La laïcité française partie 1

I : Principes et encadrement juridique

 

 

Produit d’une construction historique, sociologique et politique, la laïcité est fondée en France, sur des principes indivisibles. La liberté religieuse, c’est-à-dire les convictions intimes en une transcendance, tout comme le respect de la non-croyance, constitue l’un de ces principes intangibles

Le corpus juridique qui encadre l’expression publique de tous les cultes dans la République française est riche et souvent ignoré ou méconnu. De plus, ces textes de droit sont souvent remis en question, réinterprétés, ou « accommodés» dans des tentatives révisionnistes. Nous les détaillons dans ce premier opus. Un second, publié par ailleurs détaille les positions des protagonistes français de la laïcité, au cours de deux dernières décennies, à savoir les cultes religieux et les familles politiques.

Après avoir été Secrétaire général de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (1986-2007) auprès de neuf Premier ministre, Gérard Fellous est expert et consultant en matière de droits de l’homme près des Nations unies, de l’Union européenne, du Conseil de l’Europe et de l’Organisation internationale de la francophonie.

 

A Elisa

 

 

Préface

Jean-Paul DELEVOYE,

Président du Conseil Economique, Social et Environnemental.

Animée par des tensions de plus en plus fortes dans les rapports humains et une violence sourde contre le système, notre société traverse une période de profonde remise en cause des règles qui ont longtemps fondé sa vie collective : des discriminations ethniques au différentialisme d’assiette, de la lutte des classes à la lutte des places, se développe au détriment de notre « vivre ensemble » la tentation du repli sur soi et du chacun pour soi. C’est pourquoi , ces dernières années, j’ai voulu attirer l’attention des responsables politiques et des medias sur une France en état de burn out. 

Les espérances collectives sont en panne : L’espérance collectiviste, après la chute du mur de Berlin ; l’espérance libérale avec la crise financière déclenchée par la faillite de la banque Lehman Brothers ; les espérances religieuses minées par les intégrismes ; les avancées scientifiques ressenties comme étant porteuses de risques plutôt que d’épanouissement et de progrès…Il en est de même des  pratiques politiques  ressenties davantage comme des stratégies de conquête ou de préservation du pouvoir que d’instruments de promotion d’un projet de société. 

Dans le même temps, la survie au quotidien devient la préoccupation prioritaire pour un nombre croissant de nos concitoyens, limitant ainsi leurs perspectives. Ainsi, interrogés sur leur actuel état d’esprit, les Français signalent aux trois premières places de leurs sentiments ressentis: la lassitude, la défiance et la morosité. 

Cette difficulté que rencontrent nos concitoyens à ouvrir de nouvelles espérances individuelles et collectives laisse le champ libre à tous ceux qui  veulent exploiter les peurs et cultiver les humiliations. 

Dans leur for intérieur, les croyants déclarent avoir besoin de l’apport spirituel des religions pour défendre avec conviction le respect de  la dignité humaine, pour témoigner du respect de l’Autre et d’une conception du « faire société », pour apporter un questionnement sur la finalité de leur existence et de leurs actions, pour transmettre un héritage fondé sur une histoire séculaire et des valeurs  , là où trop souvent, la société est déchirée par des intérêts égoïstes. 

Tout autant que la non-croyance, la croyance religieuse traduit dès lors moins l’appartenance à un groupe que l’expression d’une identité personnelle sous influences multiples. Cette archipellisation de la société est un défi pour toutes les politiques publiques et toutes nos institutions, au premier rang desquelles cette laïcité à laquelle nous sommes tous très attachés. 

La République a besoin du cadre politique et juridique de la laïcité pour y parvenir dans le respect des différences, des croyances et des non-croyances de chacun. Si la mise en œuvre de ce cadre qu’est la laïcité fait souvent débat, j’en appelle à ne pas faire l’impasse sur la nécessité de défendre en permanence les valeurs qui la portent car, en Démocratie, les valeurs priment. 

La différence avec la situation de 1905, qui vit la promulgation de la loi sur la séparation entre les Eglises et l’Etat, ne réside probablement pas dans la recomposition du paysage religieux contemporain, avec le passage d’une religion dominante avec plusieurs cultes minoritaires, vers un paysage plus diversifié. Ma conviction est que le défi réside aujourd’hui dans la capacité pour les responsables de la cité de gouverner en prenant en compte les comportements de citoyens de moins en moins enclins à se plier aux règles collectives, qu’elles soient morales ou juridiques, pour adopter des modes de vie, des appartenances et des influences de plus en plus hétérogènes. 

Cette fragilisation des acteurs de régulation devant ces nouveaux enjeux peut hélas conduire soit vers  un aveu d’impuissance, soit vers une dangereuse surenchère. Il convient d’éviter ces écueils et de renouveler la réflexion sur cette problématique majeure.

 

Jean-Paul DELEVOYE

 

 

Sommaire

 

Préface   : Jean-Paul DELEVOYE, Président du CESE

Introduction :                                                                                                                

Première partie : Les normes  juridiques de la laïcité

1 : Les principes juridiques fondamentaux                                       

-    Quatre principes

-          Constitutionnalité

-          Communautarisme

-          Universalité

2 : Les fondements législatifs généraux                                                                            

                               –En droit international

                                               -Textes européens

–En droit interne :

-    L’encadrement législatif général                      

-La mise en œuvre juridique dans les services publics

                       - Les chartes

- Agents du privé en mission de service public

- L’école publique

-L’enseignement supérieur

Les travaux parlementaires              

- Résolutions

-Propositions de loi

3 :   L’exercice du culte                              

–L’espace de l’expression religieuse

                Espaces publics

-Edifices du culte

-Lieux d’inhumation

-Manifestations extérieures

Espaces privés

–Statut personnel

–Les entreprises

–La finance islamique

L’incarnation d’une pensée religieuse

–Les ministres du culte :

–Les aumôneries

Les prescriptions et rites

–Régimes alimentaires

–Abattage rituel

Dans les services publics

Dans le système de santé

Dans l’espace public                    

Le temps de l’expression religieuse

                –Repos hebdomadaire ;

-- Jours fériés

--Absentéisme

4: Une construction historique, sociologique et philosophique            

Une histoire longue et conflictuelle

Evolutions sociologiques

                               –Des questionnements de philosophie politique

5 : Les exceptions au droit commun de la laïcité                          

-          Régime concordataire dérogatoire d’Alsace-Moselle

-          Régimes des départements et collectivités d’Outre-mer

-          Mesures diplomatiques: Accords avec le Vatican

-          L’école privée privilégiée  (loi Carle)

-          La frontière grise entre cultuel et culturel