siècle, on en est venu à mieux comprendre ce qui aide les pays à fonctionner d’une manière effective et à assurer leur progrès économique. Dans les milieux du développement, on a une expression pour cela. C’est ce qu’on appelle la bonne gouvernance » Il en donnait alors une rapide définition  en disant que c’est, pour l’essentiel, le conjugaison d’institutions transparentes et responsables, de solides qualifications et compétences, et d’une volonté fondamentale de faire ce qui est juste, concluant : « c’est tout cela qui permet à un Etat de s’acquitter de manière effective de son obligation de service envers ses administrés. »

*L’Union Européenne  a placé la gouvernance démocratique au cœur de sa stratégie de développement. Son crédo est qu’il est presque impossible de briser le cercle vicieux de la mauvaise gouvernance et de la pauvreté en l’absence d’un gouvernement réformé et transparent, responsable envers l’électorat et engagé vers le changement. Reconnaissant qu’une aide financière seule n’est pas suffisante, l’UE a fixé des priorités qui pourront garantir l’efficacité de l’aide au développement, à savoir le dialogue politique, les mesures de prévention des conflits, les élections équitables et la coopération avec les organisations internationales. Elle estime que seule la bonne gouvernance peut assurer une juste allocation des fonds en vue d’améliorations durables.

L’Union européenne estime, dans un document d’octobre 2006, que les violations des droits de l’homme, la corruption et l’insécurité légale entravent le développement de la paix et de la prospérité dans de nombreux pays en développement. Elle ajoute que les marchés fragiles et les environnements règlementaires instables découragent l’investissement dans le secteur privé et freinent la croissance économique. Elle exprime la conviction qu’il est presque impossible de briser le cercle vicieux de la mauvaise gouvernance et de la pauvreté en l’absence d’un gouvernement réformé et transparent, responsable envers l’électorat et engagé vers le changement.

Reconnaissant qu’une aide financière ne peut à elle seule être suffisante, l’Union Européenne estime  que le dialogue politique, les mesures de prévention des conflits, les élections équitables et la coopération  avec les organisations internationales sont autant de priorité qui pourraient garantir l’efficacité de l’aide au développement. Elle conclue que seule la bonne gouvernance peut assurer une juste allocation des fonds en vue d’améliorations durables.

Il faut par ailleurs souligner que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée en décembre 2000, inclut le droit à une bonne administration au nombre des droits fondamentaux émanant de la citoyenneté européenne (article 41).

Pour sa part, le Parlement européen a approuvé, en septembre 2001, un «  code de bonne conduite administrative » que les institutions et organes de l’Union européenne, leurs services administratifs et leurs fonctionnaires doivent respecter dans leurs relations avec le public. Ce code tient compte des principes du droit administratif contenus dans la jurisprudence communautaire, et s’inspire des législations nationales.

*L’Accord de partenariat ACP-CE, signé à Cotonou le 23 Juin 2000, constitue le premier document communautaire définissant la notion de « good governance ».Il stipule, en son article 9 : «  Dans le cadre d’un environnement politique et institutionnel respectueux des droits de l’homme, des principes démocratiques et de l’Etat de droit, la bonne gestion des affaires publiques se définit comme la gestion transparence et responsable des ressources humaines, naturelles, économiques et financières en vue du développement équitable et durable ». Cet accord reprend la clause de  suspension de l’aide en cas d’atteinte aux droits de l’homme, aux principes démocratiques ou à l’Etat de droit. Une procédure similaire est prévue dans les cas graves de corruption.

L’Union Africaine, la CEDEAO et d’autres institutions au niveau régional ont adopté un certain nombre d’instruments juridiques visant à la promotion de la gouvernance démocratique et à la prévention des conflits. Certains d’entre eux ne sont toujours pas appliqués, faute de ratification.

*L’Union Africaine/NEPAD, dans ses déclarations de Durban (Conférence de juillet 2002), portant sur la mise en œuvre du nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, entérine la Déclaration sur la gouvernance démocratique, politique, économique et des entreprises, et encourage tous les Etats membres à l’adopter.

*La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (30 janvier 2007), est l’un des rares instruments portant, dès son titre, la mention de la gouvernance. Les engagements africains portant sur «  la gouvernance politique, économique et sociale » y sont détaillés en un chapitre (IX). Dix engagements sont pris pour la promotion de cette gouvernance (article 27), avec une mention particulière (article 28)  à des partenariats solides et à un dialogue entre le gouvernement, la société civile et le secteur privé. Des mesures sont déclinées portant d’une part sur la bonne gouvernance politique, et d’autre part sur la bonne gouvernance économique et des entreprises. La bonne gouvernance politique inclue celle portant sur l’administration publique avec trois critères principaux : efficacité, efficience et obligation de rendre compte. Pour les mesures strictement politiques sont cités par exemple un système judiciaire indépendant, des élections transparentes, libres et justes ou l’Etat de droit. On voit y apparaître une exigence de relations harmonieuses dans la Société « y compris entre les civils et les militaires ».Le champ d’application de la bonne gouvernance économique est large. Il va de la transparence dans la gestion des finances publiques et des systèmes fiscaux, à la création d’un environnement propice à l’afflux de capitaux étrangers, en passant par la lutte contre la corruption. Ce chapitre portant sur la gouvernance est détaillé en  16 articles. Enfin la Commission africaine  participe aux mécanismes de mise en application des dispositions de cette Charte, en particulier, pour ce qui est de la gouvernance démocratique, en facilitant l’harmonisation des politiques et lois des Etats parties.

*Pour sa part, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avait, dès décembre 2001 adopté un Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance. Ce protocole venait s’ajouter au Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité. Une section du  protocole additionnel est consacrée à l’Etat de droit, aux droits de la personne et à la bonne gouvernance. Il pose d’emblée que les Etats membres conviennent de ce que la bonne gouvernance est essentielle pour la préservation de la justice sociale, la prévention des conflits, la sauvegarde de la stabilité politique et de la paix et le renforcement de la démocratie. Il ajoute qu’un système garantissant le bon fonctionnement de l’Etat, de son administration publique et de la justice contribue à la consolidation de l’Etat de droit. Parmi de nombreuses autres dispositions, les Etat membres s’engagent à lutter contre la corruption, à gérer les ressources nationales dans la transparence et à en assurer une équitable répartition.

*Au cours des dernières années, les politiques de développement ayant été remises en cause, le lien entre l’efficacité de la lute contre la pauvreté et le respect des principes fondamentaux de la bonne gouvernance ont été réaffirmés lors de la Conférence internationale sur le financement du développement qui s’est tenue à Monterrey, en mars 2002. Au cours de cette conférence l’engagement d’augmenter l’aide publique au développement a été assorti d’un plaidoyer  pour l’instauration d’un cadre de gouvernance favorisant l’Etat de droit, le développement des services sociaux de base et la lutte contre la corruption et l’insécurité.

Lors de la réunion du G8 à Kananaskis, en juin 2002, les objectifs et les moyens de la gouvernance politique ont été également remis à l’ordre du jour. Ces objectifs et les moyens de la gouvernance politique  (consolidation de l’Etat de droit, revue par les pairs, lutte contre la corruption et protection des droits de l’homme) ont été placés au centre des stratégies de développement.

Le Sommet mondial sur le développement durable, tenu à Johannesburg en août 2002, a retenu le principe de la régulation de la mondialisation au nom de l’égal accès aux ressources naturelles pour les peuples et les générations futures.

Les engagements de la Francophonie.

 

Les Déclarations des Sommets

Les engagements de l’Organisation internationale de la Francophonie au regard de la bonne gouvernance ou de la gouvernance démocratique sont constants depuis plusieurs années. En remontant le temps, nous pouvons principalement citer :

* La Déclaration de Bucarest (septembre 2006) de la XIe. Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Francophonie  réaffirme la conviction «  de l’importance d’améliorer la gouvernance démocratique dans nos Etats ». Elle précise la volonté commune d’accorder des moyens substantiels à la lutte contre la corruption et contre l’impunité, ainsi qu’à l’indépendance de la Justice, en  favorisant  aussi l’intégration régionale par le droit. En plusieurs endroits, cette Déclaration insiste sur des aspects primordiaux de la gouvernance démocratique, en effet, ce Sommet a pour thème principal l’éducation et l’avènement d’une société du savoir. Elle proclame par exemple que l’éducation doit avoir une position prioritaire dans les programmes des gouvernements, que le droit à l’éducation et à la formation de qualité est un droit imprescriptible de tout être humain, et que la responsabilité de la politique d’éducation doit être réservée à la puissance publique. Cette Déclaration réserve une attention particulière aux technologies de l’information et de la communication, et leur intégration dans l’enseignement primaire et secondaire. Pour ce Sommet, l’éducation et la formation aux droits de l’homme, à la tolérance et à la citoyenneté, notamment des enfants et des jeunes, constitue une dimension importante de l’établissement durable de sociétés libres, tolérantes et démocratiques.

Le Sommet de Bucarest  soutient et encourage la ratification de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, élaborée en 2005 à l’UNESCO, encourageant le dialogue des cultures et des civilisations dans l’espace francophone. Il  réaffirme avec insistance l’attachement de la Francophonie à la démocratie comme système de valeurs et comme facteur de développement et de paix durables.

* De nombreux éléments se trouvaient déjà dans  la Déclaration de Saint-Boniface (mai 2006) adoptée par la Conférence Ministérielle de la Francophonie sur la prévention des conflits et la sécurité humaine.

* La Déclaration de Ouagadougou (novembre 2004) du Xe. Sommet  de la Francophonie,  principalement consacrée au développement durable,  rappelle qu’il y a des liens étroits entre la gouvernance, aussi bien économique que démocratique, et le développement économique, ce dernier étant fondé sur la démocratie, l’Etat de droit et les droits de l’homme. Ce Sommet relève également que la gouvernance politique, administrative et économique est essentielle à la consolidation de la paix et de la sécurité, et contribue à accélérer la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement.

Il faut relever que dans son préambule, cette déclaration  de 2004  engage  la Francophonie à «  participer de façon toujours plus forte et plus cohérente à l’effort général visant à créer des conditions qui donneront aux pays les plus pauvres et à leurs populations les moyens d’une insertion réussie dans le système économique mondial ».

* La Déclaration de Beyrouth (octobre 2002) adoptée à la IXe. Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Francophonie, consacrée au dialogue des cultures, en proclamant que Francophonie, démocratie et développement sont indissociables, pose que la maîtrise de la mondialisation et de ses enjeux impose une responsabilité partagée.

* La Déclaration de Bamako du 3 novembre 2000 pose les fondements de l’engagement de la Francophonie pour la consolidation de la démocratie. Six objectifs sont déclinés pour la consolidation de l’Etat de droit desquels on pourrait citer le renforcement de l’institution parlementaire, l’indépendance de la magistrature, la transparence  et le contrôle des institutions ou l’émergence d’une conscience citoyenne. Une part importante de cette Déclaration est par ailleurs consacrée à la tenue d’élections libres, fiables et transparentes ou aux conditions d’une vie politique apaisée. Un chapitre important est enfin consacré à la  promotion d’une culture démocratique intériorisée et le plein respect des droits de l’homme.

*La Déclaration de Moncton (septembre 1999) clôturant le VIIIe. Sommet de la Francophonie, bien que ne mentionnant pas le terme de gouvernance, s’inquiète du fait que la mondialisation touche tous les aspects de la vie des peuples et insiste sur le rôle régulateur des Etats. Elle réaffirme la volonté commune de consolider l’Etat de droit et les processus démocratiques, parmi lesquels le respect des droits de l’homme. Mais ce qui est remarquable est que cette Déclaration affirme avec force que le développement durable et solidaire est une ambition pour la Francophonie.

Autres contributions de la Francophonie.

A ces prises de positions communes, il faut ajouter les multiples contributions et expertises que l’OIF a apportées ces dernières années aux travaux des institutions internationales ou africaines en faveur de la gouvernance démocratique. Si l’on se réfère au deuxième Rapport (2006) sur l’état des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone,  on notera par exemple une participation active au « Forum sur la gouvernance en Afrique » que l’Union africaine et l’Alliance pour la refondation de la gouvernance en Afrique  ont tenu à Addis Abeba (novembre 2005)  A cette occasion, l’OIF s’est déclarée prête à  participer à la réflexion  sur le concept de gouvernance et ses modalités de mise en œuvre  entreprise par la Commission de l’Union africaine.

Par ailleurs soulignons que l’OIF a activement participé aux travaux de l’Union africaine portant sur l’élaboration de la Charte sur la démocratie, les élections et la gouvernance.

De plus, l’OIF s’est impliquée dans le renforcement de l’Observatoire des Fonctions Publiques Africaines (OFPA) afin  qu’il joue un rôle privilégié dans la mise en œuvre des objectifs de l’Union africaine et du NEPAD en matière de gouvernance.

 Les engagements des Etats.

 

De nombreux Etats francophones ont mis en place des politiques nationales visant à assurer une bonne gouvernance. On peut citer par exemple quelques cas :

 

*En Tunisie, le gouvernement a associé le développement économique, social et culturel de la société  à la modernisation de la gestion publique s’articulant autour de trois axes prioritaires (M. Hammam Abdelatif, conseiller à la Primature de la République) : – proximité et accessibilité des services publics ;- efficacité et efficience des interventions publiques ;- équité et transparence.

Ainsi la recherche d’une plus grande efficacité de l’administration publique en Tunisie s’accompagne de la mise en place de mécanismes adéquats permettant à l’autorité qui détient  le pouvoir d’apprécier l’accomplissement des missions confiées, conformément aux objectifs fixés. Il est aussi dans l’ordre démocratique que tous ceux qui sont investis d’une responsabilité soient appelés à en rendre compte. Cette obligation se réfère au concept de «  recevabilité »  qui peut se définir comme étant «  l’obligation de rendre compte de l’exercice d’une responsabilité ».

Dans l’expérience tunisienne on constate  que cette « redevabilité » n’est pas toujours une exigence qui s’impose à l’administration publique, et que sa mise en place devrait progresser en s’appuyant sur plusieurs outils parmi lesquels l’appréciation, par des autorités indépendantes et par la société civile, des résultats atteints dans la gestion des structures publiques et la satisfaction des utilisateurs. En Tunisie, la «  redevabilité » peut être appréciée à la lumière de plusieurs rapports, parmi lesquels le rapport annuel de la Cour des comptes ou le rapport annuel du Médiateur administratif.

 

 

*Au Bénin, la réforme administrative lancée fin 1994, occupe une priorité essentielle dans la conception et la mise en œuvre du programme de redressement économique lancé par le gouvernement. Les travaux de la réforme, poursuivis en octobre 1996, portaient sur le diagnostic de l’environnement institutionnel et en particulier sur la gouvernance qui fit l’objet de recommandations.

L’objectif fixé était celui d’une administration transparence et responsable occupant une place centrale dans le dispositif de régulation du développement humain durable, ainsi que sur le renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit.

 

*Au Mali, un nouveau souffle de la réforme de l’Etat a été donné dès octobre 2002, après des analyses sans concession. Ainsi il fut constaté (M. Diango Cissoko, ancien ministre, Directeur du cabinet du Premier ministre) que la capacité de l’Etat de promouvoir le développement du pays et la gouvernance démocratique demeurait faible. Manquait alors un facteur essentiel  à la dynamique véritable de développement durable, à savoir l’enracinement de la gouvernance démocratique, donc l’existence d’un Etat de droit dans lequel tous les secteurs, y compris l’Etat lui-même, sont soumis à la loi, où la gestion des affaires publiques est transparente, où les responsables ont le devoir de rendre compte de leurs actions, et où est effective la participation des citoyens et d’une société civile bien structurée, à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques publiques de développement.

 

*En France, la politique de coopération institutionnelle a été inscrite dans la perspective élargie de la gouvernance démocratique, en apportant ainsi une contribution à la définition du concept de gouvernance, jusque là attaché au bon fonctionnement du marché. (Malika Berack, Sous directrice pour le développement institutionnel au Ministère des Affaires étrangères).

Parmi les valeurs et principes avancés, la France inscrit, dans les règles de la gestion publique, l’obligation de rendre compte et l’examen par les pairs. Pour le ministère des Affaires étrangères, la gouvernance démocratique propose une éthique de responsabilité et veut rompre avec les formes archaïques de domination ou de formes appauvries d’homogénéité culturelle et ethnique. Elle concourt à une intégration mondiale plus équitable et pacifique.

 

 

 

II : Perspectives

 

Le nouveau contexte international :

 

Une nouvelle donne internationale a fait son apparition il y a trois décennies, en conséquence de quatre réalités : l’effondrement de l’économie dirigée, la crise de l’Etat providence, l’interdépendance des Etats et la mondialisation des échanges. Cette situation a radicalement modifié le gouvernement des hommes et des entreprises. Elle s’examine dans une perspective historique.

La chute du Mur de Berlin et la fin de l’affrontement entre le monde communiste et l’Occident, qui avait des implications et des retombées dans les pays du Sud a laissé face à face, dans une nouvelle configuration, les puissances industrielles – porteuses ou non des valeurs de la démocratie et des droits de l’homme- et les populations déshéritées de nombreux Etats  qui avaient accédé à leur indépendance au moment de la vague de décolonisation.

Il était alors apparu que la meilleure manière de lutter contre la pauvreté était d’adopter une politique volontariste prenant en compte le nouvel ordre sociopolitique, tant dans les pays riches que dans ceux en développement. Deux stratégies ont été adoptées : centrer davantage les efforts sur la personne humaine, et d’autre part instaurer un dialogue politique et une réelle coordination entre partenaires engagés dans les efforts de développement.

Il s’en suivit dans les pays donateurs un phénomène  qui vit l’aide au développement – dont la finalité était de conforter la lente construction de l’Etat-nation- s’effacer de plus en plus souvent devant l’aide d’urgence. L’enjeu  nouveau est la survie plutôt que le développement, car l’objectif est désormais la lutte contre la pauvreté et les inégalités passant devant le développement durable. Cette «  urgence » est accrue par le fait que nombre d’Etat du Sud sombrent dans des conflits sanglants, et des déstructurations. Avec de massifs déplacements forcés  de population, la libre et paisible circulation des personnes n’est plus assurée sur l’ensemble d’un territoire national. Par ailleurs, la mise en place de cadres juridiques favorables à la liberté d’entreprendre et susceptibles de soutenir les échanges n’a pas été suffisante pour assurer le développement économique de nombreux pays du Sud, et moins encore du développement humain.

La transposition, souvent mécanique ou par mimétisme, des systèmes de fonctionnement public, comme ceux de la France, dans les pays du Sud, loin d’avoir produit des effets sur le développement , s’est souvent révélée inefficace et parfois pénalisante en faisant obstacle au changement .Ce fut par exemple le cas d’une administration fortement centralisée ou l’absence d’une culture du résultat et de la performance, ou les systèmes sophistiqués d’impôts sur les sociétés, alors que le secteur économique informel est dominant.

La phase suivante fut celle des politiques d’ajustement structurel qui ont tenté de remédier aux graves déséquilibres économiques résultant de la mauvaise gestion de l’Etat. L’ajustement des missions de l’Etat à ses moyens disponibles s’est traduit non seulement par la réduction de son périmètre d’intervention, mais aussi par la dépossession de ses compétences économiques. C’est alors que sont vite apparues les limites de ces programmes d’ajustement structurels.

Sont alors apparus les premiers programmes de «  bonne gouvernance » conçus d’une part pour rendre l’Etat plus efficace, et d’autre part pour faire du secteur privé le moteur du développement. Les tenants de ce néolibéralisme soutenaient que la dynamique de la macro-économie libérale, la décentralisation et la privatisation des entreprises publiques donneraient un coup de fouet  à l’esprit d’initiative et à la participation active des citoyens à l’augmentation des richesses. Mais pour certains analystes, ces programmes n’ont pas eu les résultats escomptés, soulignant  qu’au contraire, les gouvernants se sont éloignés des besoins et des préoccupations de la population ce qui a accru le fossé  et provoqué de nouvelles tensions, en l’absence de mécanismes de médiation et d’arbitrage.

Nous en arrivons alors à la situation actuelle qui exige une refondation de l’Etat impliquant davantage les différents acteurs de la société pour asseoir une démocratie plus participative et pour garantir la primauté de l’intérêt général.

Ainsi, pour les pays du Nord, les nouveaux programmes de gouvernance démocratique ont désormais pour principal objectif la recherche de l’efficacité et une nouvelle légitimité de l’Etat en prenant en compte les aspirations et les contraintes des citoyens. L’Etat n’a pas perdu ses prérogatives de garant de l’intérêt général, mais il n’est plus le seul à le défendre. La consolidation de l’Etat de droit, l’indépendance de la justice, l’équité fiscale, la sécurité, l’éducation et la santé sont, dans de nombreux pays, tributaires de l’Etat qui est le seul acteur qui puisse proposer un pacte social et garantir la sécurité et l’équité.

Effets de la mondialisation.

 

Ainsi, la mondialisation nécessite la révision des modes de la gouvernance. Il en va de même du développement durable qui exige un mode de gouvernance adéquat pour sa mise en œuvre. Selon les auteurs de «  Conditionnalité, gouvernance démocratique et développement » (Iconzi, Belem et Gendron), la pertinence du renouvellement des modes de gouvernance pour un meilleur encadrement de la mondialisation dans la perspective d’un développement durable ne fait plus de doute. Cependant, ajoutent-ils, le caractère normatif du concept ainsi que l’absence d’une procédure rigoureuse de réorganisation du rapport entre les acteurs laisse la place à différentes possibilités d’interprétations et d’articulations.

De leur côté, les pays d’Afrique s’estiment partie intégrante de la dynamique de la mondialisation ne saurant échapper aux exigences de bonne gouvernance prônées au niveau international (Séminaire de Cotonou-OFPA-juillet 2002).

Pays émergents, et pays en développement

 

Début 2008, alors que la croissance des économies des pays développés du Nord a tendance à ralentir, que certains d’entre eux sont menacés de récession, et que d’autre part l’économie globale se recentre sur l’Asie, et plus précisément sur la Chine et sur l‘Inde où les taux de cette croissance sont à deux chiffres, la mondialisation de l’économie présente bon nombre de pays du Sud sous un nouveau jour, les qualifiant de « pays émergeants » à l’avenir prometteur. Parmi ceux-ci, les experts citent deux pays de l’espace francophone, le Maroc et la Tunisie.

Les pays émergents recouvrent une réalité spécifique : ce sont ceux des «  pays en développement » qui pratiquent, d’une manière plus ou moins efficace, l’économie de marché et accèdent aux financements internationaux. Il reste une catégorie de pays en développement – généralement les plus pauvres- qui n’ont pas encore accédé au stade de l’émergence, notamment en Afrique et dans certains pays d’Asie. (Jacques de Larosière- Colloque HEC-Eurasia Institute-février 2002). La mondialisation a entrainé pour ces  pays une croissance plus forte et une réduction de la pauvreté. C’est en 2008 l’aspiration entretenue par l’ensemble des pays du Sud qui espèrent être aspirés par cette spirale ascendante de la mondialisation, à la condition de s’astreindre  à un certain nombre d’exigence de gouvernance.

Les valeurs communes à la Francophonie.

 

A la lumière des évolutions et analyses précédemment décrites, il semble bien que le concept de gouvernance entre dans une nouvelle ère, répondant à de nouvelles préoccupations et exigences dans un contexte différent. Comme nous l’avons vu, au fil du temps, il a été fondé sur des valeurs qui lui ont donné contenus, qu’elles aient été consubstantielles des grandes institutions financières internationales et de l’ultralibéralisme, ou du multilatéralisme onusien. La Francophonie  se doit d’y imprimer sa marque, c’est-à-dire ses valeurs constitutives qui ont été déclinées et réaffirmées au fil de ses travaux.  C’est en vertu de ces valeurs que peut ensuite être envisagée une approche, une définition et des critères de gouvernance propres à la Francophonie.

La démocratie :

Au cœur de son patrimoine de valeurs et de conceptions, la Francophonie a reconnu «  le rôle essentiel entre le développement économique, la démocratie et la bonne gouvernance » (1 er. Conférence des ministres de l’économie et des finances –Monaco- Avril 1999)  Les Sommets des chefs d’Etat et de gouvernement réitèrent – en particulier à Bucarest (septembre 2006) leur « attachement à la démocratie comme système de valeurs et comme facteur de développement et de paix durables ». C’est au cours du Sommet de Bamako ( novembre 2000) qu’est réaffirmé avec une force particulière l’engagement de la Francophonie à promouvoir la culture démocratique dans toutes ses dimensions, et à favoriser de nouveaux partenariats entre initiatives publiques et privées, mobilisant tous les acteurs engagés pour la démocratie et les droits de l’homme.

Le respect des droits fondamentaux :

La Francophonie  a pris l’engagement constant, et en particulier lors du Sommet de Ouagadougou (novembre 2004) de favoriser l’émergence d’une véritable culture des droits de l’homme.

Il est unanimement reconnu que la gouvernance doit avoir pour socle le respect des droits fondamentaux, aussi bien les droits civils et politiques que les droits économiques, sociaux et culturels.

De son côté l’accord ACP-CE (Cotonou –Juin 2000)  réaffirme que la démocratisation, le développement et la protection des libertés fondamentales sont interdépendants et se renforcent mutuellement.

La Paix :

La notion de sécurité a profondément changé il y a une trentaine d’année. Elle n’est plus envisagée sous le seul angle national. On a constaté que de nombreuses crises internes résultent plus ou moins directement d’un conflit entre pays frontaliers, ou sont alimentés par des éléments nationaux ou étrangers venant de pays tiers. La sécurité nationale implique alors des politiques interdépendantes, prenant en compte des échanges d’informations systématisés entre pays ou des procédures communes. L’interdépendance répond également au développement de nouvelles menaces transnationales (criminalité organisée, terrorisme, trafics divers…) La stabilité des Etats dépend de leur capacité à assurer la sécurité des biens et des personnes. Cette sécurité est également juridique, judiciaire et économique.

La restauration ou le maintien de la paix et de la sécurité passe par les principes démocratiques que sont l’équilibre des pouvoirs, des mécanismes efficaces  et transparents de contrôle des forces de l’ordre et le maintien du lien armée-nation.

Les phénomènes d’affaiblissement ou même d’effondrement de l’Etat – particulièrement en Afrique- ont tendance à se multiplier. Ils se répercutent sur les pays voisins sous forme d’afflux de réfugiés, de déplacement de populations et d’impacts négatifs sur les politiques publiques des Etats limitrophes, dont les économies et les infrastructures sont mises à mal

La construction de la paix suppose à la fois des mesures de prévention des conflits sur le long terme et des réponses adaptées à des situations post-conflit. En attachant une importance primordiale au bon fonctionnement des institutions et en renforçant la cohésion et le consensus au sein de la société, la gouvernance démocratique contribue à éviter ou à réduire la vulnérabilité aux frictions et l’exacerbation des conflits.

La Francophonie politique a fait de la paix  et de la prévention des conflits une quête permanente, et cela depuis l’adoption de sa Charte

La promotion de la paix et de la sécurité est considérée  comme conditions essentielles du développement durable (Déclaration de Ouagadougou-2004)

De manière précise, la Francophonie condamne les coups d’Etat et toute autre prise de pouvoir par la violence, les armes ou quelque autre moyen illégal. (Déclaration de Bamako)

Les impératifs catégoriques.

Aux valeurs fondements de la Francophonie, viennent s’ajouter des obligations morales, des choix éthiques, des convictions communes à l’ensemble des pays et gouvernements appartenant à l’espace francophone. C’est ce corpus qui donnera aux critères de la gouvernance propres à la Francophonie toutes leurs particularités. Sept impératifs peuvent être dégagés :

Développement durable et lutte contre la pauvreté :

Le lien entre gouvernance démocratique et développement a fait l’objet d’un débat théoricien à la fin du siècle dernier. Une étude (Iconzi, Belem et Gendron) allait jusqu’à s’interroger sur «  le dilemme de l’œuf et de la poule », pour savoir si c’est le développement qui donnait accès à la démocratie, ou si l’avènement de la démocratie est la condition nécessaire au développement. En conclusion, ces auteurs estimaient que la bonne gouvernance ne saurait être ni un préalable, ni une conséquence absolue du développement. Elle en constitue à la fois une fin et un moyen. Une fin parce que davantage de développement induit nécessairement plus de possibilités pour l’exercice des libertés sociopolitiques ; un moyen parce qu’une gouvernance démocratique bien pensée permet une contribution de tous à l’effort de développement socio-économique.

S’il est vrai que dans certains pays du Sud des progrès économiques ont été récemment enregistrés, la pauvreté n’a pas été pour autant éradiquée et les inégalités se sont accrues. De manière générale on constate que, sous l’impulsion de la libéralisation des échanges, les instabilités, les exclusions et la perte du lien social suscitent, tant dans les pays en développement que dans les pays émergents et même dans les pays développés, une telle inquiétude que la lutte contre la pauvreté, les inégalités et l’exclusion revêt désormais une dimension prioritaire.

Cette crainte apparait dans la Déclaration du Millénaire adoptée par  l’Assemblée générale des Nations unies (13 septembre 2000) qui a décidé de «  créer, aux niveaux tant national que mondial, un climat propice au développement et à l’élimination de la pauvreté…La réalisation de ces objectifs suppose, entre autres, une bonne gouvernance dans chaque pays. Elle suppose  également une bonne gouvernance sur le plan international ». La lutte contre la pauvreté doit prendre en compte l’ensemble des situations financière, sociale, politique et institutionnelle. Le renforcement du rôle donné à l’Etat dans  la nouvelle politique de développement va de pair avec l’amélioration du fonctionnement de l’administration et une consolidation des processus de déconcentration/décentralisation.

Le développement durable à l’échelle mondiale est une tache commune fixée par la Francophonie ( Déclaration de Saint-Boniface -mai 2006).La Déclaration de Ouagadougou  réaffirmait que la pauvreté, source inévitable de conflits, doit être au cœur des préoccupations, et que, pour parvenir à la réalisation des Objectifs de développement du Millénaire, dont celui de la réduction de moitié du nombre de personnes vivant dans la pauvreté d’ici à 2015, un changement d’attitude  et la définition de nouvelles priorités s’imposent tant au Sud qu’au Nord. Ce Sommet a fixé cinq piliers sur lesquels repose le développement durable. Auparavant, au Sommet de Beyrouth, la Francophonie avait affirmé un principe de solidarité au service d’un développement économique et social durable. Déjà, au Sommet de Moncton, la Francophonie avait affirmé son ambition pour un développement économique, durable et solidaire.

Lutte contre la corruption et l’impunité.

Il s’est trouvé quelques voix, particulièrement lors du Séminaire régional  « La gouvernance au Sud » (Cotonou-OFPA-juillet 2002) pour se demander si la corruption devait être considérée comme toxique ou tonique. Il n’en demeure pas moins que de nombreux Etats africains ont marqué une ferme détermination de lutter contre la corruption. A Cotonou l’accord s’est fait autour de l’idée que la corruption était favorisée par l’état de pauvreté, et qu’une manière efficace de lutter contre celle-ci était de promouvoir le développement. Mais de toute évidence il faut faire disparaitre la tolérance à la corruption  y compris celle dite « petite » par des mesures appropriées allant de la prévention aux sanctions, en passant par l’information et la formation. La lutte contre la corruption exige la transparence, le contrôle indépendant

Cette lutte contre l’impunité est inscrite dans les textes fondamentaux de la Francophonie. En particulier, dans la Déclaration de Bamako, il est demandé d’adopter toutes les mesures permettant de poursuivre et sanctionner les auteurs de violations graves des Droits de l’homme, et en particulier l’adoption et la ratification du Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale.

Le citoyen au centre :

Placer le citoyen au centre des préoccupations de la vie publique, afin qu’il reprenne toute la place qui lui revient dans la construction de la société, c’est réaffirmer une conception humaniste fondée sur des valeurs universelles. La gouvernance démocratique, parce qu’elle signifie l’exercice et le contrôle du pouvoir par tous les acteurs  gouvernementaux ou non de la vie publique, donne la primauté au citoyen. Alors que les valeurs du marché ont été trop souvent prégnantes, il est nécessaire aujourd’hui que la citoyenneté soit replacée au centre des préoccupations de la gouvernance. On ne peut oublier que la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 donne des droits à la personne humaine. C’est donc l’intérêt de l’individu qui prime dans la gouvernance, même si les voies pour y parvenir peuvent être multiples.

L’une des implications sociopolitiques de la gouvernance démocratique est le décloisonnement entre les  sphères publiques et privées débouchant sur des partenariats. Elle devient le symbole de la démocratie participative qui permet l’organisation de débats publics.

Selon Raphaël Canet, il ne doit pas y avoir une seule vision de la gouvernance. A la gouvernance privatisée qui ne convie la société civile dans ses instances de négociation que pour mieux entériner les décisions favorables au secteur privé, doit être opposée une véritable « gouvernance citoyenne » qui permettrait de pallier aux dysfonctionnements de la démocratie représentative, sans pour autant signifier le déclin de l’Etat, conçu comme un moyen d’émancipation collective.

La Déclaration de Bamako insiste sur le fait que l’une des caractéristiques de la démocratie est la participation des citoyens à la vie politique, ce qui leur permet d’exercer leur droit de contrôle.

Démocratie locale et gouvernance urbaine.

L’espace local constitue le lieu d’ancrage de la citoyenneté, le maillon premier du lien social et la base de la cohésion nationale. Cela se traduit par l’émergence de municipalités fortes, en relation avec les autres niveaux du pouvoir. Le renforcement de la démocratie locale passe par l’intégration de certaines pratiques coutumières dans le droit régissant  les collectivités territoriales.

Des politiques de décentralisation mettant en place des pouvoirs publics proches des citoyens peuvent être efficaces  à condition qu’une marge d’autonomie, y compris financière, soit laissée à l’initiative locale. Le village, les communautés villageoises, les périphéries des villes sont des réalités socio-économiques incontournables. L’émergence  de ces acteurs collectifs de base appelés à devenir des promoteurs du développement local, doit être prise en compte.

Le renforcement des interactions entre divers domaines : social, économique, politique, administratif, entre divers acteurs et échelles de territoire, dans les processus d’élaboration de l’action publique, s’applique particulièrement aux problématiques urbaines. La gouvernance urbaine inspirée par le concept de gouvernance démocratique, dépasse les simples administrations et gestion urbaines. Il s’agit de reconstruire l’unité sociale de la ville et de rétablir des cohérences territoriales. L’un des objectifs est alors de valoriser la participation des habitants, notamment ceux des « bidonvilles »  qui revendiquent la reconnaissance du potentiel économique du secteur informel, la sécurisation de leurs droits fonciers, une intégration financière, et la recherche de solutions innovantes pour l’amélioration de leurs conditions de vie.

Participation de la société civile.

La participation directe ou non de la « société civile » à la gouvernance nationale et à la vie internationale a fait d’extraordinaire progrès au cours des dernières décennies. Les grandes conférences des Nations unies y ont largement contribué en créant un véritable espace public à l’échelle mondiale. Les Organisations internationales non gouvernementales (OING) ont réussi à s’investir dans la plupart des organisations interétatiques et à s’y faire entendre.

La Francophonie reconnait la place et demande que soit facilitée l’implication constante de la société civile, y compris les ONG, les médias, les autorités morales traditionnelles, pour leur permettre d’exercer, dans l’intérêt collectif, leur rôle d’acteurs d’une vie politique équilibrée. (Déclaration de Bamako).

Espaces de contre-pouvoirs.

Le dialogue politique approfondi avec les acteurs de la société civile est reconnu comme étant essentiel à la constitution de contre-pouvoirs et donc à la consolidation des processus démocratiques. Trop souvent, dans les pays en développement, la société civile est faiblement organisée. Les syndicats professionnels, les organisations de défense des citoyens, les défenseurs des droits de l’homme, les associations de consommateurs, les groupements professionels ont peu de structures et de moyens. Ils ne peuvent efficacement jouer leur rôle de vigilance et de proposition, alors qu’ils peuvent avoir un poids non négligeable dans l’exercice de la démocratie.

Les médias  indépendants et compétents ont un rôle fondamental à jouer. L’accès à l’information est un vecteur essentiel du fonctionnement des gouvernements et des marchés, constituant un gage d’une meilleure gouvernance.

Les textes de la Francophonie l’ont souligné à maintes reprises.

Dialogue des cultures et des civilisations :

La Francophonie a sans cesse réaffirmé son attachement au dialogue des cultures et des civilisations. Dans leur Déclaration de Bucarest ( septembre 2006), les Chefs d’Etat et de gouvernement se sont déclarés «  conscients que le dialogue, la tolérance, le respect des identités dans leur diversité, l’ouverture sur autrui et la rencontre autour des valeurs communes universelles sont des facteurs d’entente et de paix pour l’humanité ».Le Sommet de Beyrouth ( octobre 2002), dont le thème principal était le dialogue des cultures, précisait que celui-ci implique le respect des différentes identités, l’ouverture aux autres et la recherche de valeurs communes et partagées. Cette conception ouverte de la diversité culturelle  était déjà affirmée lors du Sommet de Moncton et consacrée par la Déclaration de Cotonou.

Les indicateurs de la gouvernance :

 

Le principal obstacle à l’objectivation de l’évaluation de la gouvernance démocratique tient jusque là à l’absence d’indicateurs fiables et incontestables  pour la mesurer.

Des réflexions ont été entamées ici et là. Par exemple, le Haut Conseil à la Coopération Internationale (HCCI) de France a estimé (septembre 2002) que la mise en place d’indicateurs doit s’accompagner de la création ou de la saisine d’une instance politique chargée d’évaluer les résultats et de répondre aux observations faites par les représentants de la société civile.

Il s’agit d’ébaucher un profil de gouvernance afin d’évaluer la situation de la gouvernance dans un pays spécifique. Certaines institutions s’y sont employées.

Ainsi, la Commission économique pour l’Afrique (CEA) des Nations unies, a-t-elle mis au point  , entre 1999 et 2001, une série de critères et d’indicateurs permettant de calculer des « indices » de bonne gouvernance eux-mêmes rangés sous six rubriques. Il s’agissait de mesurer la qualité de la représentation politique, l’efficacité des institutions, l’Etat de droit, l’efficacité et l’étendue du pouvoir exécutif, le degré incitatif des investissements (fiscalité, partenariat public/privé ou transparence, par exemple), ainsi que le niveau de lutte contre la corruption. D’autres critères ont également été établis pour évaluer plus en détail le pluralisme politique, l’équilibre des pouvoirs, l’indépendance des partis et de la presse, la crédibilité électorale ou l’efficacité des services publics.

Le Séminaire régional « La gouvernance au Sud » (juillet 2002), avait estimé qu’il était nécessaire de proposer un nombre limité de critères de bonne gouvernance , de caractère universel et non pas spécifiques à l’Afrique,  autour de quatre exigences, à savoir la représentativité, l’alternance, la sincérité et l’honnêteté dans la distinction entre ce qui relève de l’intérêt général et ce qui relève de l’intérêt personnel.

Pour sa part , la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance ( 30 janvier 2007), énonce huit  conditions pour parvenir à la bonne gouvernance politique dans un pays : -une administration publique efficace, efficiente et soumise à l’obligation de rendre compte ;- un renforcement du fonctionnement et de l’efficacité des parlements ;- un système judiciaire indépendant ;- des réformes pertinentes des structures de l’Etat y compris le secteur de la sécurité ;- des relations harmonieuses dans la Société, y compris entre les civils et les militaires ;- la consolidation des systèmes politiques multipartites durables ; -l’organisation régulière d’élections transparentes , libres et justes ;- le renforcement et le respect du principe de l’Etat de droit. A cela s’ajoutent treize critères portant sur la bonne gouvernance économique et des entreprises.

L’Union européenne  a défini , dans un Livre blanc, cinq critères de base pour une bonne gouvernance de ses propres institutions : – ouverture et transparence, en utilisant une communication active et un langage accessible ;- participation des citoyens à tous les stades , de la conception à la mise en œuvre des politiques ;- responsabilité, permettant de clarifier le rôle de chacun dans les processus législatif et exécutif ;- efficacité des mesures qui doivent intervenir au bon moment ;- cohérence des politiques menées et des actions entreprises. A ces principes viennent s’ajouter ceux de proportionnalité et de subsidiarité.

En prenant en compte les évolutions du concept de gouvernance, et du nouveau contexte international d’une part , et d’autre part des engagements déjà pris par la Francophonie, de ses  valeurs et impératifs proclamés,  il s’agit à présent de dégager une série de critères de la gouvernance politique et économique spécifiques à l’espace francophone. Ces indicateurs, autant que faire se peut précis, peuvent servir à évaluer, en une sorte d’observatoire, les engagements auxquels veulent bien se soumettre les Etats.

Ne seront pas examinés ici les critères de gouvernance applicables à une organisation transnationale, telle que l’Organisation internationale de la Francophonie, comme l’a fait l’Union européenne qui a établi des indicateurs internes applicables à la Commission européenne

Critères pour une bonne gouvernance démocratique :

 

         Les pays et gouvernements ayant le français en partage fixent comme critères  de bonne gouvernance démocratique :

Sur le pouvoir législatif.

 

  • 1 : L’existence d’une Constitution  régulièrement adoptée par l’ensemble de la population, et dont l’application et la conformité sont vérifiés par un organe de contrôle indépendant ;

 

  • 2 : La séparation et l’équilibre des Pouvoirs  afin que les trois pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire puissent coexister harmonieusement et exercer pleinement leurs fonctions sans que les uns prennent le pas sur les autres ;

 

  • 3 : L’organisation d’élections crédibles, représentatives, transparentes, libres et justes, donnant ainsi toute légitimité aux organes élus  pour des mandats déterminés;

 

  • 4 : Une représentation politique de qualité et libre, dont l’organisation, la protection et la subsistance sont permises dans un système de multipartisme ;

 

  • 5 : La représentativité et l’indépendance des partis politiques  régulièrement déclarés et reconnus ;

 

Sur les droits de l’homme et les libertés fondamentales.

 

  • 6 : La référence, dans la Constitution et les normes supérieures du droit, aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales selon leurs critères universels ;

 

  • 7 : L’adhésion, la signature et la ratification des instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme, leur transposition en droit interne et leur respect dans tous les domaines concernés et sans restriction ;

 

  • 8 : L’indépendance éditoriale des médias (presse écrite, radio, télévision, site internet…), et la transparence de leur financement, dans le but d’assurer la liberté d’expression ;

 

  • 9 : Les garanties de création et de fonctionnement libre et indépendant des organisations syndicales représentatives ; ainsi que des Associations encadrées et protégées  par la loi ;

 

Sur le pouvoir judiciaire.

 

  • 10 : La consolidation de l’Etat de droit et la primauté du droit dans le cadre de réformes de la justice et de l’existence et la diffusion des textes législatifs et règlementaires ;

 

  • 11 : L’existence d’un système judiciaire effectivement indépendant avec une formation initiale et continue de qualité des magistrats et un mécanisme de contrôle apolitique des juges et des décisions de justice, avec des acteurs de la justice mis à l’abri de la corruption et des abus du pouvoir exécutif ;

 

  • 12 : L’accessibilité et l’égalité de tous les citoyens devant la loi et devant la Justice ;

 

Sur le pouvoir exécutif.

 

  • 13 : La réceptivité ou réactivité des autorités publiques qui se dotent des moyens et de la flexibilité voulus pour répondre rapidement à l’évolution de la société. Elles tiennent compte des attentes de la Société civile lorsque celles-ci reflètent l’intérêt général. Elles sont en mesure de procéder à un examen critique du rôle de l’Etat ;

 

  • 14 : La prospective qui permet aux autorités publiques d’anticiper les problèmes qui se posent à partir de nouvelles données disponibles et compte tenu des tendances observées. Les autorités publiques doivent également être capables d’élaborer des politiques qui tiennent compte de l’évolution des coûts et des changements prévisibles, tels que démographiques, économiques, environnementaux ou sociétaux ;

 

  • 15 : L’obligation de rendre compte des administrations publiques qui prennent l’engagement ou sont en mesure de montrer en quoi leur action et les décisions qu’elles prennent sont conformes à des objectifs précis et clairement énoncés ;

 

  • 16 : La transparence dans l’action, la prise de décision et leur mise en œuvre des administrations publiques qui sont, dans toute la mesure du possible, soumises à l’examen des autres secteurs de l’administration, du Parlement, de la Société civile et, lorsqu’elles sont créées, d’institutions et autorités extérieures indépendantes. Cet impératif de transparence fait partie de la lutte contre la corruption ;

 

  • 17 : La responsabilité, l’efficience et l’efficacité des administrations publiques qui s’attachent à une production de qualité, notamment dans les services rendus aux citoyens, et veillent à ce que leurs prestations répondent aux politiques et objectifs énoncés par les responsables de l’action politique. Il s’agit de la bonne gestion de l’éthique et de la déontologie des affaires publiques  dans l’intérêt général et non pas de celui, exclusif d’un groupe, d’un clan ou d’une tribu ;

 

  • 18 : La capacité d’évaluation des politiques menées par les pouvoirs publics et par l’administration, d’une part dans le degré de développement des instruments de régulation  (politiques, institutions, compromis sociaux), et d’autre part de leurs impacts ( réponses apportées aux exclusions sociales, aux conflits et aux revendications).Le développement d’une culture de l’évaluation est souvent l’une des conditions majeures pour avoir accès aux ressources nationales ou internationales, privées ou publiques. Elle se trouve liée à l’émergence d’une culture des résultats ;

 

 

Sur l’économie et les entreprises.

 

  • 19 : La transparence des politiques budgétaire, monétaire et financière, assurée par un code de bonnes pratiques, et l’existence de directives claires et pour la gestion de la dette publique ;

 

  • 20 : La transparence fiscale et bancaire, permettant un contrôle efficace et loyal des opérations, particulièrement des banques dans les flux financiers. Des codes de bonnes pratiques sont nécessaires.

 

 

 

CONCLUSION 

 

En évoluant de la « bonne gouvernance », condition du développement édictée à l’origine par les institutions financières internationales pour pousser les pays assistés à plus de vertu économique, à la « gouvernance démocratique » qui marque le retour du politique sur fond de démocratie et de respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le concept de gouvernance a été diversement réapproprié tant par les bailleurs de fonds institutionnels que par les autorités politiques et les sphères privées des Etats en quête de légitimité interne et internationale.

La Francophonie, dans la singularité de son approche, a, avec constance, fait référence à ce concept en lui donnant un double contenu, politique et économique, en une  acception synthétique que l’on pourrait qualifier de « bonne gouvernance démocratique ». Plongée dans un nouveau contexte international marqué par la mondialisation des échanges, et face au surprenant décollage économique des pays émergents, parmi lesquels se rangent maintenant certains pays membres de l’espace francophone, cette communauté de valeurs trouve alors l’opportunité de refonder ses engagements en faveur de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme. Afin de parvenir à la concrétisation effective de ces valeurs, un certain nombre d’objectifs et de conditions doivent être atteints ou réunis, auxquels la Francophonie a toujours adhérer pleinement, que l’on désignera, par paraphrase, par « impératifs catégoriques ».

Pour en juger et évaluer leur mise en œuvre, on peut dégager vingt critères ou indicateurs de «  bonne gouvernance démocratique », corpus d’un idéal à atteindre par tout pays ou gouvernement désirant se réclamer de la Francophonie.

 

 

 

SOURCES- BIBLIOGRAPHIE     

 

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–Paul Wolfowitz : Bonne gouvernance et développement : le moment est venu d’agir (Jakarta-Avril 2006)

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–Séminaire régional « La gouvernance au Sud » – Cotonou-OFPA- Juillet 2002

–UNESCO : Table-ronde sur Démocratie et gouvernance mondiale (Porto Alegre-Brésil- Janvier 2001

–Zacharie, Arnaud : La bonne gouvernance est-elle un préalable aux financements internationaux -2004

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