Gérard Fellous, consultant auprès des Nations unies et de l’Union européenne : « Il ne faut pas renoncer à faire évoluer le Conseil des droits de l’homme de l’ONU ».

La conférence internationale contre le racisme qui s’est déroulée dans l’enceinte de l’ONU à Genève s’est achevée le vendredi 24 avril 2009, avec les résultats que nous connaissons. Dès lors, les activités quotidiennes qui se tiennent d’ordinaire au Palais des Nations, ont repris. Notamment, les sessions du Conseil des droits de l’homme (CDH). En mai 2009, l’ONU a élu 18 nouveaux membres au Conseil, dont les Etats-Unis, un pays qui avait boycotté cet organe onusien depuis sa création en juin 2006. Doit-on saluer ce retour ?

Réponse : Incontestablement le retour des Etats-Unis au sein du Conseil répond à une logique, puisqu’en matière de droits de l’homme, les Etats-Unis s’expriment déjà à l’Assemblée générale et à la troisième commission. La politique de la chaise vide laisse la place libre aux plus extrémistes dans le système des Nations unies. Au poids diplomatique naturel des Etats-Unis, s’ajoute sa contribution financière décisive au Conseil et surtout le fait qu’ils renforcent le clan occidental soumis aux coups de butoir, tant de certains pays, comme la Chine, que de Cuba et surtout du groupe très agressif de l’Organisation de la conférence islamique (OCI).
La 11ème session du Conseil, qui a débuté le 2 juin et s’est terminée le vendredi 19 juin 2009, a été marquée par une série de tentatives destinées à affaiblir les instruments de défense des libertés. De l’avis général, un point de non-retour a été franchi lors de la session spéciale sur le Sri Lanka, fin mai. Colombo a réussi à imposer le principe de non-ingérence (alors que les Tamouls ont été massacrés au Sri Lanka) pour refuser une enquête indépendante sur place. Que vous inspire cette situation ?
Réponse : Très malheureusement, cette situation se reproduit régulièrement au sein du Conseil, particulièrement lors de crises graves en matière de droits de l’homme ou humanitaire. La position du Sri Lanka pour éviter une condamnation universelle est celle adoptée par tous les grands violateurs des droits de l’homme sur la planète. Le Sri Lanka argue des dispositions de la Charte des Nations unies qui préserve l’autorité des Etats sur leurs affaires intérieures, mais il faut constater que depuis 60 ans, l’ingérence dans les affaires intérieures et devenue une constante onusienne. Le temps ne tardera pas où le Conseil sera obligé de désigner un rapporteur spécial indépendant sur le Sri Lanka comme il l’a fait récemment pour le Soudan, ou pour la région des grands Lacs africains. Malheureusement, entre temps, des milliers de femmes et d’enfants ont été massacrés au Sri Lanka, les Nations unies n’ayant pas été en mesure à ce jour de créer une force d’intervention rapide humanitaire.
Le 18 juin, à Genève, l’avocate iranienne Shirin Ebadi, Prix Nobel de la paix en 2003 et directrice du Centre des défenseurs des droits de l’homme, une organisation non gouvernementale (ONG) interdite à Téhéran a été reçue par Navy Pillay, la haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme. A cette occasion, elle a fait passer un message, expliquant qu’à travers ces manifestations le peuple iranien exprime avant tout ses espoirs et ses exigences de manière pacifique et qu’il faut à tout prix empêcher le gouvernement d’Ahmadinejad de continuer à faire usage de la violence. Attendez-vous quelque chose du Conseil des droits de l’homme au sujet de la situation en Iran ?
Réponse : La position courageuse de Mme Shirin Ebadi, -par ailleurs, rappelons le, Prix des droits de l’homme de la République Française, décernée par la Commission Nationale consultative des droits de l’homme- doit être soutenue par tous les Etats et ONG, particulièrement en France. Il est à craindre que le régime théocratique des Mollahs ne soit pas prêt à se réformer. Le plus grand espoir en Iran se trouve dans la jeunesse moins accessible au nationalisme et aux appels du fondamentalisme chiite. La réaction prévisible de l’ensemble de la classe politique iranienne sera certainement un repli sur soi et une diabolisation du monde extérieur particulièrement des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France. Toutes tentatives au Conseil pour inscrire à l’ordre du jour la situation déplorable des droits de l’homme en Iran se heurtera au barrage dressé par l’OCI.
Faut-il réformer le CDH ou construire autre chose ?
Réponse : Incontestablement, il faut faire évoluer le Conseil. La réforme entreprise il y a quelques années de la Commission des droits de l’homme n’est pas un succès. Une nouvelle réforme pourrait porter d’une part, sur des structures plus indépendantes des Etats comme par exemple, les rapporteurs spéciaux, et d’autre part, sur le renforcement des ONG et des institutions nationales indépendantes, afin de modérer et de contrebalancer les réflexes protectionnistes des Etats violateurs. La victoire des droits de l’homme aux Nations unies est un long chemin qui est encore à conquérir.
Propos recueillis par Marc Knobel
Note :
Gérard Fellous fera paraître à la rentrée 2009, un ouvrage dont nous rendrons compte, sur les menaces qui pèsent sur l’universalité des droits de l’homme, particulièrement au travers du relativisme culturel et religieux.