Au moment où la Conseil d’Etat soumet son avis au gouvernement, et où le Parlement s’apprête à légiférer sur l’interdiction du port du voile intégral (burqa), l’Observatoire international de la laïcité et contre le communautarisme réaffirme sa position en faveur de disposition législative qui ne soit pas une demi-loi, et demande qu’elle se fonde clairement sur le principe de laïcité.
Le choix doit être assumé, et la responsabilité politique engagée clairement : il s’agit, soit de renforcer la laïcité française de manière ferme, soit de réagir, au coup par coup, et selon les circonstances par des « accommodements raisonnables », des petits pas incertains, aux coups de butoir portés depuis quelques années par les multiples revendications religieuses.
La mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur le territoire national l’a bien dit dans son rapport de janvier dernier : La République respecte bien toutes les croyances mais, en contre partie, les citoyens doivent aussi respecter un devoir de discrétion dans l’extériorisation de leurs convictions.
La France a plus que jamais besoin d’une réaffirmation forte et simple de sa particularité laïque. Au moment même où Paris tergiverse, Montréal ouvre, sans complexe, le débat sur la validité de l’usage des « accommodements raisonnables » de sa laïcité, alors que la Belle province accueille et intègre un pourcentage bien plus important d’immigrés et de musulmans.
Pourquoi tourner autour du pot : débattre de la dignité de la personne humaine, alors que l’on croyait les droits de l’homme bien installés en France ? De l’égalité de la femme, alors que nous condamnons unanimement les discriminations ?… et renoncer délibérément au principe fondamental de laïcité inscrit dans la Constitution française ? En effet, le principe de base invoqué par l’avis du Conseil d’Etat n’est pas la laïcité, mais celui de la sécurité publique. Il avance que le principe de lïcité n’est pas applicable, en la matière, tout en convenant qu’il peut s’agir d’un acte de prosélytisme. C’est une faute sinon juridique, du moins politique. Et pourtant celui-ci notait, dans son rapport public 2004 « Un siècle de laïcité » que, si l’on se réfère à la définition de la laïcité proposée par Jaurès, le concept de laïcité n’a pas seulement pour vocation d’éclairer les conditions dans lesquelles doivent s’organiser les rapports entre Etat et religion. Il doit plus généralement éclairer les rapports entre Etat et société civile, et entre composantes de la société civile. Et d’ajouter : il s’agit, ce faisant, de donner toute sa portée au concept français de laïcité et à ses singularités.
Il n’en demeure pas moins que l’avis du Conseil d’Etat est juridiquement pertinent : il constate qu’il n’y a pas, en l’état actuel du droit français, de disposition juridique qui puisse interdire globalement le port du voile intégral. Si le Conseil d’Etat, qui dit le droit, mais ne le fait pas, avait constaté qu’il existait déjà des fondements juridiques pour une telle loi, il n’aurait pas été nécessaire d’améliorer notre législation. Mais c’est justement l’inverse. Il existe bien un vide juridique en la matière qu’il nous faut combler. Et c’est au Parlement de le faire, avec toutes les précautions voulues. Faut-il un si grand courage politique de l’Exécutif pour l’y inciter ? Pas du tout. Ni la Foi, ni la pratique des croyants ne sauraient l’en dissuader.
De plus, l’avis du Conseil d’Etat, en ignorant la laïcité, ouvre toute grande la porte au communautarisme, et permet l’émergence, dans la sphère publique de nombreuses autres revendications, réellement ou pseudo religieuses, comme actuellement dans le système de santé ou dans les entreprises. Ne faisait-il pas remarquer, dans le même rapport sur un siècle de laïcité, que le regard porté sur cette question est aujourd’hui nourri par celle, plus large, des dangers du communautarisme.
Les français sont bien conscients de ces reculs de la laïcité : 70 % soutiennent l’interdiction de la burqa (sondage institut Harris/ Financial Times, Février 2010) tout comme la majorité des européens sondés dans sept pays. Dans un sondage (Ipsos/ Le Point) de janvier dernier, 57 % sont favorables à une telle loi.
L’argument qui consiste à éviter d’être taxé d’islamophobie, ne tient pas. De l’avis même des responsables du Conseil français du culte musulman, il ne s’agit pas d’une prescription religieuse, mais d’entrisme de fondamentalistes salafistes, alors que d’autres, comme Ghaleb Bencheikh, islamologue, accusent les pouvoirs publics d’être incapables de définir une vision claire et intégratrice de la laïcité.
En l’état actuel du débat, l’Observatoire international de la laïcité estime que la question de la burqa va au-delà des considérations de sécurité publique, qu’elle ne se réduit pas au droit des femmes, et ne peut être abordée au seul nom de la culture ou de la tradition française.
Le Parlement doit examiner cette loi interdisant le port de la burqa, aux trois motifs principaux suivants :
- le principe de laïcité qui protège l’intégrité des corps et des esprits et permet à l’islam de s’installer harmonieusement dans le paysage social français ;
- s’opposer à toute manifestation ostentatoire et politique d’un intégrisme totalitaire, dont la finalité est le prosélytisme ;
- lutter contre le communautarisme qui voudrait imposer son modèle en France.
SIGNATAIRES : Le bureau, le conseil d’administration et les membres de l’Observatoire international de la laïcité, contre les dérives communautaristes.