Genève- ONU Les menaces cachées de la Conférence sur le racisme- Durban II

Les menaces cachées

de la Conférence sur le racisme- Durban II

 

Gérard Fellous

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L’arbre a-t-il caché la forêt  au cours de la Conférence mondiale Durban II de 2009 ? Le relativisme culturel et religieux, provisoirement tenu en échec, fait-il sa réapparition ?

Le ton modéré  de la déclaration finale de cette conférence de Genève d’examen de la troisième conférence mondiale sur le racisme de Durban (2001) , obtenu après les premiers éclats des déclarations incendiaires de Mahmoud Ahmadinejad, président de la République islamique d’Iran, laisse dans l’ombre plusieurs autres aspects du discours de celui-ci, et certains articles du texte de consensus adopté, à l’arraché. De nouveaux coups de butoirs sont lancés contre les fondements laïcs et universels des droits de l’homme, tels que définis par la Déclaration universelle, soixante ans après sa proclamation.

Le relativisme culturel et religieux remettant en cause l’universalité des droits de l’homme qui menace depuis plusieurs années les travaux des instances onusiennes, a trouvé toute son illustration au cours de cette conférence Durban II autour des thèmes du racisme anti religieux, du blasphème, de la liberté d’expression.

Peut-on ignorer que le président iranien ait consacré la deuxième partie de son intervention, à une annonce messianique d’une ère nouvelle dans le monde et aux Nations unies ? Il lançait alors la formule liminaire : « Le monde est entré dans des changements fondamentaux », ce

« monde inéquitable et injuste qui arrive au bout de sa route », pour laisser la place  à la victoire  « d’un système mondial tel que promis par Dieu et ses Messagers ». Mahmoud Ahmadinejad propose alors comme solutions d’avenir, la   « nécessaire référence aux valeurs divine et humaine, en se référant à la véritable définition de l’avenir humain ». Ce «  nouveau monde décent » fondé sur l’amour, la fraternité et la soumission à Dieu  donnera naissance à « l’homme parfait ».. L’objectif poursuivi plusieurs années par l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) étant une réécriture de la Déclaration universelle des droits de l’homme à l’aune des valeurs religieuses. C’est ce même Iran qui veut faire partie du Conseil des droits de l’homme, à l’occasion du renouvellement de ses membres.

La deuxième inquiétude réside dans le texte de la Déclaration finale de la Conférence de Genève : Un article (68) est passé inaperçu  qui renvoie au blasphème religieux et à l’affaire des caricatures de Mahommet. Rappelons que la communauté internationale a refusé que soit pénalisée une critique d’une religion, quelle qu’elle soit. Or cet article porte sur « des incitations à la haine dirigée contre des communautés (…) religieuses… » par des « médias  écrits, audiovisuels ou électroniques ». On passe ainsi des victimes individuelles, prévues par le droit international (et le droit français), à des victimes collectives.

Le troisième aspect passé pratiquement inaperçu à la conférence de Genève est l’espoir que certains Etats mettent, justement, sur une révision des normes internationales en matière de racisme et de discrimination, en y introduisant de nouvelles normes juridiques portant sur le blasphème des religions. C’est dans le cadre d’un  « Comité ad-hoc pour l’élaboration de normes internationales complémentaires en matière de racisme », créé en 2002, que les travaux intergouvernementaux se poursuivent. Son objectif est d’inclure « la haine religieuse », soit en réécrivant complètement la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD), soit en ajoutant au texte actuel des protocoles additionnels[1]. C’est dire que le champ d’action de l’Iran et de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) reste ouvert. Autant dire qu’il en serait fini de la liberté d’opinion et d’expression envers des doctrines, des croyances ou des idées. Il nous faut faire preuve d’une vigilance constante afin que des droits de l’homme d’essence transcendantale ou divine, tels que prônés par le relativisme culturel et religieux, ne se substituent aux droits de l’homme universels tels fixés par la DUDH de 1948 et par les nombreux instruments internationaux qui en ont découlé.


[1] Résolution 6/21 du 28 septembre 2007 du Conseil des droits de l’homme