- 14 novembre 2011 -Crif
LES ETUDES DU CRIF
ONU : LA DIPLOMATIE MULTILATERALE
ENTRE GESTICULATIONS
ET COMPROMIS FEUTRES
Par Gérard Fellous
Expert aux Nations Unies
INTRODUCTION
Autant les relations entre pays –de guerre et de paix- dans le cadre de la diplomatie bilatérale, font partie de la culture des peuples et sont audibles au plus grand nombre ; autant les relations multilatérales restent mystérieuses ou même ignorées du grand public.
De toutes les institutions multilatérales, telles que l’Organisation internationale du travail (OIT) , le Fonds monétaire international (FMI) ou l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’Organisation des Nations Unies (ONU) demeure, en ce début du XXIe siècle, et après plus de soixante ans d’existence, celle vers qui se tournent les plus grands espoirs, mais aussi celle qui attire les plus acerbes critiques, elle qui est censée pacifier les relations entre 193 Etats membres.
Tel, un Janus des temps modernes, l’ONU offre d’une part le visage policé d’un forum vertueux de la négociation , des compromis obtenus dans des textes équilibrés, issus de la discrétion des chancelleries ; et d’autre part le visage rubicond d’une foire d’empoigne planétaire, caisse de résonance des gesticulations et des pressions, des faux semblants , de l’instrumentalisation de l’Organisation par des pays ou groupes d’Etats qui lui sont hostiles, comme ce fut le cas durant la Guerre froide.
Dans une première partie, nous tenterons une étude de cas qui ont mobilisé récemment la communauté internationale, en mettant en lumière le fonctionnement de l’Organisation et sa complexité, que nous avons pu examiner dans le cadre de nos fonctions.
Dans une deuxième partie, nous entrerons dans le dédale de l’ONU en mettant en évidence les progrès, les bienfaits et la structuration de la vie internationale et du droit supra national qu’elle a apportés depuis sa création.
Enfin, dans une dernière partie, nous détecterons ses manquements, ses insuffisances, ses échecs et les multiples tentatives de la réformer pour parvenir à un idéal en gestation.
Ces éléments à décharge et à charge permettront peut-être à chacun de se familiariser quelque peu avec la diplomatie internationale et de se forger une opinion personnelle sur l’ONU.
I : Trois situations significatives
Les choses ne sont jamais
si bonnes ni si mauvaises
qu’on le croit.
Klemens von Metternich
Complexes et évolutifs, le rôle, le fonctionnement et les insuffisances de la diplomatie multilatérale dans le système des Nations Unies peuvent être illustrés par trois situations internationales récentes, que j’ai vécues à l’ONU, de l’intérieur.
La première est une conférence mondiale, comme il en existe peu sur une question d’intérêt planétaire, portant sur la lutte contre le racisme et les discriminations.
La deuxième a eu pour théâtre le Conseil des droits de l’homme, à Genève, qui fit l’objet ces dernières années d’une réforme, après la faillite de la Commission des droits de l’homme.
La troisième situation concerne un dossier endémique aux Nations Unies, celui du Proche Orient et d’Israël qui mobilise les structures onusiennes, et au premier chef, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale.
Le trait commun entre ces trois situations est qu’elles réunissent paradoxalement deux aspects du système onusien : La médiatisation – certains diront la propagande- qui vise à mobiliser les opinions publiques et les peuples, en une sorte de « roulement de tambour » qui se voudrait mobilisateur ; et d’autre part, la diplomatie multilatérale menée par les professionnels des chancelleries, dans ce que l’on appelle des « négociations feutrées », faites de compromis et d’équilibres. Si les premières manifestations spectaculaires sont bien connues du grand public, les secondes sont généralement ignorées, ou sous-estimées, car peu lisibles.
Cas n° 1 : 2001 : En ce mois de septembre, de printemps dans l’hémisphère sud, la douce et calme station balnéaire de Durban, en Afrique du Sud, perd vite sa sérénité en accueillant la troisième « Conférence mondiale des Nations unies contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée ».
Le contraste est saisissant entre les quartiers « downtown » de la mégapole Johannesburg, aux rues défoncées et peu sures, à l’ombre des terrils d’anciennes mines à ciel ouvert ; le quartier huppé des gratte-ciel de Standfor ; ou l’immense concentration horizontale de Soweto, jadis explosive, aujourd’hui quadrillée de rues viabilisées, rénovées de constructions en dur avec restaurants pour touristes et visite incontournable de la maison de Mandela.
Les hôtels de curistes de bord de mer de Durban se transforment vite en quartiers généraux des délégations officielles d’une centaine de pays, ainsi que de plus de quatre mille militants de centaines d’associations, venus des quatre coins de la planète, pour certains d’entre eux en costume national. Le Centre des conférences internationales est un complexe de vastes halls mis à disposition de la conférence onusienne, mais aussi des ONG qui y organisent des manifestations parallèles ou des expositions, qui ne sont pas placées sous la responsabilité de l’ONU.
L’objectif avoué de la Haut-Commissaire pour les droits de l’homme, également secrétaire général de cette Conférence mondiale, Mme. Mary Robinson, est de constituer une vaste « alliance contre le racisme » suscitant ainsi une participation active de la société civile, des ONG nationales et internationales, des Institutions nationales des droits de l’homme, encouragés à y présenter leurs actions contre le racisme et à débattre librement. De multiples forums s’y tiennent, allant des « liens entre le Sida/VIH et la discrimination », à la traite négrière ou aux migrations internationales. Des « happenings » permanents sont organisés en marge des travaux par des « collectifs » ou des regroupements de lobbying. Apparaissent des spectacles musicaux, des meetings politiques, des défilés protestataires, au milieu d’un marché aux objets folkloriques.
Techniquement la conférence interétatique se déroule dans un bâtiment séparé : Y sont admis sur accréditation, les représentants des Etats, mais aussi, sur le modèle de la Commission des droits de l’homme de Genève, des représentants accrédités des Institutions nationales et des ONG. Le règlement de la Conférence prévoit que ces dernières « peuvent participer, à titre d’observateurs, aux délibérations de la Conférence, de tous comités ou groupes de travail sur les questions de leur compétence ». Elles sont donc admises à présenter des propositions écrites dans les différents groupes de travail, et particulièrement dans le Comité principal des résolutions.
La conférence elle-même s’ouvre dans un climat feutré et courtois. Il est vrai qu’elle avait été précédée par trois conférences préparatoires à Genève qui avaient tenté de baliser l’ordre du jour, les interventions et même un projet de résolution finale.
Mais bien vite, on devait se rendre compte que « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Le Conférence se transforme en un gigantesque forum politique où toutes les « causes » , tous les thèmes, sont exposés et défendus par une myriade d’ONG de toutes natures, accréditées ou non, véritablement « non gouvernementales » ou faussement indépendantes.
Il est une « cause » qui domine dans le brouhaha général, celle de la Palestine, qui se transforme aussitôt en acte d’accusation contre Israël, qualifié « d’Etat raciste ». Le conflit du Proche-Orient est transposé à Durban, avec la particularité qu’Israël n’y est pas présent, pas plus que des ONG pouvant défendre ses thèses. La mobilisation est unilatérale et très violente. Ses échos traversent les murs de la Conférence interétatique pour être repris par certaines délégations comme celle de Cuba, ou d’autres d’Amérique latine ou des pays arabes. La Conférence contre le racisme devient, à certains moments, une Conférence sur le Proche Orient, contre Israël. Le phénomène apparait pour certains diplomates comme étant spontané. C’était faire preuve de grande naïveté. En témoigne la présence au troisième étage du Royal Hôtel, proche du centre des expositions, d’un groupe de militants tiers-mondistes de haut niveau, mené en particulier par l’algérien Ahmed Ben Bella, qui tient une cellule d’action réunie en permanence durant les travaux de la Conférence.
Les délégations officielles des Etats s’en trouvent aussitôt paralysés, assaillies par des projets de modification de la résolution finale condamnant l’Etat d’Israël. Ils tentent de faire valoir une diplomatie traditionnelle de compromis et d’équilibre. Mais les pressions extérieures sont trop fortes et des délégations, comme celle de Cuba, menacent de faire obstruction à toute résolution finale, et donc de faire « capoter » la Conférence, ce à quoi se refuse le pays hôte, l’Afrique du sud qui, de plus, préside les travaux. Le dernier jour de la Conférence se déroule dans une atmosphère de crise. Il est minuit moins le quart, et aucun consensus pour un texte de résolution finale ne se dégage. Certains- parmi lesquels l’ambassadeur français des droits de l’homme- pensent déjà « arrêter les pendules », selon l’expression onusienne qui vise à prolonger d’un jour la date de clôture. En réalité, le bras de fer a été géré discrètement par un groupe d’Etats occidentaux qui a préparé un texte final qu’il juge acceptable, et s’apprête à accuser certains Etats perturbateurs de saboter cette Conférence mondiale, constat d’échec que veut éviter l’Afrique du sud. A minuit, cette dernière accepte de convaincre les pays africains, qui la suivent, en constituant ainsi une majorité.
La Déclaration et le Plan d’action de Durban ne désignent plus un pays –Israël- à la vindicte universelle. Il s’agissait du reste du seul pays qui devait être nommé.
Néanmoins, cet accord diplomatique réserve deux points- sur 122- au Proche Orient, en un semblant d’équilibre entre les revendications des uns et des autres :
« 63. Nous sommes préoccupés par le sort du peuple palestinien vivant sous l’occupation étrangère. Nous reconnaissons le droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination et à la création d’un état indépendant, ainsi que le droit à la sécurité de tous les Etats de la région, y compris Israël, et engageons tous les Etats à soutenir le processus de paix et à le mener à bien rapidement.
64. Nous lançons un appel en faveur d’une juste paix, globale et durable dans la région, qui permette à tous les peuples de coexister et de vivre dans l’égalité, la justice et la sécurité en exerçant les droits de l’homme reconnus à l’échelle internationale ».
Des diplomates occidentaux qui ont participé à la rédaction du texte, font remarquer que ces deux points sur le Proche Orient ne contiennent aucune « condamnation », et qu’ils n’apportent rien de nouveau par rapport aux textes antérieurs adoptés par les Nations unies. Reste que l’on ne voit pas en quoi la question du Proche Orient aurait sa place dans une conférence mondiale sur le racisme, qui n’évoque par ailleurs aucune autre situation de conflit dans le monde. Sur le terrain de la propagande et de la communication, la « manœuvre » a été présentée et perçue, dans un certain nombre de pays dans le monde, comme la condamnation d’un « Etat raciste », et pour certaines opinions publiques arabes ou latino, comme une « victoire ».
Il faut faire remarquer que la Déclaration finale de Durban comporte deux autres articles intéressants, entrant bien dans l’objet de la Conférence :
« 58. Nous rappelons que l’Holocauste ne doit jamais être oublié ;(…)
61. Nous constatons avec une profonde inquiétude la montée de l’antisémitisme et de l’islamophobie dans diverses régions du monde, ainsi que l’apparition de mouvements racistes et violents inspirés par le racisme et des idées discriminatoires à l’encontre des communautés juives, musulmanes et arabes ».
On notera que par « Holocauste » on entend « Shoa ». Par ailleurs, ici également la « technique » de la diplomatie multilatérale qui cherche des satisfactions partagées, met sur un même plan « antisémitisme » et « islamophobie », « juifs » et « musulmans et arabes », en un amalgame entre religions, races et ethnies. L’ONU en est encore à utiliser le concept de « race », ethnologiquement et biologiquement disqualifié depuis des décennies.
Pour certains occidentaux, le pire aurait été évité à Durban. Pour d’autres des traces délétères demeureront pour de longues années. Ceux qui n’ont pas obtenu victoire reviendront à la charge dans les années suivantes.
Cas n° 2 : 2009 : Au Conseil des droits de l’homme, réuni en séance plénière au Palais des Nations, à Genève (20-24 avril), le président de la République islamique d’Iran, Mahmoud Ahmadinedjad, monte le premier à la tribune, accueilli par le Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, et en présence de la Haut-commissaire aux droits de l’homme, Navy Pillay, et de l’ensemble des Etats membres de l’ONU. Plusieurs pays (Etats-Unis d’Amérique, Israël, Canada, Italie, Pologne, Pays-Bas, Australie, Nouvelle-Zélande) ont décidé de ne pas participer aux travaux.
Premier tableau: L’atmosphère est tendu, non seulement parce qu’il s’agit d’une conférence (dite Durban II) chargée d’examiner les progrès et d’évaluer la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de la Conférence mondiale de Durban sur le racisme de 2001, mais aussi et surtout du fait que le président iranien venait d’annoncer la poursuite de son programme nucléaire et de menacer de faire disparaitre Israël de la carte.
La délégation iranienne a planté soigneusement le décor : Devant la porte de la salle de la Société des Nations aux fresques art-déco. rouverte pour l’occasion, un groupe de rabbins vêtus de noirs, appartenant à la secte ultra-orthodoxe (haredim) des « Neturei Karta », répondent à la nuée de micros et de cameras qui se tendent vers eux tout au long de la matinée. Ils proclament leur antisionisme radical, prônant le « démantèlement » de l’Etat d’Israël et son remplacement par un Etat palestinien.
A l’intérieur de la salle, la partie droite est réservée à une délégation iranienne pléthorique, tandis que dans le fond, réservé aux observateurs, plus d’une cinquantaine de femmes portant foulards islamiques prennent position, se déclarant militantes d’ONG iraniennes, en réalité créées par le gouvernement, ce qui empêche toutes autres ONG de siéger. L’arrivée du président iranien est marquée par une « standing ovation ». La première partie du discours du président Hamadinedjad est réservée à une lecture révisionniste des deux Guerres mondiale du XXe siècle dont l’aboutissement aurait été, dit-il, la création, par un Conseil de sécurité de l’ONU manipulé par l’Occident, de l’Etat d’Israël, dont la disparition est réclamée : « Il est temps que l’idéal du sionisme, qui est le parangon du racisme, soit brisé », ajoute-il. Le président iranien propose également une présentation négationniste de la Shoah, qualifiée de « question ambiguë et douteuse ». Cette déclaration est aussitôt marquée par la sortie des délégations de pays de l’Union européenne dont la France, et par divers incidents de salle. Il n’en demeure pas moins que la fin de l’intervention de Mahmoud Hamadinedjad est saluée par les applaudissements des pays de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) et de pays asiatiques, tel le Sri Lanka. La réaction des pays occidentaux est résumée par un diplomate français qui déclare : « Nous n’acceptons pas que cette tribune devienne une tribune de haine. Ceux qui tiennent de tels discours, comme le président iranien, se discréditent eux-mêmes ».
Deuxième tableau : En réalité, cette mise en scène devait être l’aboutissement d’une opération diplomatique initiée dans le cadre de trois réunions du Comité préparatoire (PrepCom) de la conférence d’examen de Durban, tenues en 2008 et 2009. Ces réunions préparatoires, présidées par la Libye, avaient été le théâtre de plusieurs offensives :
Au cours de la première session (21 avril-2 mai 2008), le groupe des pays africains a plaidé pour une conférence de nature politique semblable à celle de Durban en 2001, qui avait laissé le souvenir d’affrontements idéologiques violents, de débordements antisémites et anti-israéliens. Non sans difficultés, c’est finalement l’argument de l’Union européenne qui a prévalu, d’une conférence « d’examen » des mises en œuvre des décisions de Durban, conformément au mandat initial.
Autre sujet de friction, l’accréditation des ONG qui seront présentes à la Conférence : L’Iran, soutenu par les pays de l’OCI, s’oppose à l’accréditation d’une ONG canadienne (Canadian Council for Israël and Jewish Advocacy), contrainte de se retirer, alors que de multiples manœuvres de dernière minute ont permis l’accréditation, hors délai, d’une dizaine d’ONG islamiques au cours de la deuxième session du PrepCom ( 6-17octobre 2008). L’objectif était la mise en place d’un « Forum de la société civile » parallèle à la Conférence d’examen, à l’image de celui qui avait parasité la Conférence mondiale de Durban.
Sur le fond, un projet de document final est mis en préparation : Il sera alimenté par des contributions écrites de l’OCI, de l’Union européenne et du Groupe asiatique, complétant des documents issus de conférences régionales du Groupe des non-alignés (Grulac) et du Groupe africain. La première mouture est un document démesuré de 640 paragraphes, simple juxtaposition des différentes contributions régionales, dont un certain nombre porte sur la condamnation de la « diffamation religieuse ». Aucun projet de synthèse n’a pu aboutir en 2008. La dernière session du PrepCom (15-20 avril 2009) qui se tient à quelques jours de l’ouverture de la Conférence aboutit à un texte en 143 points qui atténue la majorité des questions controversées, mais qui n’offre aucune cohérence. Le ton monte, avec une déclaration du chef de l’Etat libyen, le colonel Mouammar Kadhafi qui lance, à propos de cette conférence, que « l’islam règnera sur la planète, comme Allah l’a promis », dans la perspective de « l’universalité de la religion musulmane ».
Troisième tableau : Ces préparatifs incertains, le discours du président iranien et la menace de retrait de nombreux pays font basculer la Conférence en quelques heures.
A l’issue de tractations discrètes, le groupe africain et certains pays asiatiques se désolidarisent de l’OCI. Deux jours avant la fin des travaux une assemblée plénière est rapidement réunie dans une salle annexe. En moins de quinze minutes une déclaration finale – préparée par les chancelleries occidentales- est adoptée. Ainsi, après les propos outranciers du président iranien, et les pressions tonitruantes de l’OCI, la Haut-commissaire aux droits de l’homme pouvait-elle tirer une conclusion : « Que le document ait été adopté par tous les Etats sauf neuf (absents) a été notre réponse. C’est un succès ».
Cette Déclaration finale de Durban II efface plusieurs points de friction :
*Est supprimée toute référence explicite à un pays, Israël. Génériquement, la Déclaration appelle à s’attaquer au racisme « dans toutes les régions du monde, y compris toutes celles sous occupation étrangère ». L’allusion au « sort du peuple palestinien » disparait.
*Disparait également la notion de diffamation des religions, qui est remplacée par une condamnation des cas « d’islamophobie, d’antisémitisme, de christianophobie, et d’anti arabisme se manifestant à l’égard des personnes par des stéréotypes désobligeants et une stigmatisation fondées sur leur origine ou convictions » (para. 12). On revient ainsi aux normes juridiques internationales qui condamnent toute discrimination envers des personnes, et non pas envers des groupes, écartant ainsi pour l’heure, l’idée de pénaliser le « blasphème ».
*De plus, sont réaffirmés, d’une part « le droit à la liberté d’opinion et d’expression », qui fait partie des libertés fondamentales des droits de l’homme, et d’autre part le paragraphe consacré au devoir de mémoire de l’Holocauste, que l’Iran voulait faire disparaitre.
Les réactions de satisfaction sont quasi unanimes : Par exemple, pour le Brésil, ce document final accorde une place centrale à la personne victime de racisme, avant les politiques et les religions. Pour le Mexique, il est une réponse aux provocations qui se sont produites tant dans la salle qu’à l’extérieur. Au nom du Groupe africain, l’Afrique du sud remercie toutes les parties qui ont accepté de faire des concessions significatives.
Seules deux fausses notes se font entendre : L’OCI prône de nouveaux combats. En son nom, le Pakistan souligne que « la souplesse de l’organisation » ne signifie pas que l’OCI ait « renoncé à ses convictions ». Pour sa part, le Mouvement des pays non-alignés, représenté par Cuba, annonce que la fin du processus d’examen de Durban « ne signifie pas la fin de nos efforts collectifs ».
Quatrième tableau : Ces intentions « revanchardes » vont se manifester dans les mois et les années qui suivent, de différentes manières : Par des tentatives de modifier les normes du droit international dans le cadre des travaux d’un « Comité ad-hoc pour l’élaboration de normes complémentaires en matière de racisme » ; par une modification du mandat du Rapporteur spécial sur la liberté d’opinion et d’expression imposée par une résolution de l’OCI ; par une réécriture de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination, et du mandat du comité CERD qui en découle ; et par une reprise de l’offensive dans le cadre du Dixième anniversaire de la déclaration et du programme d’action de Durban.
Afin d’éviter de nouvelles dérives, les Nations unies changent de cadre en abandonnant le Conseil des droits de l’homme de Genève, pour l’Assemblée générale de New York. Ainsi, le point final de la Conférence mondiale sur le racisme de Durban est-il marqué lors d’une séance exceptionnelle dite de « haut-niveau » de la 66e session de l’Assemblée générale qui s’est tenue en une seule journée, le 22 septembre 2011.
Les diplomates ont déjoué quatre difficultés:
*Une session plénière d’une demi-journée, ouverte aux chefs d’Etat et de gouvernement, ne pouvait donner la parole aux plus extrémistes. Les interventions étaient réservées aux représentants des cinq groupes régionaux, à l’exclusion de l’OCI. La voix de la société civile était portée par une ONG de défense des droits de l’homme du Mississipi (USA). Dans cette configuration, l’absence de certains Etats (USA, Canada, Israël…) ne serait pas remarquée. En ouvrant les travaux, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon s’est dit conscient de l’immense controverse qu’avait suscitée la Conférence de Durban en 2001. Il prévenait : « Pour cet anniversaire, déclarons à nouveaux quelques principes fondamentaux. Ce processus est destiné à lutter contre le racisme. Nous devons condamner quiconque utilise cette plateforme pour subvertir cet effort en prononçant des discours provocateurs et haineux ». Le chef de l’ONU a réitéré son appel à lutter contre l’antisémitisme, l’islamophobie et les discriminations contre les chrétiens.
*Les trois table-ronde organisées dans l’après-midi du 22 septembre ont néanmoins permis à certains Etats, comme l’Iran ou la Chine de tenter des diversions : Pour le ministre des Affaires étrangères de la République islamique d’Iran, M. Salehi, le « territoire palestinien occupé » est victime des mêmes « humiliations, souffrances et injustice » que l’esclavage, le colonialisme ou l’apartheid sud-africain. Il estime que « les soutiens du régime sioniste raciste qui ont boycotté cette conférence sont les mêmes qui permettent que des palestiniens soient victimes de ce même Etat raciste dans les territoires occupés ». Il dénonce la « persistance de l’existence d’un Etat-apartheid dans les territoires palestiniens occupés ». Pour sa part, l’ambassadeur de la République populaire de Chine, M. Wang Min demande l’application pleine et entière de la Déclaration et du Programme d’action de Durban.
*Le règlement de l’Assemblée générale empêche toute participation d’ONG aux travaux, et évite ainsi tout « Forum » intempestif.
* Enfin, la déclaration politique finale devait être « courte et concise » selon le vœu d’une résolution préparatoire. Elle était préalablement rédigée par les chancelleries. Elle a été adoptée par consensus.
Dans son contenu, elle ne reprend aucune des questions qui firent controverses, se bornant à demander aux organes de l’ONU, et aux Etats membres d’exprimer « tous ensemble notre volonté résolue de faire de la lutte contre le racisme, ainsi que de la protection des victimes, une grande priorité ». Il n’en demeure pas moins que cette résolution de l’Assemblée générale entérine la Déclaration et le Programme d’action de Durban (2001) et le document final de la Conférence d’examen de Durban (Genève, 2009) sans y apporter de correctifs.
Ainsi, cet exercice de diplomatie multilatérale peut être lu comme « un verre à moitié plein, ou un verre à moitié vide ».
Cas n° 3 : 2011 : La 66e. session de l’Assemblée générale des Nations unies s’ouvre à New York après plusieurs semaines de campagne d’opinion palestinienne et de polémiques à propos d’une demande de « reconnaissance de l’adhésion d’un Etat palestinien ». L’autorité palestinienne appelle à « une large mobilisation en Cisjordanie, dans les camps, dans le monde arabe et dans de nombreux pays pour soutenir cette démarche aux Nations unies ». A Gaza, le porte-parole du Hamas, Sami Abou Zouhri, critique l’initiative lancée par Mahmoud Abbas, en estimant qu’elle « comporte de nombreux risques et peut constituer une violation des droits nationaux comme le droit au retour, notre droit à la résistance et à l’autodétermination ». Un certain nombre de pays membres du Conseil de sécurité tentent d’en dissuader le président de l’Autorité palestinienne, dont les Etats Unis ou la France.
Il n’en demeure pas moins que le 23 septembre, Mahmoud Abbas dépose auprès du Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki moon, une demande au Conseil de sécurité « d’adhésion de la Palestine, sur la base des frontières du 4 juin 1967, avec Al-Qods Al-Sharif comme capitale, comme membre à part entière de l’Organisation des Nations unies ». Dans son discours devant un hémicycle comble, Mahmoud Abbas, se plaçant dans la continuité de Yasser Arafat qui, en 1974, était venu à la même tribune, pistolet à la ceinture et « rameau d’olivier à la main », parle au nom « de l’Organisation de Libération Palestinienne et (du) peuple palestinien ». Il dénonce « la discrimination raciale contre notre peuple » découlant des « activités de colonisation qui constituent le cœur de la politique d’occupation militaire coloniale de la terre du peuple palestinien ». Ce discours est salué par une acclamation (standing ovation) d’une grande partie des représentations étatiques. A Ramallah, siège de l’Autorité palestinienne, c’est la liesse, la foule saluant, prématurément, cette « reconnaissance de l’Etat palestinien ».
Quelques instants plus tard, le chef du gouvernement israélien, Benjamin Netanyahu, vient, à cette même tribune, porter un jugement critique sur le système des Nations unies en faisant remarquer que c’est devant cette même Assemblée générale que « année après année, Israël est injustement condamné. Israël est plus condamné que toutes les nations du monde réunies ! 21 des 27 résolutions de l’Assemblée générale condamnent la seule véritable démocratie du Moyen –Orient ». Il souligne qu’une « organisation terroriste (…) le Hezbollah, qui contrôle le Liban, préside aujourd’hui le Conseil de sécurité de l’ONU ». Il conclut que si « à l’ONU, la majorité automatique peut décider de tout (…) la vérité est que nous ne pouvons pas obtenir la paix avec une résolution de l’ONU ». Pour Benjamin Netanyahu, « les Palestiniens doivent d’abord faire la paix avec Israël puis obtenir leur Etat ».
Rebondissement inattendu, alors que Mahmoud Abbas refuse de s’asseoir à une table de négociations immédiates dans le cadre des Nations Unies, le Hamas ouvre quelques jours plus tard des négociations avec le gouvernement israélien, par l’intermédiaire de l’Egypte et de l’Allemagne, pour parvenir, le 18 octobre 2011, à un échange de prisonniers (le soldat franco-israélien Gilat Shalit, enlevé en Israël et fait prisonnier à Gaza pendant cinq ans, contre plus d’un millier de palestiniens jugés et détenus en Israël), et cela hors de toute intervention des Nations unies ou de la Croix rouge internationale. Dans la liesse qui suit cet échange de prisonniers, le Hamas tente de démontrer qu’il est le seul interlocuteur direct d’Israël, aussi bien dans ses actions de terrorisme que dans des tractations diplomatiques. Néanmoins, pour le gouvernement israélien c’est l’Autorité palestinienne qui reste le seul interlocuteur politique, le Hamas étant, de notoriété internationale, une organisation terroriste exclue de la table des négociations.
Parallèlement, le 31 octobre, l’Autorité palestinienne obtient de la conférence générale de l’Organisation pour la culture, UNESCO, une reconnaissance du statut d’Etat- membre pour la Palestine. Le vote est acquis par 107 voix sur 194, dont la quasi-totalité des pays arabes et la France (14 contre, dont les Etats-Unis, l’Allemagne, le Canada et Israël ; et 52 abstentions, dont le Royaume Uni et l’Italie). En effet, les statuts de l’UNESCO permettent que « les Etats non membres de l’ONU peuvent être admis comme membres de l’UNESCO, sur recommandation du Conseil exécutif, par la Conférence générale votant à la majorité des deux-tiers » (art. II para.2). L’Autorité palestinienne estime que ce « précédent » à l’UNESCO, lui « ouvrirait la porte » à une reconnaissance pleine dans 16 autres agences de l’ONU, dans les prochains mois. A vrai dire, il s’agit pour l’Autorité palestinienne d’une « victoire à la Pyrrhus »[1].
Procédure d’admission d’un nouvel Etat- membre à l’ONU.
C’est le Conseil de sécurité qui examine cette demande formulée auprès du Secrétaire général. La recommandation d’admission faite auprès de l’Assemblée générale doit être approuvée par un vote favorable de 9 au moins de ses membres, sur 15, dont celui de l’ensemble des cinq membres permanents (Chine, France, Etats-Unis d’Amérique, Fédération de Russie et Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du nord). C’est l’Assemblée général qui accorde le statut d’Etat-membre par un vote majoritaire favorable des deux-tiers.
Absence de majorité ? : A cette première séquence sur la place publique succède une nouvelle phase qui, à partir du 28 septembre 2011, laisse la place à la diplomatie multilatérale. Le Conseil de sécurité[2] saisi le « Comité d’admission de nouveaux membres » de la demande de la Palestine transmise par Mahmoud Abbas qui signe : « Président de l’Etat de Palestine, Président du Conseil exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine ». Réuni à huis clos à New York, le 30 septembre (110e session), ce Comité déclare, après 40 minutes, qu’il est « incapable d’émettre une recommandation unanime au Conseil de sécurité », ce que l’ambassadeur allemand à l’ONU, Peter Wittig, traduit par : « Il n’y a pas de majorité pour l’admission de la Palestine à l’ONU ».
Les observateurs avaient noté qu’au cours des débats qui avaient précédé au Conseil de sécurité, le Brésil, la Chine, l’Inde, le Liban, la Russie et l’Afrique du Sud avaient publiquement annoncé leur soutien à la candidature palestinienne. Mais la France, la Grande-Bretagne et la Colombie indiquèrent qu’elles comptaient s’abstenir. De même probablement que l’Allemagne (qui pourrait voter contre), le Portugal et la Bosnie. Les votes du Nigeria et du Gabon restaient incertains. Les Etats-Unis avaient annoncé de longue date qu’ils s’y opposeraient, au besoin en usant finalement de leur veto.
Reste un dernier recours, en cas de vote négatif ou de veto au Conseil de sécurité, celui de la saisine directe de l’Assemblée générale par les Palestiniens, où ils trouveraient une majorité des 193 membres. Mais alors, le statut accordé ne serait plus celui d’Etat-membre, mais du passage du statut actuel « d’entité observatrice » à celui « d’Etat non-membre observateur ». La formule définitive sera décidée au plus tard à la fin de l’année 2011.
En droit international, l’ONU peut-elle créer un Etat ?
La réponse est négative. En 1947, l’Assemblée générale s’est bornée à approuver la recommandation d’un Plan de partage. L’ONU n’étant ni un Etat, ni un gouvernement, elle n’est pas habilitée à reconnaitre un Etat ou un gouvernement, seuls les autres Etats ou gouvernements peuvent le faire. En tant qu’association d’Etats indépendants, l’ONU peut admettre ou non un nouvel Etat parmi ses membres ou accréditer les représentants d’un nouveau gouvernement.
Conformément à la Charte des Nations-Unies, peuvent devenir membres de l’ONU « tous les Etats pacifiques qui acceptent les obligations de la (…) Charte et sont capables de les remplir ».
Il faut noter que le 15 décembre 1988, l’Assemblée générale avait déjà « reconnu », à une forte majorité de 104 pour, 2 contre et 36 abstentions, un Etat palestinien proclamé par Yasser Arafat à Alger en novembre de la même année. Par ailleurs, au plan bilatéral, et avant même la mise en place de l’Autorité palestinienne, de nombreux Etats avaient reconnu l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) comme un Etat. Ils avaient établi avec elle des relations diplomatiques bilatérales, et cela à la suite des accords de Washington conclus en 1993 entre Israël et l’OLP.
Si la Palestine était alors admise aux Nations unies, c’était avec un statut spécial d’observateur, et non avec celui d’Etat- membre, faute de la proclamation officielle d’un Etat doté d’une pleine souveraineté. Or l’Autorité palestinienne, présidée par Mahmoud Abbas n’a pas proclamé l’indépendance de la Palestine, car cette initiative constituerait une violation des accords d’Oslo, auxquels elle déclare rester toujours attachée. Cet « accord intérimaire » de cinq ans, signé le 13 septembre 1993 par Itzhak Rabbin et Yasser Arafat, à l’issue de la Conférence de Madrid de 1999, portait sur l’organisation de l’indépendance d’un territoire constitué par la Cisjordanie et Gaza.
Par ailleurs, l’éventualité de créer un « Etat intérimaire » peut sembler antinomique dans les termes. Il en a été néanmoins ainsi de nombreux mouvements de libération nationale, reconnus comme Etat par leurs soutiens, avant même la constitution de leurs Etats. Il en fut de même pour des « gouvernements de fait », en cas de contestations internes entre régions ou populations, comme par exemple de la République démocratique Allemande (RDA) ou des trois Républiques baltes, du temps de l’Union soviétique.
Pour certains experts de droit international public, tel le professeur Emmanuel Decaux, si la Palestine doit être reconnue par les Nations Unies, c’est avec un statut spécial d’observateur, et non celui d’Etat – membre, faute de la proclamation officielle d’un Etat doté d’une pleine souveraineté. Ainsi, les Etats non membres de l’ONU, mais membres d’une ou plusieurs institutions spécialisées, comme l’UNESCO, peuvent demander le statut d’observateur permanent. Cette décision relève de l’Assemblée générale, et non pas du Conseil de sécurité.
Ce statut relève en réalité de l’usage, car aucune disposition de la Charte n’en fait mention. Cet usage remonte à 1946, lorsque le Secrétaire général a pris l’initiative d’accepter que le Gouvernement suisse devienne « observateur permanent ». Par la suite, la Suisse a été élevée au rang d’Etat- membre, le 10 septembre 2002. Ce fut également le cas de l’Autriche, de la Finlande, de l’Italie et du Japon.
En 2001 le statut d’Etat non- membre, invité à participer en qualité d’observateur aux travaux de l’Assemblée générale et entretenant une mission permanente d’observation au siège de l’ONU, est accordé au Saint-Siège.
Le statut d’entité invitée à participer en qualité d’observateur aux sessions de l’Assemblée générale et entretenant un bureau permanent au siège de l’ONU, est déjà accordé à la Palestine. Son statut pourrait donc être remonté d’un cran, ainsi que le proposait la France.
Quelle était alors la signification politique de cette offensive de l’Autorité palestinienne à l’ONU ?
Pour des observateurs, comme le député français (UMP) Claude Goasguen : « Il ne s’agit que d’une opération de propagande. La résolution ne changera rien sur le terrain. Compte tenu des difficultés que rencontrent les « Printemps arabes », je crains que la démarche palestinienne ne fournisse aux peuples de la région l’occasion de retourner leur frustration contre Israël. Au lieu de contribuer à la paix, on est en train de créer un phénomène de brasier et de mettre le doigt dedans ».
Aux Etats unis, les Républicains suggèrent des mesures similaires à celles que le président George Bush sénior avait prises en 1988-1989, lorsque Yasser Arafat s’était adressé à l’Assemblée générale des Nations unies pour transformer le siège d’observateur de l’OLP en représentation de la Palestine. Le président américain avait alors menacé de cesser de payer la quote-part américaine dans toutes les agences de l’ONU, et de se retirer de certaines d’entre elles.
Pour certaines chancelleries, l’opération lancée par Mahmoud Abbas viserait à une consolidation de sa légitimité interne : En effet, son mandat présidentiel s’étant achevé en janvier 2010, des élections n’ont pu être organisées, depuis deux ans. Non élu, son mandat est aujourd’hui contesté par certains courants palestiniens. De plus, l’autorité de l’OLP ne s’exerce plus que sur une partie du territoire palestinien. Enfin, les négociations entre l’Autorité palestinienne et le mouvement extrémiste islamiste du Hamas ont échoué pour l’heure. Cette stratégie, si elle se révélait exacte, reviendrait à une « instrumentalisation » et à une tentative d’adoubement par les Nations unies.
De nombreux observateurs notent que les « Printemps arabes », dans leurs phases initiales, n’ont plus désigné Israël comme étant « l’ennemi fédérateur » de la Oumma. La solidarité avec le mouvement palestinien parait alors se distendre, aussi bien au sein de la Ligue arabe, que dans le concert de l’Organisation de la conférence islamique (OCI). Il en résulte une stratégie d’utilisation du multilatéralisme pour relancer le mouvement fédérateur d’hostilité envers Israël.
Le Proche Orient, terrain historique de la diplomatie onusienne.
Rappelons qu’au lendemain même de la création de l’Organisation des Nations Unies, le Royaume-Uni introduisait la « question de Palestine », qui était confiée à une Commission spéciale de 11 membres, constituée à la première session de l’Assemblée générale, en avril 1947.
La deuxième session de l’Assemblée générale adopte, le 29 novembre 1947, la résolution 181, sur le rapport de la commission ad hoc chargée de la question palestinienne. Celle-ci organise, avec précision, la transition entre la fin du mandat du Royaume –Uni, au 1 er. Aout 1948 et la mise en place, sous l’autorité du Conseil de sécurité, d’un « plan de partage avec union économique » entre deux Etats, l’un dénommé « Etat arabe », l’autre « Etat juif », avec un statut particulier pour « la Ville de Jérusalem ». De plus, l’Assemblée générale crée la « Commission des Nations unies pour la Palestine », chargée d’appliquer ses recommandations, et demande au Conseil de sécurité de prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre le Plan de partage.
L’Agence juive accepte cette résolution, bien qu’elle ne fût pas satisfaisante sur des questions comme l’immigration juive d’Europe, ou les limites territoriales imposées à l’Etat juif proposé.
Le plan de l’ONU est aussitôt rejeté par les arabes de Palestine, les Etats arabes limitrophes, et la Ligue arabe. L’autorité des Nations unies est rejetée au nom du « droit de chaque peuple de décider de son propre destin », et du refus de « tout plan prévoyant la dissection, la ségrégation ou le partage de notre pays, ou accordant des droits et un statut spéciaux et préférentiels à une minorité ».
Ce rejet est accompagné d’une guérilla menée par les arabes palestiniens, qui amena le Conseil de sécurité à convoquer d’urgence une Assemblée générale (16 avril au 14 mai 1948). Le 23 avril de la même année, il créa une Commission de trêve chargée d’un cessez le feu. De plus, l’Assemblée générale releva la Commission sur la Palestine de ses responsabilités et décida de nommer un médiateur chargé de promouvoir un règlement pacifique, en coopération avec la Commission de trêve. La médiation est confiée au comte Folke Bernadotte.
A peine le Royaume –Uni eut-il mis fin à son mandat et désengageait ses forces, les juifs de Palestine proclamèrent, le même jour, le 14 mai 1948, l’Etat d’Israël sur le territoire qui lui était alloué par le Plan de partage des Nations unies.
Le lendemain, les troupes des Etats arabes voisins pénétrèrent sur le territoire israélien, marquant leur refus des dispositions onusiennes.
Les Nations unies n’abandonnèrent pas pour autant leur rôle de maintien de la paix : Une première tentative était faite par le Conseil de sécurité, quelques jours après l’invasion arabe, pour obtenir, le 29 mai 1948, une trêve de quatre semaines. Entrée en vigueur le 11 juin, elle fut supervisée par le médiateur des Nations unies, avec le concours d’un groupe d’observateurs militaires internationaux qui, par la suite, prit le nom d’ « Organisme des Nations unies chargé de la surveillance de la trêve en Palestine » (ONUST). En dépit des efforts de l’ONU, les armées arabes reprirent les combats le 8 juillet.
Dans une résolution du 15 juillet 1948, le Conseil de sécurité ordonna un nouveau cessez-le-feu, déclarant que toute inobservance serait considérée comme une rupture de la paix, qui exigerait immédiatement des mesures coercitives, conformément au chapitre VII de la Charte. Alors qu’il poursuivait ses négociations, le comte Bernadotte était assassiné le 17 septembre 1948, à Jérusalem. La médiation fut reprise par Ralf Bunche.
Le 11 mai 1949, Israël devenait membre de l’ONU. En admettant Israël, l’Assemblée générale prenait expressément acte des déclarations et explications qu’Israël avait fournies devant la Commission politique spéciale, en ce qui concerne les résolutions et recommandations onusiennes.
C’est sous les auspices des Nations unies que des accords séparés d’armistice furent signés, de février à juillet 1949, entre d’une part Israël, et d’autres parts, l’Egypte, la Jordanie, le Liban et la Syrie. En aout 1949, le Conseil de sécurité mandatait les observateurs de l’ONUST pour le contrôle de l’armistice.
Sur le strict plan du maintien de la paix, l’ONU estima avoir joué son rôle, alors que l’une des deux parties au Plan de partage lui avait contesté toute légitimité. La solution guerrière des arabes n’ayant pas porté ses fruits, l’offensive était relancée devant les Nations unies dès la troisième session, avec la résolution 194, du 11 décembre 1948 « définissant les modalités de règlement du problème palestinien », en particulier à propos du retour et de l’indemnisation des palestiniens qui espéraient revenir à l’issue d’une victoire militaire arabe. D’une certaine manière, cette résolution 194 visait à donner satisfaction aux Arabes qui avaient rejeté la résolution 181, en mettant seulement l’accent sur la question du retour des réfugiés palestiniens.
- Enfin, le conflit israélo-palestinien se caractérise aux Nations unies par une inflation peu commune de structures d’intervention et de condamnations d’une seule partie, dans des résolutions prises aussi bien au Conseil de sécurité qu’à l’Assemblée générale ou au Conseil des droits de l’homme :
Le Conseil de sécurité a non seulement adopté de multiples résolutions sur la situation au Proche Orient, mais il a également dépêché des observateurs militaires et déployé des forces de maintien de la paix dans la région pour tenter de réduire les tensions et séparer les belligérants. Par ses résolutions 242 (1967) et 338 (1973), il a esquissé les principes de base d’un règlement pacifique, connus sous la formule « d’échange de territoires contre la paix ».
A l’Assemblée générale, en 17 ans, c’est-à-dire entre 1994 et 2010, Israël a été condamné par 31 résolutions ou décisions, soit une moyenne de 2 à 3 par session, avec une pointe de 5 à la session (51e) de 1997 .
Au Conseil des droits de l’homme, en seulement 6 ans (entre 2006 et 2011), Israël a été condamné par 53 résolutions, soit une moyenne de 8 par année.
Deux organismes permanents dédiés ont été mis en place dans le système onusien :
*Le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, créé le 22 novembre 1974 (résolution 3236) par l’Assemblée générale est chargé d’intervenir dans les domaines de « l’autodétermination sans ingérence extérieure, de l’indépendance et de la souveraineté nationale, et du retour des Palestiniens dans leurs foyers et vers leurs biens ». En 2011 il se compose de 22 membres dont, l’Afghanistan, l’Afrique du sud, Cuba, l’Indonésie, le Pakistan ou la Turquie, avec 26 observateurs, dont la Ligue arabe, l’Organisation de la conférence islamique, et l’OLP (depuis 1976). Le bureau est co-présidé par le représentant permanent d’Afghanistan.
*La Division des droits des Palestiniens, a été créé en 1975 pour « informer l’opinion publique dans le monde afin d’assurer le respect de ces droits » et d’assister le Comité. Elle est en particulier chargée de « planifier et organiser le programme de séminaires et colloques régionaux et réunions internationales d’ONG ».
Relevons qu’Israël, contrairement à des Etats hostiles aux Nations unies, comme la Birmanie, la Corée du nord, ou l’Iran, a signé et ratifié les textes onusiens, en particulier ceux relevant du chapitre IV des droits de l’homme : pactes, conventions, protocoles facultatifs et amendements, soit 26 instruments internationaux. Il a soumis ses rapports périodiques à sept organes de contrôle des Nations unies, tels que ceux relatifs à la Convention contre la torture et les traitements inhumains ou dégradants, le Comité international des droits civils et politiques, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de racisme, ou la Convention des droits de l’enfant.
Il faut enfin relever que, dans le même temps où le Conseil de sécurité était saisi de la demande de « reconnaissance » d’un Etat palestinien, l’instance décisionnaire de l’ONU restait muette face aux soulèvements populaires et à la répression faisant plus de 3 000 morts et des milliers de blessés en Syrie. La Chine et la Russie, avec l’assentiment de l’Inde, du Brésil et de l’Afrique du sud, opposèrent leur veto à toute résolution imposant des sanctions au régime de Damas. (A METTRE A JOUR A LA PARUTION ?)
De son côté le gouvernement libanais, sous la pression du Hezbollah- rejetait les conclusions du Tribunal pénal des Nations unies sur l’assassinat de Rafik Hariri, au prétexte que ce pays souverain refuse « toute ingérence étrangère ».
Comment déchiffrer les procédures et les règles qui s’imposent aux Nations Unies ?
Comment interpréter cette ambivalence dans l’action des Nations Unies ?
II : Les acquis des Nations Unies
Multilatéralisme et droit international.
Je crois que l’humanité ne doit pas
désespérer de son avenir.
Le seul danger, c’est que l’on soit blasé
devant les horreurs.
La raison permettra de bâtir un monde plus juste.
René Cassin
La légitimité historique et les évolutions
Les relations internationales sont historiquement décrites comme faisant partie d’un « état de nature », c’est-à-dire d’un monde anarchique , et cela compte tenu du fait qu’il n’existe pas de supra-gouvernement des affaires universelles , de pouvoir central planétaire ou d’instance supérieure de contrôle de l’autonomie des Etats. Cet « état de nature » est décrit par Thomas Hobbes comme étant un monde où chacun dispose du droit absolu de recourir à la force pour se faire lui-même justice.
Mais, dans la réalité des relations internationales au cours des siècles antérieurs, sont apparus des rapprochements entre Etats se reconnaissant dans des intérêts communs- hégémoniques ou défensifs- des sortes de stratégies coopératives visant à réduire les effets pervers de l’anarchie, et à limiter ou à repousser le recours à la guerre, durant des périodes de paix plus ou moins éphémères.
Les philosophes des Lumières ont conceptualisé un ordre mondial où la guerre ne serait plus un recours inéluctable : Ils ont opposé à une vision pessimiste de la condition humaine et de ses instincts barbares, un idéalisme de la recherche de la paix, comme étant un but en soi, en développant le concept d’universalité capable de changer, ou de brimer, les instincts destructeurs des Hommes. Pour Michael Howard[3] , la paix imaginée par les penseurs des Lumières a été une aspiration commune à de nombreuses philosophes dans l’histoire de l’humanité, mais c’est seulement depuis 1789 que les leaders politiques des Etats la considèrent comme un objectif réalisable.
Ainsi né le multilatéralisme qui postule que les rapports interétatiques peuvent être régis par la rationalité, en une paix perpétuelle qu’Emmanuel Kant (1795) rend possible par l’établissement d’un « Pacte social » entre Etats.
A l’anarchie et aux rapports de force et de puissance peut ainsi se substituer un « état de droit universel », régissant les droits et obligations des Etats souverains. Le multilatéralisme se bâtit dès lors sur le principe que l’ordre ne surgit pas de lui-même, mais doit être construit, contre l’état de nature.
Ce multilatéralisme prend son essor dès la période classique, lors des négociations des grands traités internationaux qui vont fonder les ordres européens successifs, de la paix de Westphalie (1648), au Congrès de Vienne (1814). Ce système, limité durant le XIXe siècle aux Etats européens, trouve sa logique dans l’intensification des échanges économiques et la nécessité d’un système de coopération stable et prévisible interétatique avec la création, par exemple, d’une Union du Télégraphe International (1865) ou de l’Union Postale Universelle (1874).
Mais c’est au début du XXe siècle que le multilatéralisme prend effectivement son essor[4]. Alors que les Congrès des siècles précédents se séparaient, dès leur mission remplie, le nouveau multilatéralisme s’est développé dans des structures internationales pérennes. Au multilatéralisme économique vient s’ajouter un multilatéralisme politique à partir de la création de la Société des Nations (SDN) en 1919, et de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). C’est sur le désastre de la Première guerre mondiale de 1914-18 que le président américain Woodrow Wilson lance le projet de SDN, dont le Congrès des Etats-Unis refusera du reste la ratification dans un premier temps. Le multilatéralisme de la SDN, créée en 1919, et plus tard de l’ONU, s’inspire d’une tradition universaliste, idéaliste, libérale et démocratique de l’Occident qui, d’une part favorise le développement du commerce et de la prospérité des peuples, et d’autre part facilite la négociation politique. Celle-ci part du principe que l’échange d’informations, la multiplication des rencontres formelles et informelles entre gouvernements, la concertation et la recherche de solutions négociées, permettraient de régler les différends et de préserver la paix.
Dès le début de la Seconde guerre mondiale, il s’avère que la SDN est incapable d’éviter le déferlement de la barbarie nazie. A Genève, pendant toutes les hostilités, pas plus l’Assemblée générale que le Conseil de sécurité ne surent, ou ne purent se réunir. Le secrétariat de l’institution fut réduit à sa plus simple expression, et fut transféré, pour partie, en Amérique du Nord. La Société des Nations était morte sur les cendres d’Auschwitz.
Paradoxalement ce terme de « Nations unies » entre pour la première fois sur la scène internationale , à l’occasion de la « Déclaration des Nations unies », du1er janvier 1942 par laquelle, dans le sillage des Etats Unis, de l’Union soviétique et de la Chine, 22 autres pays s’engagent à poursuivre ensemble l’effort de guerre contre les puissances de l’Axe (Rome-Berlin-Tokyo), et à ne pas signer de paix séparée. Cette alliance s’inspirait de la Charte de l’Atlantique.
Au printemps 1945, se tenait la Conférence de San Francisco, point d’orgue de la mobilisation mondiale en faveur d’une organisation internationale dédiée au rétablissement et au maintien de la paix. 50 pays y prirent part, représentant environ 80 % de la population du globe. Le principal objectif était, conformément aux propositions de la conférence de Dumbarton et de Yalta, de rédiger et d’adopter une Charte universelle.
Parallèlement s’élabore un système monétaire et financier international avec les accords de Bretton Woods (juillet 1944) et la création du GATT (General Agreement on Trade and Tarrifs-octobre 1947) dont la dynamique repose sur le mécanisme de la « clause de la nation la plus favorisée », étendant les avantages concédés de manière bilatérale par un Etat à un autre Etat, à l’ensemble des autres partenaires commerciaux.
C’est à la Conférence de Yalta, du 11 février 1945, que les chefs de gouvernement des trois grandes puissances, réunis pour régler l’après-défaite du IIIe Reich (Joseph Staline –Union Soviétique ; Winston Churchill- Royaume Uni ; Franklin D. Roosevelt- Etats Unis) décidèrent de créer un nouvel organisme suppléant le rôle défaillant de la SDN. Celle-ci se réunit en Assemblée générale une dernière fois en 1946, pour déclarer sa dissolution, et transférer ses structures à l’Organisation des Nations Unies (ONU).
La Charte des Nations unies est entrée en vigueur le 24 octobre 1945, à l’issue de quatre années de préparation et de six conférences internationales, allant de la Déclaration du palais de Saint-James (12 juin 1941, à Londres) à la Conférence de San Francisco.
Les bases de l’Organisation des Nations Unies jetées, le minimum d’accord idéologique entre les Alliés vainqueurs, de l’Est et de l’Ouest devait vite disparaitre. L’ONU entra aussitôt dans un « période de glaciation », avec la Guerre froide, schisme qui se détendit dès 1966 avec la reprise des négociations sur les grands traités internationaux. Pendant cette période, les conflits qui, dans leur grande majorité résultaient d’une lutte d’influence entre les deux blocs, étaient réglés en dehors de la communauté internationale, tant bien que mal, par les protagonistes eux-mêmes. Le Conseil de sécurité était paralysé, ou détourné comme en novembre 1967, dans la résolution 242 suite à la guerre des Six jours, qui offrait deux versions incompatibles afin de satisfaire l’Est et l’Ouest (évacuation des ou de territoires…). Les seuls consensus obtenus concernèrent, en 1966, la condamnation de la proclamation unilatérale de l’indépendance de la Rhodésie du Sud, et les sanctions contre l’apartheid en Afrique du Sud.
Une synthèse entre paix et droits de l’homme a été tentée dans l’Acte final d’Helsinki, du 1er aout 1975, adopté dans le cadre de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE). Pour certains, ce « marché de dupes », conclu en dehors des Nations unies, eut néanmoins le mérite de briser les frontières opaques du glacis soviétique.
Parallèlement, l’ONU se trouva confrontée à la gestion du vaste mouvement de la décolonisation déclenché dès les années 1950. Du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », né le Mouvement Tiers-Mondiste mené en particulier par Nasser et Tito.
Il fallait attendre 1990, et la chute du Mur de Berlin, pour que les Nations Unies reprennent réellement leur rôle. Significativement, il y eu en dix ans, entre 1990 et 2000 autant de résolutions adoptées par le Conseil de sécurité que durant les quarante-cinq premières années de son existence. L’intervention militaire sous mandat de l’ONU est relancée avec la résolution 678 du 29 novembre 1990 condamnant à l’unanimité l’invasion du Koweït par l’Irak de Saddam Hussein. Par ailleurs, les Tribunaux pénaux internationaux virent le jour dans le cadre du maintien de la paix promu par le chapitre VII de la Charte.
Le processus du multilatéralisme prit une forme constante dans la seconde moitié du XXe siècle: Face à une crise ou à un problème qui se pose, une conférence internationale est convoquée dont les décisions exigent un suivi dans le temps. Est créée alors une nouvelle organisation permanente. Ainsi par exemple de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, réunie à Helsinki en 1973, qui donna naissance en 1994 à l’organisation du même nom, l’OSCE.
Un paysage géopolitique redéfini.
Dans la période contemporaine, les Nations unies sont confrontées à un nouveau type de conflit, l’amenant à mettre en place une « coalition anti-terroriste » contre des belligérants diffus, invisibles ou parfois inconnus. Ainsi, en plus des conflits idéologiques ou territoriaux, l’ONU se trouve confrontée à des conflits religieux ou inter-ethniques, face au relativisme culturel et religieux qui remet en cause son universalité. (Voir en troisième partie)
Après la polarisation Est-Ouest, puis Nord-Sud l’ONU est soumise aujourd’hui à des rapports de force entre au moins quatre blocs : Celui des pays développés, celui des Etats émergeants, celui des pays pauvres dits en voie de développement, et celui des Etats confessionnels islamiques. Les clivages ne sont plus idéologiques ou géographiques, mais essentiellement économiques ou religieux. Transversalement à ces catégories, trois types de gouvernance se cristallisent : les démocraties, les démocraties en transition, et les Etats dictatoriaux, autoritaires ou théocratiques. Les frontières entre ces différents groupes ne sont pas figées et restent perméables dans les négociations multilatérales qui peuvent être engagées.
Que les régimes les plus violateurs tiennent à siéger à l’ONU, procède d’une volonté de camouflage de leurs turpitudes ou d’une recherche de respectabilité, ce que l’ambassadeur Jean-Marie Soutou appelait « l’hommage du vice à la vertu ».
Le multilatéralisme institutionnel du XXIe siècle.
Depuis la création de la SDN et jusqu’à ce jour, persiste la conviction qu’une diplomatie multilatérale conduite « sur la place publique » serait mieux à même de préserver la paix que la traditionnelle « diplomatie secrète ». C’est pourquoi les débats au sein des Nations Unies sont publics, au risque de se ternir « pour la galerie », avec force roulements de tambours et d’exploitation médiatique en une période où le paraître serait plus important que l’être et où les stratégies de communication prévalent sur les positionnements politiques, tentant de modifier artificiellement les rapports de force.
Mais en réalité, et dans bien des cas tels ceux évoqués dans la première partie de cette étude, de nombreuses séances de l’Assemblée générale ou du Conseil de sécurité de l’ONU sont précédées ou suivies de pourparlers discrets entre chancelleries ou de négociations confidentielles qui reprennent leurs droits.
Le ministère français des Affaires étrangères et européennes ne manque pas de souligner à ce propos que la diplomatie multilatérale est en réalité plus collective que parlementaire ; les assemblées plénières qui réunissent toutes les délégations, parfois en public, ne font en général qu’entériner le résultat de tractations en coulisse entre groupes de pays, réunis par des affinités diverses et à géométrie variable, forums où les diplomates trouvent à exercer leur ingéniosité et leur sens du compromis au-delà des crispations idéologiques.
Par nature, le multilatéralisme est un système de relations interétatiques[5] qui ne veut pas dire gouvernance globale, c’est-à-dire régulation supra-étatique ou transnationale. Il ne s’agit pas plus d’une aspiration à une démocratie mondiale, compte tenu en particulier du fait que les Nations Unies accueillent en leur sein relativement peu de pays ayant un régime politique réellement démocratique. Il n’en demeure pas moins que la « contagion » démocratique et l’effondrement des dictatures puissent advenir[6], mais indirectement, en dehors des structures multilatérales. La tendance serait plutôt que le multilatéralisme viserait à conserver le statu quo des régimes des Etats -membres.
Toutefois, ainsi que le souligne G. John Ikenberry[7], la complexification des relations internationales contemporaines rend inévitable le renforcement du multilatéralisme. En effet, dans un monde globalisé où l’interdépendance des Etats s’accroit, aucune puissance, fut-elle dominante, ne peut espérer résoudre à elle seule tous les défis. Et cela pas seulement en matière de menaces sur la paix et la sécurité internationale, mais également au regard de la prolifération des armes nucléaires, des crises économiques et financières, des menaces environnementales, des accès aux ressources énergétiques, de la lutte contre la pauvreté ou contre les catastrophes humanitaires.
Alors que le monde bipolaire a disparu avec la chute du communisme, et que la puissance des Etats-Unis ne prétend pas régir un monde qui voit l’émergence de puissances telles que l’Inde, le Brésil ou la Chine, l’avenir du multilatéralisme évolue vers un moyen, pour l’ensemble des Etats, faibles ou puissants, de faire entendre leur voix pour peser dans les négociations. Se met progressivement en place un mécanisme de « persuasion du faible au fort », comme le disait la diplomatie française, incitant à la création de coalitions stables – comme l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) ou conjoncturelles, dans le cadre de la formation d’un monde multipolaire.
Situé à l’intersection de la coopération volontaire et de l’anarchie internationale, le multilatéralisme demeure un mécanisme, il est vrai encore imparfait, de régulation des relations interétatiques, autour de certaines valeurs, communes aux intérêts nationaux. Ainsi que Raymonde Aron[8] c’était attaché à le démontrer, il n’existe pas d’instance supérieure aux Etats, détentrice du monopole de la violence légitime, selon l’expression de Max Weber.
Les objectifs de l’ONU.
La Charte des Nations Unies est proclamée au nom des « peuples des Nations Unies » et non pas des Etats signataires, mais leur fait obligations. Son préambule la situe clairement dans l’histoire contemporaine en « préservant les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances ».
Cette Charte s’articule autour de quatre principes fondateurs :
*Son premier objectif est de « maintenir la paix et la sécurité internationale » (préambule). Les Etats-membres prennent l’engagement de régler « leurs différends internationaux par des moyens pacifiques » (art.2-3)), et de s’abstenir « dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force » (art. 2- 4). Tout Etat-membre qui ne remplit pas « loyalement ses obligations à l’égard de l’Organisation » peut-être suspendu de ses droits, voire exclu de l’ONU. Les obligations de la Charte s’appliquent également aux Etats qui ne sont pas membres de l’ONU « dans la mesure nécessaire au maintien de la paix et de la sécurité internationales » (art.2-6)
*Deuxième principe, la Charte donne mandat à l’ONU de régler les conflits selon des procédures d’arbitrage et de médiation déclinées dans son chapitre VI. Mais également elle limite et encadre le recours à la force pour régler les conflits selon des modalités précisées dans son chapitre VII, y compris d’ordre militaire dans le cadre d’opérations de maintien de la paix. En complément de ces mesures contraignantes, la Charte autorise la mise en place de sanctions économiques et financières contre des Etats récalcitrants.
*Le troisième principe de la Charte fixe à l’ONU la tâche de « réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humaniste ». Ainsi, on pourrait avancer qu’au nom de la paix, l’ONU aurait lancé un processus qui accompagnera, 60 ans plus tard, la « mondialisation ».
*Cette Charte, dans son quatrième principe fondateur, attire prioritairement l’attention sur « le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Cet engagement est mis en œuvre, dès la première Assemblée générale tenue en janvier 1946, à Londres, par la création d’une commission chargée de préparer la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), dont René Cassin sera l’un des protagonistes principaux
Les structures onusiennes
Passant des 51 pays qui fondèrent l’institution en 1945, à 193 Etats membres en 2011, l’ONU a accueilli tous les pays créés depuis, en particulier dans le cadre du vaste mouvement de décolonisation, mais aussi des recompositions territoriales. A son ambition d’apporter des solutions à un certain nombre de situations conflictuelles naissantes, et de maintenir la paix, autant que faire se peut, l’ONU poursuit sa vocation de forum universel de ses Etats- membres qui trouvent tribune pour exprimer leurs opinions, leurs suggestions sur les « affaires de la planète », à égalité d’expression (un pays, une voix) depuis les plus petits territoires, jusqu’aux grandes puissances.
Cette expression, pas toujours apaisée, se manifeste dans le cadre des structures mises en place, allant de l’Assemblée générale et de ses organes exécutifs, du Conseil de sécurité et du Conseil économique et social (ECOSOC), jusqu’à la multitude des instances et comités spécialisés. Depuis 1945 son champ d’intervention s’est considérablement accru englobant des thématiques telles que le désarmement et la non-prolifération nucléaire, le déminage, la démocratie, les droits de l’homme, le développement durable et la protection de l’environnement, l’action humanitaire et la lutte contre les catastrophes naturelles, les réfugiés et déplacés, le racisme et les discriminations, la torture et les traitements inhumains et dégradants, l’égalité des sexes et la promotion des femmes, la défense des enfants, la santé publique, la production alimentaire, la famine, le développement économique et social, entre autres.
Les structures et le fonctionnement de l’ONU sont complexes et protéiformes. On se bornera en en citer ici l’organigramme général ainsi que les principales ramifications :
La Charte établit six organes principaux : L’Assemblée générale ; le Conseil de sécurité ; le Conseil économique et social ; le Conseil de tutelle ; la Cour internationale de justice ; et le Secrétariat.
L’Assemblée générale, principal organe délibérant est composé des représentants de tous les Etats membres. Elle se subdivise en sept Commissions principales, dont la Commission de consolidation de la paix, la Commission de droit international ou la Commission de droit commercial international. Se trouvent sous son autorité des organes subsidiaires parmi lesquels 17 Comités, 13 comités spéciaux créés par des résolutions et 3 comités consultatifs. S’y ajoutent 2 Conseils, dont le Conseil pour les droits de l’homme ; ainsi que des Groupes de travail et 5 Groupes d’experts. Sont rattachés à l’Assemblée générale, 11 Programmes et Fonds des Nations Unies, parmi lesquels on peut citer : Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), ou le Programme alimentaire mondial (PAM). Sont également sous l’autorité de l’Assemblée générale, six Instituts de recherche et de formation.
Lorsque le Conseil de sécurité est créé, chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales, il se dote d’un noyau-dur de cinq membres permanents, les « Grandes puissances » : Etats-Unis, Union soviétique, Chine, Royaume uni et France, dont l’unanimité des décisions n’est pas requise, contrairement au Conseil de la SDN, mais détenteurs d’un « droit de veto ». L’ONU ne se dote pas de forces armées, mais fait appel à des Etats membres les invitant à intervenir militairement, sous son couvert, comme lors de la guerre de Corée ou du maintien de la paix dans l’ex-République de Yougoslavie. Le second « bras armé » dont se dote l’ONU réside dans les sanctions diplomatiques et économiques qu’elle peut décréter contre un Etat, engageant l’ensemble des Etats membres.
Le Conseil de sécurité est composé par la suite de 15 membres, dont les 5 permanents d’origine et 10 élus par l’Assemblée générale tous les deux ans, représentant les grandes régions. En 2011 et 2012 on y trouvera par exemple, le Pakistan, l’Inde, l’Afrique du Sud, le Liban, le Maroc, la Colombie ou l’Allemagne.
Il est doté d’un organe consultatif, la Commission de consolidation de la paix ainsi que de 11 organes subsidiaires, parmi lesquels on pourrait citer le Comité contre le terrorisme, le Tribunal pénal international pour le Rwanda, le Comité des sanctions ou le Groupe de travail sur les enfants et les conflits armés.
Le Conseil économique et social (ECOSOC), est l’organe principal de coordination des activités de l’ONU et de ses agences et institutions spécialisées, dans les domaines économique et social. Ses décisions sont prises à la majorité simple de ses 54 membres renouvelés tous les trois ans, selon une répartition géographique équitable. Le mandat de la France vient à échéance fin 2011.
Lui sont rattachées 9 commissions techniques, dont par exemple la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale, la Commission de la population et du développement, ou la Commission de la condition de la femme. Cinq commissions régionales relèvent également directement de l’ECOSOC, de même que 3 comités permanents, dont par exemple le Comité chargé des organisations non gouvernementales. Il faut ajouter 8 groupes d’experts, gouvernementaux ou indépendants, traitant par exemple des normes internationales de comptabilité ou de la coopération internationale en matière fiscale.
Quatrième organe principal des Nations Unies, la Cour internationale de justice, qui siège à La Haye (Pays Bas), est l’institution judiciaire principale. Elle règle les différends d’ordre juridique entre les Etats, et non pas entre particuliers.
Autre organe principal créé en 1947, le Secrétariat, conduit par le Secrétaire général des Nations unies, s’acquitte de la mise en œuvre de multiples décisions depuis l’administration des opérations de maintien de la paix, jusqu’aux observations des tendances économiques et sociales, en incluant les réactions à l’actualité internationale.
Enfin, il faut citer le Conseil de tutelle qui a achevé sa mission en 1994 lorsqu’a pris fin la surveillance internationale de 11 territoires sous tutelle, placés sous l’administration de 7 Etats membres. Il était chargé de prendre des mesures afin que ces territoires puissent acquérir leur autonomie ou leur indépendance, comme par exemple le Kosovo ou les îles Palaos.
Vingt-quatre de ces institutions onusiennes sont exclusivement dédiées au maintien de la paix et de la sécurité, parmi lesquels 8 organes, dont par exemple l’Equipe spéciale de lutte contre le terrorisme ou le Bureau des affaires spatiales. Il faut y ajouter 11 organismes thématiques, comme l’assistance électorale ou la protection contre les actes d’exploitation et d’abus sexuels.
A ce dispositif il faut ajouter 28 institutions spécialisées, fonds et organisations faisant partie du système onusien. On citera par exemple, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), l’Organisation internationale du travail (OIT), le Fonds monétaire international (FMI) , l’Union internationale des télécommunications (ITU) , l’Organisation pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), l’Union postale universelle (UPU) ou la Banque mondiale, avec ses deux organes, la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) et le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (ICSID).
Le cas spécifique du Conseil des droits de l’homme
Le Conseil des droits de l’homme (CDH) est né en mars 2006 de la réforme de la Commission des droits de l’homme qui souffrait d’inefficacité et d’une politisation extrême de ses débats et de ses actions. Le nouvel organe est directement rattaché à l’Assemblée générale de l’ONU (et non plus à l’ECOSOC). Afin de tenter de le rendre plus efficace et plus réactif, il est chargé d’un suivi quasi-continu de la situation des droits de l’homme dans l’ensemble du monde.
Il est composé de 47 Etats membres-votants, élus pour trois ans, selon une répartition géographique équitable, qui ne peuvent siéger durant plus de deux mandats consécutifs. Des représentants d’ONG accréditées participent aux travaux en qualité d’observateurs.
L’examen périodique universel permet une évaluation de la situation des droits de l’homme, tous les quatre ans, pour chacun des 194 Etats-membres des Nations Unies. De plus, plusieurs procédures et mécanismes extra-conventionnels, dits « procédures spéciales » sont confiées à des rapporteurs spéciaux ou à des experts indépendants afin d’examiner la situation des pays ou de faire des recommandations sur des thèmes (femmes, enfants, torture…). Enfin, le CDH assure le suivi de l’application du droit international des droits de l’homme. Il reçoit en particulier des plaintes individuelles ou d’organismes qui portent à sa connaissance des violations.
Les principes onusiens
Tous les éléments de cette structure onusienne sont adossés à des principes communs :
La souveraineté des Etats : Dans son article 2, la Charte de l’ONU stipule qu’ « aucune disposition (…) n’autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un Etat » (para. 7).
Dès ses premiers pas, l’Organisation des Nations Unies se heurte à l’argument de « souveraineté » des Etats, certains refusant toute contrainte venue de la communauté internationale, qu’ils n’aient pas acceptée préalablement. Rappelons que la norme internationale du principe de souveraineté étatique et de non-intervention d’un Etat dans les affaires d’un autre a été établie dès 1648 par le traité de Westphalie, et prévaut toujours. Pour autant, il incombe à chaque Etat de protéger ses citoyens et d’œuvrer pour leur bien-être. Les manquements à cet engagement ont fait que le respect de cette obligation s’est trouvé au cœur de la Charte des Nations Unies, et de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH). Dès 1947 René Cassin écrivait : « On ne peut plus admettre que, comme ce fut le cas en 1933 pour l’Allemagne, l’Etat interpose un écran impénétrable entre l’être humain et la communauté internationale qui veut le protéger, écran que le jugement du tribunal international de Nuremberg n’a pas osé crever pour châtier les « crimes contre l’humanité » commis avant la guerre de 1939 ».
René Cassin rappelait à ce sujet l’apostrophe de Joseph Goebbels, ministre de l’information et de la propagande du régime nazi qui, confronté en septembre 1933 devant la SDN, au témoignage d’un juif de Haute-Silésie, venu dénoncer « les pratiques odieuses et barbares des hitlériens », répond : « Messiers, charbonnier est maître chez soi. Nous sommes un Etat souverain ; tout ce qu’a dit cet individu ne vous regarde pas. Nous faisons ce que nous voulons de nos socialistes, de nos pacifistes et de nos juifs, et nous n’avons à subir le contrôle ni de l’humanité ni de la SDN ». Près de quatre-vingt ans plus tard, des dictateurs, des régimes répressifs et totalitaires tiennent encore le même langage face aux Nations unies.
S’il est vrai que l’article 2-7 de la Charte précise que les Nations unies ne sont pas autorisées à intervenir dans les affaires d’un Etat, il faut rappeler qu’en vertu du paragraphe 5 du même article, « les membres de l’Organisation doivent donner leur assistance à celle-ci, dans toute action entreprise par elle, conformément aux dispositions de la Charte ». En outre , rien de peut faire obstacle au devoir d’action et d’intervention qui incombe au Conseil de sécurité, en vertu du chapitre VII, si une violation grave, répétée ou systématique à l’intérieur d’un pays est de nature à menacer la paix internationale.
René Cassin estimait qu’une telle mission de sauvegarde de la paix « ne peut évidemment être exercée sans une immixtion dans ce qui était jadis « une affaire domestique de chaque Etat souverain ». On ne peut plus admettre que, comme ce fut le cas en 1933 pour l’Allemagne, l’Etat interpose un écran impénétrable entre l’être humain et la communauté internationale qui veut le protéger. Après la chute du Mur de Berlin restent quelques frontières opaques comme en Corée du nord, en Iran, en Chine ou en Birmanie.
Le droit d’ingérence : Jusqu’aux années 1960, les droits de l’homme, tels qu’ils découlent de la Déclaration universelle de 1948, et le droit humanitaire codifié dans les Conventions de Genève de 1949, s’étaient développés parallèlement , les premiers portant principalement sur les droits en temps de paix, et les seconds s’exerçant dans les conflits armés, avec les terribles réserves imposées à l’action de la Croix Rouge internationale de respecter la souveraineté et le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats.
Pour le juriste français Mario Bettati[9] : « La souveraineté, c’est la garantie mutuelle des tortionnaires ». René Cassin espérait déjà en 1947 que « le droit de regard de l’humanité sur les rapports de l’Etat et de l’individu soit affirmé »[10].
Il fallut attendre 1988 pour que l’Assemblée générale de l’ONU introduise le droit d’ingérence dans le droit international en adoptant la résolution 43/131 (22 novembre 1988)) qui annonce le principe de libre accès aux victimes. Deux ans plus tard, le dispositif est complété par une autre résolution[11] qui précise que c’est aux Etats, dans leur « souveraineté, intégrité territoriale et unité nationale » qu’incombe au premier chef, l’assistance aux victimes. En cas de défections constatées de l’Etat, la communauté internationale peut se substituer à celui-ci. Le Conseil de sécurité utilise dès 1991 ce concept, le mettant en œuvre au Libéria, en Angola, en Géorgie, au Mozambique, au Haut-Karabakh, au Yémen, au Rwanda, en ex-Yougoslavie ou dans la guerre du Golfe.
La responsabilité de protéger : Le concept de la responsabilité de protéger a fait pour la première fois son apparition en décembre 2001 dans le rapport Evans-Sahnoun de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des Etats (ICISS), à la suite de l’Assemblée du Millénaire des Nations Unies, de septembre 2000.
En 2004, le Secrétaire général Kofi Annan demande à un Groupe de personnalités de haut niveau d’affiner le concept. Il est alors précisé que, si un gouvernement quelconque ne peut pas ou ne veut pas respecter « l’obligation de protéger » ses propres citoyens, « cette responsabilité devrait être assumée par la communauté internationale, (sa) tache (…) allant de la prévention, à la réaction face à la violence, et selon que de besoin, à la reconstruction de sociétés désagrégées ».
Le Sommet mondial qui réunit en 2005, 191 chefs d’Etats adopte un document entérinant cette nouvelle mission de l’ONU[12].
En 2006, le Conseil de sécurité étend le concept de responsabilité à la protection des civils en période de conflit armé (res. 1674 du 28 avril 2006), puis en en faisant une application au Soudan.
Mais ce concept, qui selon l’expression de Ban Ki-moon, en 2008, « n’est pas encore une politique, une aspiration, pas encore une réalité », a du mal à devenir opérationnel : En témoigne l’impossibilité de sauver, à l’été 2009, au Sri Lanka, des dizaines de milliers de morts, de blessés et de déplacés Tamouls. Dans ce cas, la Russie et la Chine avaient opposé leur veto, appuyés par la Libye, le Vietnam, le Japon et la Turquie.
La résistance au sein des Nations unies est considérable. A la 63e session de 2009 de l’Assemblée générale, de nombreuses délégations minimisent cette nouvelle possibilité onusienne. Le délégué cubain donne le ton en prétendant que : « Il n’y a pas de définition claire de la responsabilité de protéger », et reprenant le thème du « complot occidental contre la souveraineté nationale», il exprime son « appréhension de voir le concept manipulé par des interventions cachées ». Le délégué de Bolivie invoque « le danger du néocolonialisme », suivi par les représentants de l’Iran, du Soudan, de la Syrie.
Il n’a pas empêché qu’en octobre 2011, l’ONU l’ait appliqué à la Libye. Mais n’a toujours pas pu le mettre en œuvre en Syrie, devant le veto de la Russie et de la Chine.
(REVISER AVANT PARUTION ??)
Les interventions des Nations Unies
Les opérations de maintien de la paix : Afin de mettre en œuvre ses objectifs, les Nations Unies ont recours à des opérations de maintien de la paix, entreprises sous l’autorité du Conseil de sécurité.
La Force de maintien de la paix des Nations unies (Casques bleus ou Blue boys action squad) est chargée du « maintien ou (du) rétablissement de la paix et de la sécurité internationale », conformément à la Charte de l’ONU (chapitre VII : Action en cas de menace contre la paix, la rupture de la paix et d’actes d’agression). Les contingents des Casques bleus sont principalement constitués de personnels militaires mis à disposition par les Etats-membres et, dans certains cas, de civils dans les domaines de la police ou de l’administration. Le Conseil de sécurité peut mettre sous Casques bleus des militaires d’une organisation non dépendante du système des Nations Unies, comme par exemple l’OTAN, ou d’une coalition d’Etats, comme par exemple la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
L’intervention des Casques bleus se fait sous trois préalables : Le consentement des parties en conflit ; l’impartialité face aux forces en présence ; la limitation de l’usage de la force à la seule légitime défense. Après les massacres au Rwanda ou en Yougoslavie, perpétrés en présence des Casques bleus, aujourd’hui la plupart des mandats qui leurs sont accordés autorisent l’usage de la force si la population civile est en danger.
Après la première mission l’observation de la trêve arabo-israélienne de 1948 (ONUST), l’ONU a armé ses Casques bleus en 1956, lors de la crise du Canal de Suez. En vertu d’une résolution[13] , l’Assemblée générale est dotée de la possibilité subsidiaire de dépêcher des Casques bleus si le Conseil de sécurité constate son incapacité à le faire, notamment du fait du veto de l’un de ses cinq membres permanents.
A ce jour, l’ONU a mené 66 opérations dans le monde.
En 2011-2012, 16 opérations de maintien de la paix ont été déployées sur quatre continents. Parmi les 7 en Afrique, on peut citer la Mission au Soudan du Sud (MINUSS) ou la Mission pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) ; 3 en Asie-Pacifique, avec par exemple la Mission d’assistance en Afghanistan (MANUA) ; 3 au Moyen-Orient, avec en particulier la Force intérimaire au Liban (FINUL), ou l’organisme chargé de la surveillance de la trêve dans le Golan (ONUST) ; 2 en Europe, avec par exemple la Force de maintien de la paix à Chypre (UNFICYP) ; et une en Amérique du Nord, avec la Mission de stabilisation en Haïti (MINUSTAH).
Retenons cinq objectifs poursuivis:
*Dans le domaine de la prévention des conflits, l’action diplomatique de l’ONU vise à éviter que les tensions et différends qui surgissent entre Etats, ou à l’intérieur d’un Etat ne se transforment en conflit violent. Pour cela, elle met en place des mécanismes d’alerte rapide, ou des missions de « bons offices ».
*Pour ce qui est du rétablissement de la paix, les efforts diplomatiques de l’ONU visent à conduire les parties en présence à un accord négocié, par l’intermédiaire du Secrétaire général de l’ONU, ou par celui d’envoyés spéciaux, de gouvernements, de groupes d’Etats ou d’organisations régionales.
*La mission d’imposition de la paix induit des mesures coercitives, y compris le recours à la force, face à une menace contre la paix, à une rupture de la paix, ou à un acte d’agression.
*L’opération visant à la consolidation de la paix intervient pour réduire le risque d’éclatement ou de reprise d’un conflit, en renforçant, pour le long terme, les capacités nationales de gestion des conflits, et en permettant à l’Etat de s’acquitter efficacement et légitimement de ses attributions essentielles.
C’est en particulier l’objectif des opérations « Désarmement, démobilisation et réintégration » (DDR), qui s’intègrent au processus de réconciliation, depuis l’ouverture de négociations de paix, jusqu’à la consolidation de celle-ci, une fois achevées les opérations de terrain, comme ce fut le cas au Timor-Leste. Cette approche permet d’établir un climat propice aux progrès politiques, et à la réintégration dans la vie civile d’anciens combattants, comme c’est le cas actuellement au Darfour/Soudan (MINUAD).
*Partant du principe qu’une paix durable ne peut être instaurée après un conflit que si l’Etat de droit est respecté, les Nations Unies mènent des opérations de renforcement de la confiance dans la police et dans les forces de l’ordre, ainsi que dans les systèmes de justice et dans les services pénitentiaires. L’assistance du Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) se manifestait, en 2011, par 17 missions, impliquant 180 spécialistes des affaires judiciaires, 175 pour les systèmes pénitentiaires et 14 000 agents de police chargés de la formation des nationaux, comme par exemple au Libéria.
Au fil du temps, les opérations de paix des Nations Unies sont devenues polyvalentes. Les Casques bleus sont non seulement appelés au maintien de la sécurité, mais aussi à faciliter la stabilisation politique, à protéger les civils, à aider au désarmement , à la démobilisation des forces armées et à leur réinsertion, à contribuer à l’organisation d’élections libres, à protéger et à promouvoir les droits de l’homme et à assurer la primauté du droit.
Accompagnement au développement : Dès 1945-46, l’ONU, reprenant les mandats de la SDN au Liban, en Jordanie ou encore en Irak, accompagne la grande vague de décolonisation, sous l’impulsion conjointe des Etats Unis et de l’URSS. Les pays progressivement décolonisés mettent en place une stratégie de recours systématique à la tribune de l’ONU au nom du Tiers Monde. Son rôle humanitaire est privilégié avec par exemple la mise en place du Fonds International des Nations Unies pour le secours à l’enfance (UNICEF), dont l’intervention en 1980 va entrainer la chute des Khmers rouges au Cambodge. Mais c’est dans le soutien au pays en voie de développement que l’action onusienne se développe le mieux, soit au sein de la Conférence pour le commerce et le développement (CNUCED), soit encore dans le cadre du Programme pour le développement (PNUD).
Le droit international/ L’action normative
Le droit international est entré dans un nouvel âge. Après le « droit de la force », le plus primitif, marqué par l’usage de la contrainte, de la menace armée et des représailles, est apparu le « droit de la réciprocité », correspondant au jeu classique des Etats fondé sur l’équilibre des intérêts croisés (le « donnant-donnant »). Puis est arrivé récemment, le « droit de la coopération » », qui traduit la prise en compte d’intérêts communs à tous les Etats qui se traduit par une nécessaire « organisation mondiale », au-delà des Etats[14] . En 1947 René Cassin avait une vision prophétique de cette évolution en déclarant : « Le droit de l’avenir n’est pas du droit interne ».
Le droit international demeure un thème d’importance majeure pour l’ONU qui affirme, dans le préambule de sa Charte, que l’objectif de l’Organisation est de « créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international ».
Cette fonction est de la responsabilité de trois organes : La sixième Commission (des questions juridiques) de l’Assemblée générale ; la Commission du droit international ; et la Commission pour le droit commercial international.
Parmi leurs centres d’intérêt on pourrait retenir le développement progressif du droit international et de la codification, les affaires maritimes et le droit de la mer ou le dépôt, l’enregistrement et la publication des traités. A ce dernier propos, le Secrétaire général de l’ONU a été dépositaire de 517 instruments multilatéraux (à Janvier 2009), couvrant une vaste gamme de sujets allant des droits de l’homme (plus de 80 déclarations, conventions et traités internationaux), au désarmement, en passant par les biens et services, les réfugiés, l’environnement ou le droit de la mer.
La justice pénale internationale
Le droit pénal international qui voit le jour avant le XXe siècle vise à la répression de crimes « à caractère international », tels que la piraterie, l’esclavage ou le faux-monnayage. Au cours des cinquante dernière années, l’attention s’est principalement portée sur la nécessité de juger les responsables des crimes « les plus graves », ceux qui « touchent l’ensemble de la communauté internationale », selon l’expression consacrée par le statut de la Cour pénale internationale (CPI).
Huit cours et tribunaux internationaux fonctionnent sous l’autorité des Nations Unies :
*La Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye a deux fonctions : rendre des jugements sur des disputes qui lui sont présentées par des Etats, et fournir des avis consultatifs sur des questions posées par des organes autorisés.
*Le Tribunal international du droit de la mer (ITLOS) de Hambourg, entré en vigueur le 16 novembre 1982, qui règle les questions relatives à l’application de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.
*La Cour pénale internationale (CPI), créée en 1998 et entrée en vigueur le 1er juillet 2002, siège à La Haye (Pays-Bas). Elle étend sa juridiction sur les personnes coupables de génocide, de crimes contre l’humanité et de crime de guerre. Elle fonctionne comme un corps judiciaire indépendant, ses relations avec l’ONU étant régies par un accord. Ses deux plus célèbres affaires concernent le général Pinochet (Chili), et Slobodan Milosevic (Serbie).
Il faut ajouter à ceux-ci : Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (La Haye ; janvier, 1991) ; le Tribunal pénal international pour le Rwanda (Arusha, novembre 1994) ; ainsi que le Tribunal spécial pour la Sierra Leone et le Tribunal spécial pour le Liban, ce dernier établi pour poursuivre les auteurs de l’attentat qui entraina la mort à Beyrouth, le 14 février 2005, du Premier ministre Rafic Hariri et de 22 autres personnes.
Ces tribunaux ad hoc entrent dans le cadre de la lutte contre l’impunité. Au lendemain de la disparition de l’apartheid en Afrique du Sud et des régimes dictatoriaux en Amérique latine et en Asie, la communauté internationale manquait de moyens de réagir juridiquement.
La forme définitive de la justice pénale internationale est-elle atteinte ? Certainement pas.
Son champ d’action est-il universel ? Pas encore.
Faut-il désespérer de son avenir ? Nous ne le pensons pas, en dépit de ce qu’avance le philosophe André Glucksmann qui déclarait: « Ce n’est pas parce qu’on ignorait les droits de l’homme qu’Auschwitz fut possible. C’est parce qu’Auschwitz fut découvert possible qu’on s’accorde sur des devoirs universels censés éviter la reproduction d’un tel désastre. Soixante ans plus tard, trou de mémoire ; nul n’emprunte cette via negativa qui instaure l’exigence du droit en se réclamant non pas d’une bonne image de l’homme mais d’une sale image de l’inhumanité intégrale »[15].
Il n’en demeure pas moins que la justice pénale internationale est incontestablement en création permanente.
La compétence universelle
Concernant les crimes les plus graves, une exception a été apportée au principe classique de compétence interne d’une juridiction d’un Etat qui s’applique exclusivement aux faits commis sur le territoire, par des nationaux. Les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels prévoient une compétence universelle des juridictions nationales qui sont déclarées compétentes pour juger toute personne présumée coupable d’infractions graves au droit international humanitaire, se trouvant à un moment sur son territoire, quelle que soit sa nationalité ou le lieu où elle a commis les infractions. Faut-il encore que les législations nationales aient intégré cette disposition.
Selon les statuts des tribunaux pénaux internationaux, ceux-ci et les juridictions nationales sont concurremment compétents, conformément au statut de Rome de la CPI.
Avec la mise en place de tribunaux spéciaux nationaux « à caractère international », un nouveau type de juridictions, chargées de réprimer les violations graves du droit humanitaire international, a commencé à voir le jour au Cambodge et en Sierra Leone, différents des tribunaux ad hoc pour l’ex-Yougoslavie ou le Rwanda.
La diplomatie non gouvernementale : Briser la langue de bois
Dès la naissance des Nations unies, ainsi que nous l’avons vu plus haut, le souhait est d’associer la Société civile, et particulièrement les Organisations non -gouvernementales (ONG) à la conduite des affaires internationales. Ainsi, à propos des droits de l’homme, René Cassin déclarait-il : « La clé de voute repose, sur le plan international comme à l’intérieur de chaque pays, sur le contrôle et le soutien de l’opinion publique ». Soixante ans plus tard, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon va plus loin en déclarant : « Cette nouvelle époque exige de redéfinir la notion de leadership, de leadership mondial. Elle exige une nouvelle coopération internationale entre tous, gouvernements, société civile et secteur privé, travaillant ensemble pour le bien collectif du monde entier »[16].
Pour leur part, les ONG s’octroient une fonction de vigilance et de dénonciation qui bouscule le jeu classique de la diplomatie multilatérale, mais qui est, depuis plus de trente ans, internationalement admise dans les faits.
Ainsi, dans le système onusien relevant des droits de l’homme, et quasi exclusivement dans ce domaine, les ONG se sont vue attribuer un statut qui dépasse celui d’observateur silencieux au sein des Nations Unies. Par exemple, lors des conférences mondiales de Vienne (1993) et de Durban (2001) ont-elles pu siéger dans les salles de l’assemblée plénière, et des travaux, derrière les Etats et les Institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme , en prenant la parole, mais aussi en intervenant dans la rédaction des textes et résolutions. Il en est de même, de manière permanente, au Conseil des droits de l’homme (Genève). Dans ce domaine précis, le rôle bénéfique qui leur est attribué est de « briser la langue de bois » de certains Etats dont la tendance à cacher ou à nier leurs manquements est patente.
L’irruption de la société civile sur toutes les questions liées à la mondialisation, qu’il s’agisse des affaires politiques, de la défense, ou de l’environnement par exemple, reflète une aspiration forte à une démocratie participative, particulièrement dans les régimes en transition ou dans les systèmes autoritaires.
Les Nations unies ont pris en charge cette participation dans le cadre de plusieurs organismes dédiés : Le Département des affaires économiques et sociales (ICSO), qui a établi des relations avec plus de 13 000 organisations de la société civile (ONG, fondations, organisations de populations indigènes, etc.) ; la Section des ONG du département de l’information (DPI-NGO), qui supervise les partenariats avec les ONG ; le Service de liaison des Nations Unies avec les ONG (NGLS) , qui accorde le régime formel du statut consultatif des ONG auprès de l’ONU.
Mais cette diplomatie non-gouvernementale a son revers, ainsi que nous le verrons dans la troisième partie.
III : Les limites et faiblesses des Nations Unies
Réformer ou dynamiter ?
Aucun de nous n’a le droit de dire
« Les Nations unies sont défaillantes, donc nous n’y pouvons rien ».
Mais les Nations unies, c’est nous !
René Cassin, 1948
Le « machin » de de Gaulle.
La France fut longtemps réservée à l’encontre de l’Organisation des Nations Unies que le général de Gaulle qualifia de « machin »[17], et pour laquelle il se montra méprisant en déclarant, après l’autodétermination de l’Algérie, et les condamnations à propos des affaires de Suez, du Maroc ou de la Tunisie, qu’elle « n’a aucun droit, d’après sa propre charte, à intervenir dans une affaire qui est de la compétence de la France ». Il ajoutait que s’il s’y dégageait « une majorité formée d’Etats totalitaires, d’Etats sans consistance, d’Etats pour qui la vie internationale, c’est l’invective à perpétuité », la France ne lui reconnait « aucune qualité pour dire le droit ou faire la loi »[18]. Il se montrait à ce moment-là lucide à propos de « l’étendard de l’idéologie » qui ne cachait en réalité « que des ambitions ».
Le général de Gaulle, qui ne s’est jamais rendu à l’Assemblée générale de l’ONU, devait attendre 1966 pour proposer que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité se rencontrent à Genève, pour discuter du « salut d’une institution dans laquelle le monde a mis tant d’espoirs pour aider au progrès et à la solidarité de tous les hommes »[19].
La situation est inchangée en 2011, lorsque le président Sarkozy déclare : « Cela fait 30 ans qu’on parle de la réforme. Je vous propose qu’on la fasse en cette année 2011. Les éléments sont sur la table »[20]. Mais toujours sans résultats. Néanmoins la diplomatie française continue de prendre une part active aux travaux de l’ONU.
A : Des constats alarmants
En faisant le constat des échecs de l’ONU dans le drame yougoslave, le génocide au Rwanda, la crise du Darfour, ou le scandale du Liban, l’ancien secrétaire général de l’ONU, Boutros Boutros-Ghali, déclarait que « la déconsidération de l’ONU vient surtout de son incapacité à résoudre tous les conflits ». Il affirmait en 2006 que « l’ONU n’est pas en mesure d’incarner la nouvelle gouvernance mondiale du fait qu’elle est toujours fondée sur le principe de l’Etat souverain »[21].
Une exception était mise en évidence par son successeur Kofi Annan qui regrettait en 2006 que le Conseil des droits de l’homme ne porte pas la même attention aux violations commises par certains Etats que celles commises en Israël[22].
Un an plus tard, le secrétaire général en poste, Ban Ki-moon se déclarait « déçu par la décision du Conseil de choisir seulement un dossier régional spécifique au conflit israélo-palestinien, malgré l’étendue et la portée des allégations de violations de droits de l’homme dans le monde » (communiqué de presse du 20 juin 2007).
De son côté, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton estimait, devant le Conseil des droits de l’homme (28 février 2011), que celui-ci « ne peut pas continuer à consacrer une attention disproportionnée sur aucun pays exclusivement », regrettant qu’au cours des cinq dernières années, « Israël restera le seul pays sujet à un ordre du jour permanent ».
Précisément sur ce point de la surexposition d’Israël dans les travaux onusiens , telle qu’illustrée dans la première partie, pour de nombreux observateurs , il s’agit d’une instrumentalisation perverse des Nations unies consistant en une stratégie de délégitimation d’un pays, qu’une myriade de condamnations, tant devant l’Assemblée générale, qu’au Conseil de sécurité, au Conseil des droits de l’homme et dans les instances spécialisées, tentent de mettre au banc des nations. Dans le même temps, une « majorité automatique », parmi laquelle l’OCI (Organisation de la conférence islamique), tente de légitimer une Autorité palestinienne qui n’a pas encore les attributs d’un Etat.
L’érosion du pouvoir de l’ONU et sa paralysie dans nombre de situations a aussi pour origine la progressive main mise sur les compétences dévolues à l’Organisation par certains Etats, groupes d’Etats ou organisations intergouvernementales.
Relativisme culturel et religieux
En ce début du XXIe siècle, l’universalité des Nations Unies est sérieusement mise à mal par le relativisme culturel et religieux.
Trois exemples de relativisme culturel peuvent être donnés de l’imposition de traditions culturelles particulières à l’ensemble de la communauté internationale :
*La « Convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants » a introduit en 1984, en son article 1er une définition du terme « torture » qui « ne s’étend pas à la douleur et aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes ». Ainsi, les Nations Unies excluraient, par exemple, les peines de mutilation existant dans certaines législations se réclamant de traditions culturelles.
*Lors de la Conférence mondiale contre le racisme de Durban (2001) la condamnation de l’esclavage n’a été retenue que pour « la traite transatlantique », en ignorant totalement les razzias esclavagistes entre ethnies et tribus, à l’intérieur même du continent africain.
*La Chine contemporaine, héritière de l’histoire millénaire de « l’Empire du Milieu » (Zhongyu), développe sur la scène internationale un nouveau nationalisme fondé sur un retour de la « religion » populaire du culte des ancêtres, du culte des esprits (divinités animistes) et des trois enseignements (confucianisme, taoïsme et bouddhisme) qui renaitraient de la Révolution culturelle. Ce substrat culturel l’exonèrerait du respect des droits de l’homme, particulièrement au Tibet.
Le relativisme religieux s’illustre aux Nations Unies, par l’entrée en scène de l’Organisation de la conférence islamique, créée en 1969, et transformée, le 28 juin 2011, en Conférence de la coopération islamique (OCI). Il s’agit de la seule organisation supra-étatique et internationale ayant un caractère religieux. Son action est complétée, aux Nations unies par deux autres organisations intergouvernementales ayant le statut d’observateurs permanents : Le Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe, et la Ligue des Etats arabes.
L’OCI est composée de 57 Etats- membres, musulmans, arabes ou non ; asiatiques (16), africains (22), Moyen-orientaux (9), méditerranéens (9) ou européens (1) ; de rite sunnite, chiite ou autre. Elle constitue, de facto et en dehors d’une quelconque résolution, une exception religieuse aux Nations unies, où les pays sont regroupés par régions-continents. Cette organisation entraine des « majorités automatiques », ses membres, quel que soit leur position par rapport à la religion, ayant toujours obéi aux consignes politiques de vote de leur organisation.
Dès la mise en place du nouveau Conseil des droits de l’homme, le ministre des Affaires étrangères d’Iran vient devant ses membres déclarer, en juin 2006, que l’une des caractéristiques de l’ère nouvelle qui s’ouvre est « l’imposition de certaines valeurs culturelles (…) La jouissance de la liberté d’expression ne doit pas constituer un prétexte ou une plateforme pour insulter les religions et leur sainteté ». Il demande que le Conseil donne la priorité à la lutte contre « la diffamation des religions, particulièrement du message divin de l’islam, et fasse cesser son dénigrement ». Les incidents se multiplient alors sur le thème de la judiciarisation du blasphème.
Le danger majeur pour l’ONU est de se trouver sur la ligne de fracture d’un « choc des civilisations », tel que pressenti par l’universitaire Samuel P. Huntington pour qui, demain, les grandes causes de division de l’humanité, et les principales sources de conflit seront culturelles. Il estime que ce « choc des civilisations » dominera la politique internationale. La difficulté s’accroitrait avec l’existence de sphères économiques communes, par exemple Asiatique (autour de la Chine), ou avec des espaces communs de civilisation (l’Europe) ou d’espaces de coexistence civilisationnelle (le Moyen Orient).
Une Assemblée générale sous influence
Une illustration en est donnée en 1998 avec le lancement d’un « dialogue des civilisations » par le Mouvement des non-alignés (réunissant aujourd’hui 118 pays) qui proclame alors : « Notre heure a sonné (…) La Guerre froide est révolue. L’ère où nous allons entrer peut être une ère nouvelle, l’ère des nations émergentes, l’ère du Sud »[23]. A cette occasion , le président de la République islamique d’Iran, Mohammad Khatami, lance son idée d’une « alliance des civilisations », destinée à ouvrir « un nouveau paradigme de relations internationales ». Il ajoute : « Le moment est venu de restructurer cette Organisation (l’ONU) et en particulier son Conseil de sécurité où les pays islamiques devraient avoir un siège permanent »[24]. Le thème de la réforme de l’ONU devient alors un leitmotiv pour l’OCI et pour Téhéran.
L’Assemblée générale a pu éviter in extremis ce piège lors de sa réunion du 8 novembre 2001, quelques semaines après les attentats terroristes du 11 septembre, en adoptant un « Programme mondial pour le dialogue entre les civilisations » dans lequel toute allusion à la transcendance est gommée. La formule finale retenue devient : « Les libertés et droits fondamentaux trouvent leur fondement dans la dignité et la valeur inhérentes à tous les membres de la famille humaine et sont donc universels (…) Ils sont axés sur la personne humaine et celle-ci doit par conséquent en être le principal bénéficiaire »[25].
Par ailleurs, le fonctionnement de l’Assemblée générale a tendance à l’engorgement avec un ordre du jour pléthorique et répétitif d’une année sur l’autre, avec les mêmes thèmes obsessionnels, au détriment des thèmes prioritaires de la coopération internationale.
Un Conseil de sécurité pris d’assaut
Ainsi que nous l’avons vu plus haut, aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité initial, doté d’un droit de veto, sont venus s’ajouter dix membres élus et renouvelés. Toute décision étant prise à la majorité de 9, les mêmes tentatives qu’à l’Assemblée générale y apparaissent pour constituer des majorités automatiques régionales ou religieuses, mais avec moins de succès qu’à l’Assemblée générale.
Les bilans mitigés des opérations de maintien de la paix.
A cette crise de légitimité s’ajoute une crise d’efficacité de l’ONU.
Les exemples sont nombreux d’opérations onusiennes de maintien de la paix, qui après avoir été lancées, ont tourné court, ou on produit des effets dévastateurs. On peut citer le cas de l’intervention au Kosovo au cours de laquelle l’élimination des forces serbes et la poursuite des auteurs de crimes contre l’humanité, laissèrent le terrain libre aux clans albanais ; ou de l’intervention de 2011 en Libye qui, après l’élimination du régime despotique de Kadhafi, ouvrir la porte à un Etat islamique régit par la charria. On peut également citer le Rwanda où l’ONU, après son intervention, se montra impuissante à prévenir et à contrer un génocide.
Les forces onusiennes d’interposition comme il en existe par exemple à la frontière libano-palestinienne ou autour de l’enclave de Gaza sont, par le mandat attribué, impuissantes à prévenir les agressions terroristes, se bornant à comptabiliser les obus tirés par le Hezbollah ou par le Hamas, sans la moindre efficacité.
Le Conseil des droits de l’homme tombe de Charybde en Scylla
Né de la faillite de la Commission des droits de l’homme, le Conseil de droits de l’homme est aujourd’hui en crise. Il est vrai que cette substitution fut menée sous des auspices incertains : C’est sur une résolution présentée par Cuba, en sa qualité de président du Mouvement de pays non- alignés que l’Assemblée générale avait mis fin au mandat de la Commission. La propagande cubaine célèbre aussitôt « sa » victoire contre les Etats Unis et l’impérialisme.
A propos du débat sur les religions et le blasphème, la Haut-Commissaire des Nations Unies pour le droits de l’homme, Louise Arbour juge alors « très préoccupant » de voir imposer « des contraintes et des sujets tabous » au cours des débats du Conseil, estimant que celui-ci « doit être, entre autres, le gardien de la liberté d’expression ». Elle déplore qu’il y ait « des blocages au sein du Conseil ». Il n’en demeure pas moins, que la situation va se dégrader au fil des séances, dont certaines furent présidées par la Libye de Kadhafi.
Le « Rapport Goldstone », un cas de disfonctionnement du Conseil des droits de l’homme:
Rappelons qu’après « le tir de 8 000 roquettes et obus en direction de zones civiles israéliennes pour générer une terreur »[26] en décembre 2 008 par le Hamas et d’autres organisations islamiques terroristes de Gaza, Israël lance « l’Opération plomb durci » exerçant ainsi, selon ses propres déclarations, « son droit d’auto-défense » face à des « attaques terroristes » contre son territoire.
S’autosaisissant, en dehors de tout mandat du Conseil de sécurité ou de l’Assemblée générale, le Conseil des droits de l’homme, jugeant à priori qu’il y avait là matière à crimes de guerre et, dans certaines circonstances, à crimes contre l’humanité, constitua une « Mission internationale d’établissement des faits sur le conflit à Gaza » en demandant un rapport au juge sud-africain Richard J. Goldstone. Rédigé après un mois et demi d’enquête à charge, dans laquelle ne se sont exprimés que les groupes armés palestiniens, le rapport a été remis le 15 septembre 2009. Le lendemain, le Conseil des droits de l’homme approuvait le texte et adoptait des recommandations (25 voix pour, 6 contre et 11 abstentions) transmises à l’Assemblée générale qui l’adopte par 114 voix, 18 contre et 44 abstentions. Celle-ci transmet au Conseil de sécurité, en appelant « le gouvernement d’Israël et les Palestiniens à prendre les mesures appropriées dans les trois mois à venir pour mener des enquêtes qui soient indépendantes, crédibles et conformes aux standards internationaux », faute de quoi le Conseil de sécurité devrait en saisir la Cour pénale internationale. A l’issue de quoi, le Conseil de sécurité mandate un Comité d’experts indépendants, présidé par la juge Mary McGowen Davis qui précise « qu’Israël a mené des investigations sur 400 allégations », alors que « l’autorité de facto (Hamas) n’a effectué aucune enquête sur les tirs de rockets et de mortiers contre Israël ».
Le 2 avril 2011, le juge Goldstone se rétracte. Dans une tribune publiée dans le Washington Post, il précise qu’il faut « reconsidérer » les conclusions de son rapport car il « ne disposait pas assez d’éléments pour dire avec certitude qu’Israël a tué intentionnellement des civils ». Il ajoutait qu’il était impossible de dire « combien de Gazaouis étaient des civils, et combien étaient des combattants ». Il déplorait que le Hamas n’ait mené aucune enquête, avouant qu’avoir escompté qu’il le fasse était « une erreur ».
S’exprimant au siège de l’ONU le 8 avril 2011, le Président de l’Etat d’Israël, Shimon Pérès, demandait au Secrétaire général Ban Ki moon de retirer le Rapport Goldstone, celui-ci refuse, ne voulant pas admettre les dérives de l’Organisation. Pour résumer l’affaire, l’ambassadeur d’Israël en France, Yossi Gal, déplorait « cette odieuse campagne diffamatoire. En effet, l’accusation de crime de guerre à l’encontre de mon pays a apporté un soutien de poids aux tentatives de délégitimation menées depuis le Conseil des droits de l’homme à Genève »[27] .
Les faiblesses de la justice internationale
Les risques d’impunité des violations massives des droits de l’homme et de la paix, par des régimes dictatoriaux ou autoritaires menacent l’existence même d’une justice internationale sous l’égide des Nations Unies.
Le concept de « crime contre l’humanité », né des procès de Nuremberg et de Tokyo est largement resté théorique, alors que l’impunité des violations graves est universelle. Il est unanimement admis que ce phénomène d’impunité constitue une entrave à la démocratie, un échec à l’autorité de la loi et un encouragement à de nouvelles violations.
Il est clairement établi que dans des sociétés qui sortent de longues périodes de régimes autoritaires – comme c’est aujourd’hui le cas des pays du « Printemps arabe » (Tunisie, Egypte, Libye, Bahreïn, et demain Yémen et Syrie…)- l’impunité entraine une crise de confiance des populations dans les processus de démocratisation naissants. Elle constitue un cancer du corps social, en ce sens qu’elle est née de la « confrérie du déshonneur ». Cette impunité interdit la constitution de la mémoire collective et entraine l’oubli des martyrs. La démocratie naissante, dans les pays en transition, est en danger face à l’impunité car la Constitution est vidée de sa substance, le pouvoir judiciaire affaibli, la crédibilité politique de l’exécutif entamée.
En 1992, un colloque d’experts internationaux, réuni sous les auspices des Nations Unies, proposa une doctrine de lutte contre l’impunité qui donna naissance à différentes commissions nationales créées sur le thème de la recherche de la vérité et de la réconciliation.
Les experts[28] reconnaissent unanimement la nécessité de combattre l’impunité, pour décourager la répétition des violations et pour renforcer la primauté du droit. Ils estiment qu’entre l’impunité et la vengeance- qui est un aveu de faiblesse et de lâcheté- le pardon, qui n’est ni oubli, ni indifférence, est un geste risqué et difficile. Reste une troisième voie, celle de « la vérité et la réconciliation », telle qu’elle fut par exemple mise en œuvre en Afrique du Sud, après la chute de l’apartheid.
La première étape est l’identification des victimes, puis vient l’établissement des faits au cours d’enquêtes. La vérité étant établie, c’est la justice qui intervient au cours de procès équitables mené par une magistrature indépendante. C’est alors que politiquement, peut intervenir l’amnistie éventuelle, appelée également « loi du point final ». La dernière phase est donc la réconciliation nationale, qui exclurait toute « épuration » administrative. La justice internationale peut apporter son assistance dans la première phase du processus. Malheureusement, les « révolutions arabes » semblent vouloir se soustraire à ce processus de « vérité et réconciliation ».
Concernant la Cour pénale internationale (CPI), elle n’est pas encore parvenue à dégager des normes jurisprudentielles stables. Elle est à la recherche d’une synthèse entre common law et civil law, à caractère hybride. Le sentiment qui se dégage est que le monde international judiciaire est en construction, tout comme le droit international est en création permanente.
La seconde faiblesse majeure est que la compétence de la CPI n’est toujours pas reconnue par de grandes puissances comme l’Inde, la Chine, la Russie ou les Etats Unis d’Amérique, alors que 119 Etats (sur 194) ont ratifié le Statut de Rome.
Des ONG contestent l’ONU
L’érosion du pouvoir des Nations Unies se fait également « par le bas », à partir de contestations menées par des acteurs de la Société civile. Ce phénomène prend alors la forme d’un multilatéralisme parallèle, voire concurrent. Certaines ONG idéologiques ont ainsi organisé des « contre-sommets » lors du cycle des grandes conférences des Nations Unies traitant de sujets internationaux : Sommet de la Terre de Rio de Janeiro, en 1992 ; Sommet sur la Population au Caire, en 1994 ; Conférence mondiale contre le racisme de Durban, en 2001 ; ou Sommet sur le Développement durable à Johannesburg, en 2002. Si l’ONU a mis à disposition des ONG des lieux pour leurs forums parallèles, et assuré une partie de leur financement, elle a vite déchanté, constatant que ces rencontres, uniquement contestataires, avaient plus bénéficié de l’attention des médias et de l’opinion publique que les travaux pléniers de l’Organisation.
Trois dérives ont principalement frappé ce système, créé dans de bonnes intentions :
*L’apparition des GONGO (Governemental non-Governemental Organisations), créées en sous-main par des gouvernements, parmi les moins démocratiques, pour manipuler les forums onusiens auxquels elles ont accès. Ainsi a-t-on pu voir plusieurs ONG iraniennes envahir des salles pour applaudir chaleureusement le président Mahmoud Ahmadinedjad.
*On a pu regretter une « privatisation » de l’action humanitaire par certaines ONG, depuis la guerre du Biafra ou la tragédie des boat people au Vietnam, qui sont intervenus sur le terrain de manière à rendre les conflits plus supportables et les faire perdurer, ou créer des relations de connivence avec des belligérants, avec néanmoins la louable intention de protéger des victimes.
*La troisième difficulté est née de la politisation de groupes de plus en plus importants d’ONG, engagés dans une confrontation nord-sud, dans le but de faire évoluer les règles du jeu international dans un sens idéologique. Le principe, dévoilé par Henri Rouillé d’Orfeuil (Coordination Sud)[29] est que « avant de se dérouler autour d’un tapis vert, une négociation se gagne ou se perd dans l’opinion publique ». L’objectif serait de mener « d’une part, des actions de plaidoyer auprès des opinions publiques, de l’autre des actions de lobbying auprès des négociateurs cherchant à créer un environnement favorable à une évolution de la régulation mondiale ».
Les courants tiers-mondistes, dits aujourd’hui altermondialistes, ne cachent plus leur stratégie qui consiste à faire entrer la Société civile dans le jeu du multilatéralisme pour le pervertir. On peut, par exemple, citer un séminaire conceptuel organisé par la Coordination Sud et l’Association brésilienne des ONG (ABONG)[30] , sur le thème du rôle des acteurs non gouvernementaux dans les débats et dans les négociations internationales. Son théoricien et maitre-à-penser, José Maria Gomez fixe à cette « diplomatie non gouvernementale » l’objectif d’une « reconfiguration de l’ordre mondial et de souligner l’unilatéralisme absolu des Etats Unis ». Les « ennemis » alors désignés sont l’Occident, les Etats Unis d’Amérique et Israël.
Ces actions, telles qu’on les a vues à Durban, peuvent être contestées pour trois raisons : – Le peu de légitimité de ces ONG qui prétendent parler au nom de la Société civile, alors qu’elles sont instrumentalisées ; -Leur manque de représentativité, du fait que certaines d’entre elles sont en réalité des groupes de pression téléguidés par des acteurs gouvernementaux, économiques, religieux, ou même sectaires ; – Enfin le manque de transparence de leurs modes de financement, ou lorsqu’elles collectent des fonds à la fois dans les secteurs privés et publics, sans liens avec leurs activités.
Quant à la conviction de Kofi Annan selon laquelle les ONG, ouvriraient l’ONU à la Société civile, en une « gouvernance mondiale démocratique », l’opinion majoritaire est qu’il s’agit d’une proposition illusoire sinon dangereuse. L’idée que les ONG représentent les citoyens, promeuvent la justice et la démocratie et contribuent à l’émergence d’une Société civile mondiale est une simple vue de l’esprit. En effet, si les ONG peuvent être utiles à l’ONU en tant qu’observateurs , experts techniques et consultants, leur légitimité et leur faculté à combler le déficit démocratique dont souffre l’Organisation sont loin d’être évidentes.
B : Des réformes introuvables
Des projets de réforme de l’ONU sont inscrits à l’ordre du jour depuis 1996, lorsque le nouveau secrétaire général, Kofi Annan fut chargé de rendre l’Organisation plus efficace et moins couteuse. Il commençait son mandat en proposant une série de transformations qualifiées par lui-même de « radicales ».
Il réussit vite dans des réformes mineures, comme la création d’un poste de vice-secrétaire général, mais se heurta aussitôt au développement des relations avec la Société civile, dans le cadre du « Contrat global » ou au manque de volonté politique de nombreux Etats pour modifier en profondeur les structures de l’Organisation.
Il convenait, dans son rapport du Millénaire (2 000) que « s’il est généralement admis qu’il est nécessaire de faire de l’ONU une organisation plus moderne et plus souple, ce que nous pouvons faire reste très limité, à moins que les Etats membres ne soient prêts à envisager une véritable réforme des structures ». Il ajoutait : « Nos contraintes sont loin d’être uniquement financières. Dans bien des domaines, nous ne pouvons pas faire notre travail parce que des divergences de vues entre les Etats- membres font obstacle au consensus qui serait nécessaire pour une action efficace. Ceci est particulièrement vrai des opérations de maintien de la paix ».
Dans la perspective du Sommet d’évaluation de la Déclaration du Millénaire qui s’est tenu à New York, le secrétaire général Kofi Annan prévoyait que : « Nous ne jouirons pas du développement sans sécurité, nous ne jouirons pas de la sécurité sans développement, et nous n’aurons ni l’un ni l’autre sans respect pour les droits de l’homme. A moins que nous n’assurions la promotion de ces trois causes, aucune d’elles ne réussira ».[31]
Pour l’Assemblée générale, le débat sur la revitalisation de ses travaux est relancé en 2003-2004 (58e session). Il porte sur trois réformes : L’équilibre institutionnel entre l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité ; l’efficacité de l’Assemblée générale dans la mise en œuvre de ses missions fondamentales fixées par la Charte ; la modernisation de ses méthodes de travail. Le Mouvement des non-alignés tente d’y ajouter la question de la sélection et de la nomination du Secrétaire général.
Depuis, ce débat donne lieu chaque année à une résolution qui, invariablement, encourage un groupe de travail à poursuivre. Pour l’heure, deux avancées mineures sont enregistrées : La publication des documents et la visibilité médiatique des travaux de l’Assemblée, dont le résultat sera d’en faire, un peu plus, le lieu d’un « cirque médiatique », au détriment d’une diplomatie du consensus ; et un accroissement des interactions non maitrisées de l’Assemblée générale avec la Société civile, les associations et les ONG, dont la conséquence sera d’ouvrir la voie à tous les lobbys, et à toutes les surenchères.
Dans le premier bilan qu’il dressait en décembre 2005, Kofi Annan constatait par exemple que l’Assemblée générale n’avait toujours pas réussi- pas plus qu’en 2011- à élaborer une Convention générale contre le terrorisme internationale, devant synthétiser et rendre cohérents les 13 conventions et protocoles sectoriels existant. Cette convention globale achoppe toujours sur la définition du phénomène. Kofi Annan avait bien esquissé une définition universelle selon laquelle : « Tout acte destiné à tuer ou blesser des civils et des non-combattants afin d’intimider une population, un gouvernement, une organisation et l’inciter à commettre un acte ou au contraire à s’abstenir de le faire ». Mais l’Iran et l’OCI ont contesté toute définition en tentant d’introduire –sans succès-un concept de « terrorisme légitime », dans les cas de « lutte des peuples pour leur libération ».
Par ailleurs, la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire, adoptée en avril 2005, n’a été signée que par un nombre limité d’Etats membres (82) et ratifiée par un nombre bien inférieur.
Pour le Conseil de sécurité, après un premier « rapport de sages » demandé en 1997 par Kofi Annan qui proposait son élargissement à 24 membres, puis la tentative en 2005 du groupe des quatre (Inde, Brésil, Japon, Allemagne) de créer 6 nouveaux sièges permanents, sans droit de veto, et de 4 nouveaux sièges non permanents ; le groupe dit « Uni pour le consensus » (Argentine, Pakistan, Italie, Mexique) demandait l’élargissement à 10 nouveaux membres, non-permanents ; alors que l’ensemble des pays africains exigeaient pour l’Afrique deux sièges permanents avec droit de veto et deux sièges non-permanents supplémentaires. Pour sa part, la France suggère, depuis 2005, la présence d’un pays arabe au rang des membres permanents du Conseil de sécurité. Finalement la réforme a porté sur un Conseil de sécurité à 15 membres.
Des négociations intergouvernementales, à partir d’une proposition franco-britannique de réforme intérimaire, ont été lancées en février 2009, qui n’ont toujours pas abouties.
Pour les opérations de paix
De rapports en études et en résolutions lancés depuis 2000 l’ONU tente, en vain, de réformer sa capacité à gérer et soutenir ses opérations de maintien de la paix sur le terrain, en particulier avec les Casques bleus.
Le « Rapport Brahimi » de mars 2000, préconise « de profonds changements institutionnels ». Une Commission de la consolidation de la paix est créée par le Sommet mondial de 2005. Une stratégie de réformes conçue par le Département des opérations de maintien de la paix » (DOMP) est proposée en 2006. De grandes principes et directives sont esquissés par la « Doctrine Capstone » (2008). Dans le cadre d’une réflexion sur la sécurité collective au XXIe siècle, un rapport d’un Groupe de personnalités de haut niveau porte sur les menaces, les défis et les changements. Enfin, en 2010 apparait le rapport intitulé « Agenda pour un nouveau partenariat : Un nouvel horizon pour les opérations de maintien de la paix de l’ONU » qui identifie les principales problématiques. Mise à part la réforme de la discipline des Casques bleus sur le terrain, rien n’a été changé à ce jour, en dépit des multiples diagnostiques.
Concernant la « responsabilité de protéger » les populations du génocide, des crimes de guerre, de l’épuration ethnique et des crimes contre l’humanité, le secrétaire général de l’ONU constate que « si sur le plan des idées, il s’agit d’une avancée historique, cela ne garantit nullement pas que l’action du Conseil de sécurité sera prompte et décisive au Darfour ou partout ailleurs où la nécessité s’en fait sentir ».
L’ONU se révèle aujourd’hui inadaptée face à de nouvelles formes de conflits initiés par des « acteurs non conventionnels » (terroristes, groupes rebelles, soulèvements populaires ou tribaux, dissidents…). Son incapacité à y faire face l’oblige à « sous-traiter » ses interventions à des organisations régionales. Par exemple, la crise majeure qui a divisé la Somalie a été confiée à l’Organisation de la conférence islamique (OCI), à la Ligue arabe, et à l’Organisation de l’Unité africaine (OUA).
Le concept de « sécurité collective », aux fondements de l’ONU, est progressivement redéfini au fil de l’apparition de défis globaux tels que la prolifération des armes de destruction massive, les mouvements de populations, les pandémies ou les catastrophes environnementales. Ainsi, la sécurité ne se limite plus à l’élimination de la guerre, elle devient globale car elle vise désormais à contrôler tous les risques majeurs qui menacent l’homme. Mais l’ONU n’en a pas encore pris la mesure.
Il en est de même des crises humanitaires qui n’ont pas été inclues dans la sécurité collective internationale. Après le tsunami du 26 décembre 2004, le président de la République Jacques Chirac avait adressé une proposition à Kofi Annan (lettre de janvier 2005) pour la « mise en place d’une force humanitaire d’urgence ». Ce projet de « casques rouges » humanitaires de l’ONU est resté dans les cartons depuis des années
Enfin, la réforme du Conseil des droits de l’homme devait être ouverte en 2011, et confié à…lui-même. Le dernier avatar de mai 2010 qui, au moment du renouvellement d’un tiers de ses membres, vit la République islamique d’Iran se porter candidate, puis se retirer au dernier moment sous la pression des Etats démocratiques et de certaines ONG, pour céder finalement la place à la Libye de Kadhafi, a montré à nouveau le manque de légitimité de cette institution.
Il est néanmoins demandé à l’avenir au Conseil de respecter la règle selon laquelle l’élection de ses membres doit tenir compte « du concours apporté par les candidats à la cause de la promotion et de la défense des droits de l’homme », et s’assurer que les Etats élus « observent les normes les plus strictes en matière de promotion et de défense des droits de l’homme ». Qui en décidera ? En somme, il est laissé aux Etats violateurs le soin de se présenter eux-mêmes sous le meilleur jour.
S’il fallait suivre l’opinion de l’ancien secrétaire général Boutros Boutros-Ghali selon lequel l’ONU doit devenir un « Parlement mondial de la globalisation », c’est également la gouvernance économique mondiale qui devrait être réformée, et particulièrement les institutions du système de Bretton-Woods. Un projet utopique de création d’un Conseil de sécurité économique (CSE) a été lancé à l’ONU, qui assurerait une gouvernance mondiale pour les affaires économiques et sociales, y compris le commerce et l’environnement, coordonnant les grandes institutions, le G20 et l’ECOSOC.
En conclusion
La diplomatie multilatérale traditionnelle, telle que pratiquée en ce début de XXIe siècle aux Nations unies, est-elle en échec ?
Certainement si l’on se réfère aux traités de Westphalie qui conclurent en 1648 une conférence qui avait duré cinq ans, ou au congrès de Vienne de 1815 qui fit la gloire de Metternich.
Il n’y aurait pas d’échec si l’on considère qu’est née depuis une diplomatie multilatérale nouvelle.
C’est du moins ce qu’estime la diplomatie française qui fait remarquer que les pères de la Société des Nations (SDN) croyaient qu’une diplomatie conduite « sur la place publique » préserverait mieux la paix que la traditionnelle diplomatie secrète. La diplomatie multilatérale actuelle répond, dans une certaine mesure, à leurs vœux.
Aujourd’hui, les débats de l’ONU sont publics, au risque de se tenir « pour la galerie », comme nous l’avons vu. Mais, les diplomates soulignent qu’en réalité les séances du Conseil de sécurité ou d’autres instances décisionnaires, sont précédées de pourparlers officieux où la négociation confidentielle reprend ses droits. Ils font valoir que la diplomatie multilatérale est, de fait, plus collective que parlementaire ; les assemblées plénières réunissant toutes les délégations, parfois en public, et en présence des ONG, ne font en général qu’entériner finalement le résultat de tractations en coulisse entre groupes d’Etat réunis par affinités diverses. L’enjeu pour les diplomates traditionnels serait alors de trouver des solutions de compromis pour réduire les pressions, sans céder sur l’essentiel. Mais cela n’est pas toujours possible, surtout lorsque les « marchandages » sont accompagnés de pressions majeures et de chantages de tous ordres.
Alors la diplomatie multilatérale doit-elle abdiquer et laisser le champ libre aux conflits et aux guerres ?
En d’autres termes, faut-il quitter la table des compromis pour prendre les armes ?
Ce fut le cas, à maintes reprises dans l’histoire moderne de l’Organisation des Nations Unies.
Il ne demeure pas moins certains, à nos yeux, que la « politique de la chaise vide » aux Nations unies, dite aussi de « repli ghettoïque » – au-delà d’une stratégie de pression- serait perçue comme un signe de faiblesse et d’abandon victimaire ou comme un mépris pour la communauté internationale[32]. Il est vrai que dans certains cas on pourrait soutenir qu’il est plus facile de gagner une guerre que de remporter un combat diplomatique hasardeux. Mais ce serait alors un choix politique.
Au-delà des difficultés et des imperfections du multilatéralisme de l’Organisation des Nations Unies, ce serait surtout trahir l’idéal dont René Cassin fut porteur, dans l’adversité, au lendemain de la Shoa, selon lequel :
L’essentiel est que l’être humain le plus humble
sache que la communauté universelle
n’est pas une abstraction, mais une unité vivante.
Au-dessus des groupes dont chacun fait partie
et où il accomplit ses fonctions,
famille, cité, profession, nation,
doit peu à peu s’affirmer la grande idée de la justice
et du recours de l’homme opprimé contre la tyrannie.
C’est ainsi seulement que pourra être instaurée
la paix internationale.
Paris, novembre 2011
[1] Pyrrhus (319-272 avant JC), roi d’Epire remporta plusieurs victoires sur les romains, qui lui coutèrent de telles pertes qu’il s’écria : « Encore une autre victoire comme celle-ci et je rentrerais seul en Epire ! »
[2] Séance 6624 e du 28/09/2011 ; S/2011/592
[3] M. Howard, L’invention de la paix et le retour de la guerre, Buchet-Castel, 2004
[4] A. Novosseloff ; L’essor du multilatéralisme : principes, institutions et actions communes. Annuaire français des relations internationales, 2002.
[5] Andy Knight; A Changing United Nations- Multilateral Evolution and the Quest for Global Governance; Palgrave, 2000.
[6] Au cours des 30 dernières années, le nombre des dictatures en Amérique latine et en Asie a sensiblement régressé.
[7] G.John Ikenberry, Les Etats-Unis et le multilatéralisme, Questions internationales n°3, La Documentation Française ; sept-oct. 2003
[8] R. Aron ; Paix et guerre entre les nations ; Calma-Levy, 1962
[9] M. Bettati ; Le droit d’ingérence : mutation de l’ordre international ; Odile Jacob ; 1996
[10] Interview au Journal de Genève du 10 décembre 1947
[11] Résolution 45/100 du 14 décembre 1990
[12] 60e session de l’Assemblée générale, document final A/RES/60/1 du 24 octobre 2005
[13] Résolution 377V intitulée « Union pour le maintien de la Paix », ou résolution Acheson.
[14] Voir Emmanuel Decaux ; Droit international public, Dalloz, 4° édition ; 2004
[15] Tribune libre ; journal Libération, 30 décembre 2008
[16] Allocution prononcée par Ban Ki-moon lors de la séance plénière du 29 janvier 2009 du Forum économique mondial de Davos (Suisse).
[17] Déclaration lors d’un voyage à Nantes, le 10 septembre 1960.
[18] Conférence de presse du général de Gaulle, du 5 septembre 1960, rapportée par André Lewin, président de l’Association française pour les Nations unies.
[19] Conférence de presse du 4 février 1966.
[20] Discours du président de la République du 30 janvier 2011, à Addis-Abeba (Ethiopie) devant le Sommet de l’Union africaine.
[21] Entretien de Boutros-Ghali avec Géopolitiques n°14 de novembre 2006 ; « Vers quelle réforme de l’ONU ? »
[22] Déclaration à New York, le 8 décembre 2006, à l’occasion de la journée des droits de l’homme.
[23] Déclaration pour le nouveau millénaire, adoptée le 3 septembre 1998 à Durban (Afrique du Sud)
[24] Discours devant la 53e session de l’Assemblée générale de l’ONU (8eme séance plénière) du 21 septembre 1998.
[25] Résolution 56/6 du 9 novembre 2001.
[26] Voir les paragraphes 103 à 110 du Rapport Goldstone.
[27] Audition du 6 avril 2011 devant la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française.
[28] Rencontres internationales du 2 au 5 novembre 1992, au Palais des Nations, Genève, sur le thème « Non à l’impunité. Oui à la justice ». Rapporteur : Gérard Fellous. Publication de la Commission internationale de juristes-Genève.
[29] H. Rouillé d’Orfeuil et Jurge Eduardo Durao (ABONG) ; Eléments pour la définition d’une « diplomatie non gouvernementale » ; Coordination Sud, septembre 2003
[30] Organisé les 4 au 5 décembre 2006 à Sao Paulo, sous le titre « Séminaire sur la diplomatie non gouvernementale »
[31] Rapport du 20 mars 2005 intitulé : « Dans une liberté plus grande : Vers le développement, la sécurité et les droits de l’homme pour tous ».
[32] Que dire de cette séance du Conseil des droits de l’homme en 2009 (à laquelle nous participions) au cours de laquelle, dans l’hémicycle plénier du Palais des Nations à Genève, le banc de l’Etat d’Israël fut déserté par ses deux délégués, repliés anonymement dans les travées des ONG, au moment où l’ordre du jour appelait une question relative au Proche Orient ?