ONU : L’enjeu véritable de l’initiative Abbas

La véritable signification de la présence de Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne et de l’Organisation de libération de la Palestine, le 29 novembre 2012 devant l’Assemblée générale des Nations Unies, relève en réalité de la politique interne palestinienne. En effet, Mahmoud Abbas cherche à rétablir une légitimité nationale perdue, en se faisant  adouber par la communauté internationale. C’est un précédent fâcheux pour l’ONU.

 

 Mahmoud Abbas, héritier de Yasser Arafat, qui a été élu président en janvier 2005, se trouve en situation illégitime depuis 2010, n’ayant pas été en mesure d’organiser une nouvelle élection. De plus, ce président par intérim a vu son champ politique, l’Autorité palestinienne, amputée d’une partie de son territoire par le Hamas et par le Jihad Islamique, qui ont fait sécession à Gaza.

Ainsi l’Onu se trouve-t-elle confrontée à une double difficulté :

- Reconnaitre un président non élu démocratiquement ;

-Accorder un statut « d’Etat observateur non membre » à une Autorité palestinienne qui n’a pas de contours géographiques définis, et qui n’a pu proclamer son indépendance. Yasser Arafat avait tenté de le faire, en novembre 1982, mais à Alger, en dehors de sa population. Le 15 décembre de la même année, Yasser Arafat, à la tribune de l’Assemblée générale, obtenait déjà une « reconnaissance, à une large majorité (104 voix).

Souvenons-nous qu’en 2011, le Conseil de sécurité, seul habilité selon la Charte de l’ONU, avait rejeté la demande de statut d’Etat-membre, ce qui amène aujourd’hui Mahmoud Abbas à réduire ses prétentions à celui d’Etat observateur, améliorant légèrement le niveau d’observateur déjà accordé à l’OLP. Il n’a pas eu beaucoup de mal à obtenir l’approbation d’une majorité simple (98 favorables) de l’Assemblée générale ;

-Enfin,  il est inexact de laisser croire que la Charte des Nations Unies peut créer un Etat. L’ONU ne peut qu’admettre en son sein, dans son « club »,  un Etat proclamé par ses habitants et reconnu par une majorité d’autres pays.

Il n’en demeure pas moins que les Nations Unies se trouvent aujourd’hui dans une position délicate :

En effet, face à la Palestine de Mahmoud Abbas, il existerait une seconde Palestine située sur le territoire de Gaza, dont l’Autorité est représentée par le Hamas qu’une partie la communauté internationale- Le Caire, Tunis… mais aussi la Ligue Arabe, l’Union Européenne, le Secrétaire général de l’ONU, les Etats-Unis et même Israël- vient de reconnaitre de facto à la suite du récent cessez-le-feu.

Par ailleurs, le Hamas refuse toujours de reconnaitre Mahmoud Abbas, qu’il menace de mort depuis septembre 2003. Il faut rappeler que cette formation militaro-politique islamiste fut vainqueur des élections législatives palestiniennes du 26 janvier 2006 sur l’ensemble du territoire, victoire que l’OLP n’a pas reconnue, et qui fut annulée le 14 juin 2007 par le limogeage d’Ismaël Haniyeh, chef du Hamas, du poste de premier ministre de l’Autorité palestinienne. Le Hamas s’est toujours montré fortement opposé à la démarche de reconnaissance  de Mahmoud Abbas par l’ONU, la soumettant à la condition que l’Autorité palestinienne entre effectivement en conflit armé avec Israël.

Enfin, en ayant deux interlocuteurs palestiniens, irréconciliables, l’Onu donnerait légitimité à « deux Palestine (s)», et ainsi rendrait caduques les Accords d’Oslo, qui prévoient un processus de paix entre deux Etats : Israël, dans des frontières sures et reconnues, et une « Palestine ». Mais laquelle ?

Le chemin sera long, et pour certains impossible, avant que la Palestine de Mahmoud Abbas  qui bénéficie, grâce à ses relations avec Israël, d’une bonne santé économique (croissance de 10, 5% du PIB en 2011 ; PIB de 1 167 euros par habitant ; 73% du commerce avec Israël, taux de chômage tombé de 26,8 à 20,9 % entre 2004 et 2011), ne puisse absorber l’économie de subsistance et d’assistance pratiquée par un Hamas en guerre, soutenu par l’Egypte et par l’Iran.

Alors Mahmoud Abbas aura donné un « coup d’épée dans l’eau » à New York, sans résoudre aucun des aspects du conflit israélo-palestinien qui perdure depuis 1948.